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Le blog de Dawn Girl
24 novembre 2017

La manipulatrice, la pétasse et le pervers (quel titre alléchant n'est ce pas ^^)

1200px-Christophe_Hondelatte

 

« Ce soir dans « Faites entrer l'accusé » : derrière le sérieux étudiant en informatique se cachait un pervers cannibale et collectionneur de petites culottes»

 

Maelle n'est donc pas venue à l'enterrement de sa grand-mère... Un comportement approuvé, voire encouragé par sa mère.

Bon je sais que c'est mal de regarder dans le téléphone de mon chéri, mais j'ai vu des SMS que son ex lui a envoyés, et sans déconner elle est complètement folle en fait... Déjà, elle commence par envoyer un message en signant « Maelle ». Ensuite quand B. demande à parler à leur fille elle fait barrage en rétorquant : « Elle est au travail. » et « Elle ne voudra pas te parler ! »

Plus tard dans la soirée, B. lui demande d'insister, que Maelle est leur fille et que sa relation avec elle est différente de leur relation à eux. Et là, je suis tombée sur le cul en lisant la réponse : « Dans la psychologie infantile, le premier amour du garçon c'est sa mère et le premier amour de la fille c'est son père. Et toi, tu es parti vivre avec une autre femme qu'elle. Tu l'as trahie !»

Et je passe sur le magnifique : « Tu n'as pas encore compris que dans cette histoire, c'est elle que tu as le plus trompée ».

 Cette femme est donc officiellement givrée :-S. Elle devrait arrêter de lire des bouquins de psychologie et consulter elle-même...

 Bref j'ai pris les SMS en photo (si B. apprend que j'ai fait ça, il me tue). J'ai fait une copie sur mon ordi et sur deux clés USB. C'est au cas où il arrive quelque chose à B ; si elle me fait chier je n'hésiterai pas à ressortir ces SMS qui prouvent noir sur blanc qu'elle a instrumentalisé Maelle pour se venger du divorce et priver B. de leur fille. Elle verra qu'avec moi, me marcher sur les pieds c'est marcher sur une mine. Connasse.

 Quant à leur fils, il était présent à l'enterrement (au moins...), mais par contre il est toujours aussi inquiétant. Je suis sûre qu'il va virer psychopathe ; affiché dans « Faites entrer l'accusé » ou « Chroniques criminelles ». Il fait vraiment flipper avec son stoïcisme et son mutisme. On ne sait pas ce qu'il pense, on dirait qu'il ne ressent rien. J'imagine déjà les gros titres du JT « Un étudiant breton sans histoire finit par découper son coloc » façon Luca Rocco Magnotta. Et là, j'ai envie de déménager loin, très loin... En Afrique tiens, comme La Nevrosée ^^. Au moins il n'ira pas nous trouver là-bas.

Nan parce que là, il est peut-être déjà en train de mettre au point son plan pour nous trucider... Paraît que les cinglés préparent ça des années avant de passer à l'acte.

Brrrrrr.

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19 janvier 2018

Défi 8 : aller en Italie ; ajouter un autre à la liste : rester en vie :-S

phobie-avion

 

Mes zamis, je suis officiellement en état de décomposition (très) avancée. Avant-hier, j'ai réservé des billets d'avion. Depuis, la peur de mourir me submerge et menace de me dévorer.

 

Avant, je n'avais pas peur de l'avion. Je l'ai pris plusieurs fois sans me poser une seule question ; je n'imaginais même pas une demi-seconde qu'il y avait le moindre risque. Je suis allée en Tunisie, puis en Chine (11 heures de vol et pas un gramme de stress), en Ecosse, en Crète.

C'est lors du retour de Crète que ma peur de l'avion a commencé : ma cousine m'a refilé son stress. Depuis, il ne m'a plus quittée. Il ne fait que grandir depuis 2012.

 

Ma mère voulait partir à Rome ; ça fait longtemps qu'elle voulait retourner en Italie. J'ai "sacrifié" la moitié de ma semaine de vacances en avril pour lui faire plaisir. Conclusion : je vais être loin de ma fille pendant 4 jours, et SURTOUT je vais monter à bord d'un putain de cercueil volant. Je dois être maso.

Voici des extraits de la bouillie qui tourne en boucle dans mon cerveau :

 

-On va se crasher

-L'avion va exploser

-Un incendie va se déclarer et tout va péter, on va piquer du nez

-Les pilotes vont faire des erreurs de pilotage, comme lors du Rio-Paris de 2009 et on va plonger droit sur les Alpes

-Le pilote sera un copycat de Andreas Lubitz

-Un passager va se lever, brandir sa Kalach et s'exclamer que l'avion est maintenant sous contrôle

-Ma fille va se retrouver orpheline de mère à 2 ans

-B. ne va jamais tenir le coup sans moi

-On a autant de chances de se crasher en avion que de gagner au Loto

-Il n'y a eu aucun crash en 2017 ; il faut bien que les accidents (re)commencent un jour

-Souviens-toi du deuxième couplet de la chanson "Ironic" d'Alanis Morrissette

-C'est cool, si je meurs d'un accident d'avion au moins je ne mourrai pas d'un cancer

-Ma mère mourra avec moi, comme ça je ne flipperai plus de savoir comment et quand elle va mourir

-J'ai pas eu le temps de payer mes obsèques

-J'ai oublié de dire à B. qu'il ne laisse pas mon père et sa famille s'approcher de notre fille

-Qu'est ce qu'il va faire des chats ? De l'appartement de ma mère ?

-Arrête d'imaginer les photos que tu vas prendre / les mots que tu vas poster sur Facebook pour dire que tu es toujours vivante, sinon ça va te porter malheur et tu vas vraiment mourir

-Je vais mourir alors que mon abonnement à la salle de sport vient de démarrer

-J'aurai jamais le temps de me refaire un GTA Vice City complet avant de mourir

-J'ai signé mon arrêt de mort en appuyant sur "valider"

-Le 8 avril c'est la Sainte Julie

-SANS COMPTER LES TERRORISTES :-S

-Est ce que je laisse un mot à B. sous son oreiller en lui expliquant où se trouvent les photos de sms que son ex lui a envoyés, et de les envoyer à leur fille pour qu'elle voie qu'elle est manipulée, et que j'espère qu'il me pardonnera d'avoir fait ça ?

-Mais qu'est ce qui m'a pris de vouloir partir en vacances SANS MA FILLE ???

-C'était écrit ; c'est l'heure que je parte mais ma fille, ce n'est pas son heure. C'est pour ça que ma mère a eu cette idée de voyage à ce moment-là précis

-J'ai toujours su que ma mère me tuerait un jour

-Comment ils font, mes amis Sandra et Paul pour partir aux quatre coins du globe sans se poser de question ???

 

Bref, je suis persuadée de conjurer le sort avec des pensées (ou pas). C'est horrible je vais jamais tenir 3 mois comme ça. J'ai envie de pleurer ; je ne peux plus annuler maintenant, c'est trop tard. J'aimerais tellement être comme tout le monde, me dire que Rome c'est magnifique, que j'ai de la chance, que je vais en prendre plein les yeux... Mais non, cette putain de peur décuplée par tout ce qui se passe en ce moment me paralyse complètement. Ils ont beau dire "l'avion est le moyen de transport le plus sûr, blablabla..." je suis désolée, t'es à 40 000 pieds d'altitude dans un machin qui fait plusieurs tonnes et tu ne contrôles rien du tout. Ta vie est entre les mains du pilote. T'as juste à prier pour atterrir vivant sur le plancher des vaches.

 

BREF on est bien d'accord qu'il faut que je fasse quelque chose sous peine de finir par claquer d'une crise cardiaque avant même de monter dans le tombeau volant. Ma mère m'a donné les coordonnées de quelqu'un ; j'ai déjà vu plusieurs magnétiseurs pour le stress (en général) et ça n'avait rien donné, mais là franchement je suis prête à n'importe quoi pour cesser de me faire les pires films, même de bouffer des asperges. Je ne me vois pas aller voir mon médecin et lui expliquer qu'il me reste 3 mois à vivre, je vais avoir l'air con.

 

J'avais de toute façon envisagé depuis longtemps de voir quelqu'un pour ma putain d'émétophobie qui m'empoisonne la vie ; Zofia m'avait donné envie de tester la thérapie EMDR et j'avais commencé à regarder les praticiens de ma région qui font cette méthode.

La personne que je vais aller voir ne fait pas l'EMDR, mais c'est une hypnothérapeute. Le rendez-vous est pris pour le 8 mars et je vous avoue que je suis vraiment flippée....

 

Au téléphone elle a commencé à me demander, pour préparer le terrain, comment m'était venue ma peur de l'avion, puis m'a demandé si j'avais eu des événements traumatiques dans ma vie. Bien évidemment, il va falloir que je lui parle de l'alcoolisme de ma mère et des humiliations de mon père... Putain, je vais encore me transformer en paquet de morve ambulant ; dès que je parle de mes parents à un inconnu je me mets à pleurer comme une madeleine. Elle va me foutre à poil avec ses yeux et ses paroles ; ça me fait peur. J'ai également peur de ce que fait l'hypose ; j'ai peur de me sentir partir, de ne rien contrôler et de paniquer pour sortir de l' "état" dans lequel je vais être. Lâcher prise, je ne sais pas faire. J'ai également peur de vomir si elle "fait sortir" quelque chose de moi (coucou l'émétophobie.....)

 

BREF (ter) je crois que je flippe autant de voir l'hypnothérapeute que de monter dans l'avion en fait. Je ne manquerai pas de vous raconter comment cela s'est passé :-)

26 juin 2019

Adieu la foldingue...

Tongues

Ma très chère ex-collègue dont je parlais dans un post précédent est donc passée ce matin pour récupérer son solde de tout compte... Je m'étais arrangée pour aller ranger des dossiers là-haut donc j'ai juste aperçu le reflet de sa gueule de merde dans une vitrine.

Je n'étais vraiment pas bien :-( Je transpirais, mais ce n'était pas dû à la canicule actuelle ; je transpirais de peur et je sentais ma propre transpiration. C'était hyper inconfortable.

Je n'entendais pas ce qu'elles se disaient en bas avec mes collègues, mais le truc qui m'a bien gonflée c'est que l'une d'elles (Mylène) est venue lui dire au revoir, et bonne continuation et blablabla, que ça a dû dégoiser sur moi à base de : "non mais tu sais Dawn Girl elle est très spéciale, nous aussi on a du mal avec elle et patati et patata", alors que cette même collègue faisait des commentaires ironiques sur elle quand elle n'était pas là... Bref le bal des faux culs dans toute sa splendeur... 

Il faut dire qu'avec Mylène, je ne sais jamais sur quel pied danser. Elle est autant capable de me prendre dans ses bras quand je pleure que de me planter toute seule au milieu d'un séminaire où je ne connais personne ; elle est autant capable de me balancer les clés de la réserve limite dans la gueule que de me parler tout doucement, donc je suis déstabilisée dans mes réactions. Je l'apprécie et ça me fait chier de l'apprécier.

Bref si je me fie à l'attitude des autres, ce n'est pas grave que le boulet ait fait plus de conneries en deux mois que moi en deux ans. Ce n'est pas grave qu'elle ait foutu le bordel dans le planning. Ce n'est pas grave qu'elle se soit tellement pochtroné la gueule qu'elle n'a pas été capable de venir bosser. Ce n'est pas grave qu'elle ait systématiquement téléphoné au cabinet sur les heures de fermeture comme une putain de faux cul. Ce n'est pas grave qu'elle m'ait appelée en m'accusant de lui avoir envoyé des messages sortis tout droit de son imagination. Ce n'est pas grave qu'elle m'ait demandé à deux reprises si j'essayais de la rendre folle. Non non tout ça n'est pas grave ; on se lèche la pomme et on se dit bonne continuation... Beurk.

Moi je m'en fous, je suis peut-être froide, asociale, mauvaise collègue, pas faite pour le travail en équipe, mais au moins je ne suis pas hypocrite connasses :-)

 

21 novembre 2018

Défi 67 - arrêter de vapoter

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J'ai arrêté de fumer début 2015, et c'est grâce à la cigarette électronique que j'ai réussi (ma mère vient également d'arrêter après 40 ans de tabagisme ; comme quoi ce truc marche super bien).

J'ai démarré à 18 mg de nicotine ; quand je suis tombée enceinte 6 mois plus tard j'étais à 12 mg. Je n'ai plus rien fumé ni vapoté pendant ma grossesse, puis après mon accouchement j'ai repris la vape, mais cette fois sans nicotine. Mais, depuis, je n'ai pas réussi à arrêter (bon je n'ai pas vraiment essayé non plus) ; je suis accro au geste. 

Déjà, la vape n'a pas le goût dégueulasse de la cigarette : j'alterne parfum orange et parfum menthe ; il m'est arrivé de tester des arômes originaux du style yaourt aux fruits des bois ; B., lui est abonné à la piña colada et aux fruits rouges. 

Sauf que. Je ne suis pas soigneuse. Autant B. prend soin de sa vaporette ; il astique le pas de vis, nettoie le réservoir et j'en passe ; autant moi elle s'est allègrement baladée dans mon sac (et a donc ramassé un tas de cochonneries) ; et surtout elle tombe tout le temps : dans mon salon, dans ma voiture, voire même sur le trottoir. Résultat : ça fait des mois qu'elle n'a plus de bec (j'en ai racheté mais ils ne tiennent jamais), et surtout le truc qui commence à me gonfler : elle fuit. Genre incontinence totale, voyez. L'autre jour j'en ai foutu plein mon levier de vitesses et mon volant ; je n'avais rien pour m'essuyer les doigts ; j'ai dû changer de pantalon et mon siège conducteur est taché comme si j'avais pissé dessus.

Bref ça me gonfle, je me suis dit que j'allais racheter un réservoir mais je me dis que c'est peut-être un signe pour me dire d'arrêter. J'ai donc comme projet de ne plus l'emmener au travail et de ne tirer dessus que quand je suis chez moi. A suivre :)

4 février 2020

The taste of her cherry chapstick

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(la longueur de cet article n'a rien à envier à ceux de l'Averse. Si vous voulez aller pisser, c'est le moment ; après ce sera trop tard ^^)

Cela fait longtemps que cet article me trotte dans la tête. Nous sommes le 4 novembre 2019 ; je commence à le rédiger ce matin mais je ne sais pas quand je le publierai, ni même si je le publierai un jour. D'une part parce que je ne me sens pas prête à le publier, et d'autre part parce que je devrai certainement le retravailler, effacer des phrases voire des paragraphes entiers, en rajouter d'autres, modifier des concordances de temps, reformuler encore et encore, avant d'être satisfaite du résultat. Je ne sais pas à quoi ressemblera cet article quand il sera fini, mais je vois déjà l'Averse me dire : "Je savais que tu l'écrirais un jour !" ;-)

Il y a quelques mois, je vous ai parlé de quelqu'un qui m'obsédait. Quelqu'un qui occupait mes pensées jour et nuit, du matin jusqu'au soir au point d'en souffrir. Je vous ai parlé de cette personne au masculin, mais en réalité j'aurais dû en parler au féminin. Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas pu écrire le bon pronom personnel ; pas envie d'assumer cette fois-ci. Peut-être parce que c'était tellement profond et que ça me faisait tellement mal, que j'ai eu besoin de prendre de la distance en lui mettant des testicules là où il n'y en avait pas. J'étais surtout complètement paumée en fait. Ce n'est pourtant pas la première fois que je suis attirée par une fille ; pour ceux qui s'en souviennent j'avais parlé sur mon blog d'une fille de la fac, il y a fort longtemps (c'était en 2005-2006... Damn j'étais jeune... c'est tellement loin).

Aussi longtemps que je m'en souvienne, j'ai toujours été attirée par des garçons ET par des filles. Un coup une fille, un coup un garçon, de manière alternative. Je sais que certaines personnes s'obligent à sortir avec quelqu'un du sexe opposé pour paraître "normales" (je mets vraiment le mot entre guillemets car je considère évidemment les gays / bi comme des personnes normales ; je pense que vous le savez mais je préfère le préciser). Mais bon bref, moi je ne me suis jamais forcée. Comme tout le monde, j'ai eu des émois à l'adolescence ; je ne plaisais pas aux mecs mais eux me plaisaient. Il y en a eu trois ou quatre, au collège, avec qui j'aurais accepté de sortir sans problème. Il y avait également une fille qui m'attirait en 4ème, mais de manière purement platonique. J'avais été charmée en entendant sa voix de soprano ; elle chantait divinement bien. Enfin bref tout cela restait de l'ordre du fantasme.

Et puis il y a eu cette fille à la fac, donc, en 2005. Comme c'est très vieux, je vais re-développer sur elle car personne ne doit s'en rappeler ici... Flora, 28 ans, Nantaise, chargée de TD (ça fait très CV dit comme ça, mais bon ça vous plante le décor). Elle avait beaucoup de charisme ; elle savait être autoritaire sans faire peur non plus, et elle avait de l'humour à revendre. Conséquence de toutes ces qualités : elle avait une véritable cour de prétendants autour d'elle, notamment un mec de ma classe avec un prénom à la con (Jean-Valentin ou Jean-Lucas je ne sais plus). Cela m'agaçait de le voir tourner autour de Flora comme une mouche. Moi je la regardais sans m'approcher ; j'étais intriguée, attirée. Si elle m'avait fait un signe, juste un signe, c'était où elle voulait et quand elle voulait. J'ai du mal à en être sûre, mais je crois que c'est la première fois qu'une fille m'attirait "complètement", c'est à dire physiquement. Je suis quasiment sûre que j'aurais pu coucher avec elle. Bien évidemment, je n'ai rien montré et je n'en ai parlé à personne, sauf sur mon blog.

Flora nous a fait cours jusqu'en janvier 2006 et puis elle est repartie à Nantes. Elle m'a manqué. Je crois que j'ai fini par l'oublier quand j'ai connu B. (pour rappel j'ai rencontré B. fin 2005 et je suis sortie avec lui en mars 2007).

Tout en rédigeant cet article, je viens de taper le nom de Flora sur Google. Elle vit toujours à Nantes où elle est devenue maître de conférences en droit privé ; elle écrit régulièrement des articles qui sont publiés dans des revues juridiques. Elle a 43 ans maintenant ; je ne sais pas si elle est mariée, si elle a des enfants ; si sa moitié s'appelle Stéphane ou Stéphanie. J'ai retrouvé la vidéo d'une conférence à laquelle elle a participé il y a quatre ans ; la revoir ne m'a rien fait de spécial. Elle a changé physiquement (logique), elle a les cheveux plus longs qu'il y a quatorze ans et elle n'a visiblement toujours pas arrêté la clope. Elle est toujours aussi brillante et concise (bon les juristes sont rarement des ânes), mais elle ne m'attire plus du tout. Par contre, c'est quelqu'un avec qui j'échangerais volontiers autour d'un café.

Comme je disais plus haut, c'est environ à la même époque que B. est entré dans ma vie et a tout emporté comme un tsunami. Je ne vais pas revenir sur les milliers de péripéties qui ont émaillé mon histoire avec lui, vous les connaissez déjà. Il est devenu le père de ma fille et je l'ai tellement aimé que je ne me suis plus posé de question sur mon orientation sexuelle. Flora me semblait loin à présent. J'ai interprété mon coup de coeur pour elle comme le fait que je me cherchais à l'époque, que j'étais perdue parce que je n'avais jamais été aimée par personne. A présent quelqu'un m'aimait de manière réciproque, un homme, donc plus besoin de chercher, je m'étais trouvée. Fin de l'histoire. Par ailleurs, quelqu'un m'a confortée dans ma présumée hétérosexualité : Benjamin (la première fois j'en avais parlé sur mon blog sous le nom de Gladiator). Un mec dont j'ai été folle pendant plusieurs mois. Il ne s'est rien passé avec lui parce qu'il avait des principes, mais il aurait pu me tringler sur la table quand il voulait, et plus si affinités. Cerise sur le gâteau lillois, on avait le même humour et le même goût pour les jeux vidéos. Bref, ce garçon restera pour toujours un acte manqué.

Je me suis remise avec B. en 2013, pour de bon cette fois. On se connaissait déjà intimement depuis 6 ans donc plus de passion comme au début, mais on baisait beaucoup tout de même. On l'a fait à peu près partout : sur la plage, au bord d'un étang, dans la forêt, dans un champ, dans le garage devant l'immeuble... C'était marrant.

Et puis, comme dans n'importe quel couple, la routine s'est installée progressivement. On a eu notre fille, les années ont passé. Nous étions toujours proches physiquement, mais ce n'était plus pareil. Je l'ai un peu délaissé, et je suppose que je me suis sentie délaissée aussi, car j'ai commencé à regarder ailleurs. Et au fil des mois, sans m'en rendre compte, je suis tombée amoureuse de quelqu'un d'autre : Laetitia, donc, celle dont j'ai parlé ici à mots couverts en la masculinisant. Un truc qui était tellement fort que ça me faisait mal, tellement mal que j'en pleurais. Tout me plaisait chez elle : son physique, sa voix, sa gentillesse, son sourire doux, son accent (mon dieu son accent ❤❤❤)...  Une petite douceur qu'on a juste envie de serrer contre soi et de câliner. Problème : cette fille c'est le Graal, elle est totalement inaccessible. D'abord, parce que je la côtoie dans le cadre professionnel. Ensuite, parce qu'elle a un mari et des enfants (son fils a le même handicap que ma fille d'ailleurs, sauf que lui ce sont les deux oreilles). Et pour finir, parce qu'elle est d'un statut social bien supérieur au mien (le pire des obstacles selon moi ; c'est d'ailleurs l'une des raisons qui ont fait que Benjamin m'a jetée). Je sais qu'elle m'apprécie, mais c'est tout, pas d'attirance de son côté, c'est impossible. A l'époque, cette voie sans issue me rendait dingue, je n'arrivais pas à raisonner mon cerveau. Et puis je culpabilisais vis à vis de B. Lui qui m'aimait, qui aimait sa vie avec moi ; B. pour qui j'avais remué ciel et terre, que j'avais attendu si longtemps ; B. qui avait divorcé pour moi. Comment pouvais-je fantasmer sur quelqu'un d'autre alors que l'homme pour qui j'avais tant souffert pendant des années partageait ma vie officiellement, conformément à ce que j'avais désiré le plus au monde ? A croire que je courais après les situations impossibles et que j'aimais souffrir. Je me détestais d'être comme ça.

J'ai écrit une lettre à Laetitia, un document Word que j'ai supprimé ensuite. Comme cette lettre n'était pas destinée à être lue par sa destinataire, je ne me suis pas censurée, j'y suis allée à fond. J'ai fait courir mes doigts sur le clavier, sans réfléchir, sans me relire. Je ne me suis jamais relue d'ailleurs : j'ai gardé le document Word quelques temps, puis je l'ai jeté dans la corbeille de l'ordinateur et j'ai vidé la corbeille.

Au bout de quelques semaines, ça a arrêté de me faire mal. J'appréciais toujours énormément Laetitia, je la trouvais toujours très jolie, j'éprouvais toujours une frustration en la voyant, mais plus rien de douloureux. Mon cerveau avait fini par accepter que rien n'était possible. Ouf.

Et puis juin ta gueule Rose. Juin 2019. Ma rencontre avec Myriam. Je ne me souviens pas de la première fois où je l'ai vue, mais par contre je me rappelle très bien de la première fois où je l'ai remarquée. Elle s'est levée pour venir me voir, et là je suis restée scotchée sur ses yeux. « Madre de dios, qu'ils sont beaux », me suis-je dit.

Myriam a les yeux verts. Un vert pur, sans aucun reflet marron. Il y a longtemps, j'avais décidé que je n'aimais pas les yeux verts, parce que cela m'évoquait des personnes que j'exécrais : ma tante hystérique a les yeux verts, et SURTOUT, l'ex de B. a les yeux verts. (enfin dans son cas je dirais plutôt qu'ils sont jaune pisse). Bref je claironnais à qui voulait l'entendre que les yeux verts c'était moche, que ça ne servait à rien et qu'il fallait abolir cette couleur d'iris de la surface de la Terre pour le bien-être de l'humanité. Yeux verts, yeux de vipère.

Mais les yeux de Myriam m'ont désarmée. Oubliée ma tante et son regard mauvais. Balayée l'ex de B. avec ses yeux jaune pisse. En un seul instant, les yeux verts ont retrouvé grâce à mes yeux.

Ensuite le temps a passé, et je me suis rendue compte qu'il n'y avait pas que les yeux de Myriam qui me plaisaient ; je m'intéressais à la personne toute entière. Par contre, rien de douloureux comme pour Laetitia, juste une attirance "normale". Elle me plaisait énormément, je pensais très souvent à elle, mais sans obsession. Je retrouvais ce que j'éprouvais quand j'ai connu B. : les papillons dans le ventre, l'envie de la voir, même deux secondes. Le fait de me lisser les cheveux, de me faire manucurer les ongles et de mettre des boucles d'oreilles pour être plus jolie quand je la voyais. Essayer de prendre une jolie voix quand je lui parlais. Changer de manteau parce que je ne voulais plus qu'elle me voie avec ce machin gris difforme que j'avais acheté quand j'étais enceinte. Avoir le coeur au bord des lèvres à chaque fois que mon téléphone vibrait,  puis soupirer en le consultant parce que c'était ENCORE une notif de l'application Rennes 24' pour me dire que le cortège de la manifestation anti-réforme des retraites était rendu sur l'esplanade Charles de Gaulle PUTAIN J'EN AI RIEN A FOUTRE. Désespérer quand elle ne me regardait pas et préférait palabrer avec Madame Trucmuche, parce que du coup je ne pouvais pas lui faire mon super sourire qui tue (bon en fait il ne tue pas tant que ça, mais bon j'ai bientôt 36 ans donc je ne peux plus compter sur ma fraîcheur). J'étais clairement dans une démarche de séduction ; je me retrouvais dans la peau d'une gamine de 16 ans qui ne savait pas comment s'y prendre. A un moment donné, certains regards et allusions m'ont fait penser qu'il y avait peut-être une ouverture avec elle ; ça ne durait jamais longtemps mais c'était très agréable. "Oh, tu travailles là-bas ? C'est marrant, c'est la ville où j'habite". Maaaaais on va chez toi quand tu veux. Et puis le lendemain, on s'apercevait juste de loin et on ne se saluait même pas. Un pas en avant, deux pas en arrière. Dans ces moments-là je passais limite une journée de merde.

C'est ça qui est terrible quand j'ai un gros coup de coeur pour quelqu'un : une entrevue avec lui / elle, aussi courte soit-elle, va devenir mon moteur pour avancer, et va donner le ton pour le reste de la journée. Or, il y a des journées, où tu te dis que tu aurais mieux fait de rester couchée. Ce genre de journée pourrie jusqu'au trognon où toute la loose du monde semble s'abattre sur tes épaules. A un moment donné, j'ai connu tellement de journées de merde que j'étais déprimée. J'avais juste envie de me terrer dans une grotte et de ne plus voir personne, jamais. Seules les discussions sympas que j'avais avec certains patients au boulot m'apportaient un peu de réconfort, et pourtant je n'aime pas mon boulot. Je sais qu'il y a plus grave dans la vie que mes petits soucis, du style se taper un cancer ou avoir les huissiers qui frappent à la porte, mais je n'étais vraiment pas bien. 

Contrairement à Laetitia, Myriam n'est pas une personne inaccessible : elle n'est pas mariée et n'a pas d'enfant (bon cela ne l'empêche pas d'avoir quelqu'un dans sa vie on est bien d'accord, mais je n'ai jamais osé lui poser la question ouvertement, donc à moins qu'elle fasse une allusion explicite du style "ah oui, c'est ce que me disait justement ma femme..." (oui je regarde Columbo) (oui c'est une série des années 70) (vos gueules :D)). Comme je disais plus haut, il y a eu certains signes qui auraient pu me faire penser que... Mais j'ai déjà eu la preuve dans le passé que les signes peuvent être trompeurs ; on voit parfois ce qu'on a envie de voir, on interprète les choses à notre sauce et on met des oeillères pour tout le reste. Donc...

Il y a longtemps, une ancienne copine d'école m'a raconté qu'un jour, elle a carrément mis un mot sous l'essuie-glace du mec qui lui plaisait ; cette stratégie a été payante car ils ont vécu une belle histoire ensemble et ont eu deux enfants. Mais JAMAIS je n'oserai jamais faire ça, ni avec Myriam ni avec qui que ce soit. Je suis plutôt du genre à rester passive et à attendre que ça se passe. Il se trouve qu'en 2006, le hasard m'a donné un énorme coup de pouce avec B. (pour rappel, il est venu bosser à quelques mètres de mon boulot, ce qui a provoqué nos retrouvailles et tout ce qui s'ensuit). Bref je repensais à tout cela, et je me disais naïvement : "si c'est déjà arrivé une fois, pourquoi cela ne se reproduirait-il pas avec Myriam ?"

Mais hélas, il y a eu ce Louis de funeste 13 janvier 2020 (encore une allusion aux années 70. Niééé). Ce jour-là, Laetitia a eu 40 ans. J'ai eu envie de lui envoyer un bouquet de fleurs à son bureau ; je voulais joindre une carte très sobre (et ANONYME surtout), avec juste un "joyeux anniversaire" tout simple. Jamais de la vie je ne lui aurais dit que c'était moi, mais j'ai cru comprendre que son mec n'était pas le roi des romantiques donc cette petite attention lui aurait certainement fait plaisir.

Finalement je me suis abstenue, et au vu de la suite des événements, j'ai rudement bien fait... En effet, quand une journée commence par une catastrophe comme celle qui va suivre, on sait déjà qu'elle va être bien moisie :

Je marchais donc tranquillement, je ne demandais rien à personne, et là, Myriam a déboulé à quelques mètres devant moi. Ca m'a troublée ; je me suis pris les pieds dans une putain de roue en plastique de merde qui traînait là, et je me suis rétamée. Mais alors RETAMEE de tout mon long... Le gadin absolu qui fait disparaître toute ta dignité en une demi-seconde. BAM.

 

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Ce moment divin où ta dignité s'en va. Définitivement.

 

 

J'ai vu le visage de Myriam changer en même temps que je tombais, c'était comme dans un film. J'ai alors obéi à mon premier instinct : j'ai éclaté de rire. Mais un rire vraiment pourri, le rire le plus ridicule que j'ai jamais fait de ma vie. J'ai touché le fond en direct live.

Petite parenthèse : la semaine suivante, j'ai lu « Dolores Claiborne » de Stephen King. Vers la fin du livre, l'héroïne évoque « le rire le plus artificiel qu'[elle] avai[t] jamais entendu sortir d'[elle] », qui faisait « Yar-yar-yar ». Cette phrase m'a rappelé ma gamelle du 13 janvier, et j'ai explosé de rire en m'imaginant faire « Yar-yar-yar » les quatre fers en l'air devant Myriam. J'en ai craché mon thé par le nez. Dommage qu'elle ne m'ait pas vue, elle a loupé un grand moment, vraiment.

Bref.

Myriam m'a demandé si ça allait ; elle a touché ma main à deux reprises quand je me suis relevée (❤❤❤❤) puis elle est repartie rapidement (elle était à la bourre). J'ai gardé le sourire (pouvais-je faire autrement ??), et là, comble de la honte, je suis passée devant sa collègue, qui n'avait pas loupé une seule miette du spectacle et qui me toisait du regard, l'air de dire "ma pauvre j'ai trop pitié de toi"...

PUTAIN.

La dernière fois que je m'étais pris une gamelle pareille, c'était il y a plus de quinze ans en repartant du bureau d'une auto-école. Je m'étais pris les pieds dans le métal d'une chaise et j'étais tombée tranquillou sur la moquette ; je n'ai pas compris ce qui se passait. La directrice de l'auto-école avait  rigolé gentiment : "Il faudra être plus adroite quand vous apprendrez à conduire, hin hin hin !"

Bien évidemment, je n'ai jamais remis les pieds dans cette auto-école, j'avais trop honte. Ce qui n'a pas été une chose négative finalement, puisque c'est dans l'auto-école suivante que j'ai rencontré B.

Bref.

Tout espoir venait donc d'être réduit à néant. Tous mes efforts pour séduire Myriam, pour qu'elle me trouve jolie, apprêtée et avec une bonne élocution... balayés d'un seul coup. Je venais de passer de Catherine Deneuve à Pierre Richard slash Thierry Roland en une fraction de seconde (encore une référence de vieux). Je me suis dit : "Ok meuf, donc là concrètement si tu as jamais eu la moindre minuscule chance avec elle, elle vient de s'envoler avec ta crédibilité, ton amour-propre, ta fierté et tout ce qui s'ensuit. Myriam fait un métier public, comment veux-tu qu'elle s'affiche avec Pouf le Cascadeur ? (référence de 1997, on progresse ^^) Cette chute est un message très clair : le Destin te dit que c'est mort avec elle. Donc au lieu de rêver ta vie, occupe-toi plutôt de sauver ton couple qui est en train de partir à vau-l'eau. Oublie cette fille. Fais du sport, une bonne cure de sommeil avant d'affronter la fin janvier qui va être difficile, et basta. Salut."

Je raconte cette anecdote sur le ton de l'humour, mais tout cela m'a en fait profondément déprimée. Ce jour-là j'ai senti Myriam m'échapper, un peu comme de l'eau qui m'aurait glissé entre les doigts. J'étais fatiguée aussi. Fatiguée de mon quotidien. Fatiguée de me dire que mon mec n'avait peut-être plus envie de moi. Fatiguée de l'ignorance de Myriam alors qu'on avait eu des échanges vraiment sympas avant cette putain de chute à la noix. Fatiguée de fantasmer sur des personnes avec qui il ne se passerait jamais rien. Fatiguée de me poser trop de questions. Fatiguée tout court.

J'ai officiellement renoncé. J'ai définitivement classé cette histoire dans la catégorie « Laetitia » (nouveau substantif inventé par moi-même pour désigner une relation impossible). Tu as affaire à une Laetitia ? C'est foutu, passe à autre chose. Myriam est une Laetitia. On passe à autre chose. 

Renoncer à Myriam n'a cependant pas empêché les interrogations existentielles : je suis quoi en fait, bisexuelle ? Je déteste ce mot, ça fait hermaphrodite. Quand je lis "bisexuel", je visualise un mec avec deux pénis. Je n'ai pas de pénis, mais je me sens obligée de me mettre dans une case parce que notre société aime bien mettre des étiquettes sur les gens. J'ai fait un test sur Internet (ça vaut ce que ça vaut je sais). J'ai obtenu le résultat suivant : "Vous êtes hétérosexuel(le) avec de fortes tendances homosexuelles". Ok, ça me va. Ca veut dire que je ne me suis pas trompée en me mettant en couple avec B. ; que ces treize  dernières années n'ont pas été bâties sur un mensonge. Je crois que c'est ça qui me faisait peur, en fait : j'avais peur de m'être plantée sur toute la ligne, de m'être battue pour quelque chose qui était voué à l'échec dès le départ. D'avoir construit une vie de couple factice ; un mirage. En réalité, j'ai juste évolué. Connais-toi toi-même. Je pense que ça va me prendre mille ans pour me connaître. Me comprendre, déjà, c'est compliqué...

 

Voilà, je vous remercie de votre attention ; prochaine étape : faire un post sur les violences parentales (celles que j'ai subies durant l'enfance et l'adolescence, et celles que j'ai peur de faire subir à ma fille). Dans la mesure où cet article sera plus "analytique" que le gros machin que vous venez de lire, ce n'est pas 3 mois qu'il va me falloir pour le rédiger, mais plutôt 3 ans... Rendez-vous à la maison de retraite ^^

 

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10 février 2020

Violence(s) - Partie 1

(deux pavés en une semaine à peine ; je suis prolifique en ce moment ^^)

Plus jeune, quand j'entendais parler d' « enfant maltraité », je visualisais un enfant recroquevillé dans un coin, un bras levé pour se protéger des coups. Un enfant subissant régulièrement des châtiments corporels. Un enfant battu. J'étais dans l'erreur ; je n'avais qu'une vision tronquée. La maltraitance a de multiples visages : il y a la violence physique, la violence sexuelle, la violence psychologique. Jamais je ne me serais considérée comme une enfant victime de violence, et pourtant je l'ai été. J'ai été victime de violences. Il a fallu presque 36 ans pour qu'une psychologue me demande, alors que j'étais en larmes, au bord du malaise : « Avez-vous été victime de violences ? », et que je réponde « Oui, de violences verbales ». Là encore, je n'ai dit qu'une partie de la vérité : j'ai été victime de plusieurs types de violence. Au départ j'avais prévu de parler de toutes ces formes de violence dans un même article, mais cela aurait donné un machin très long et assez indigeste. Du coup, je vais consacrer ce premier article à la violence de mon père uniquement ; j'évoquerai le reste plus tard.

Il y a des sujets de conversation que je préfère éviter avec ma mère. Des sujets sensibles, où quoi qu'il arrive, chacune de nous campera sur ses positions, où la discussion sera complètement bloquée et où cela se terminera, de toute façon, très mal. Je n'aborde donc jamais ces sujets, et si fortuitement la discussion dérape dessus, l'une de nous botte en touche pour ne pas que cela parte en vrille. Quelquefois c'est elle, quelquefois c'est moi. De ce fait, j'imagine qu'elle pense la même chose que moi : qu'il vaut mieux éviter d'en parler.

Ces sujets sont, en vrac : mon père et moi ; l'alcoolisme de ma mère ; mon attitude avec elle durant mon enfance et mon adolescence ; mes études. Pas des sujets tabous, mais presque.

Comme vous le savez, mes parents se sont séparés quand j'avais moins de 2 ans. Leur mariage n'a pas été heureux ; la grossesse de ma mère était accidentelle. J'étais un accident. Quand elle a su que j'étais là, elle a voulu me garder mais mon père, lui, ne me voulait pas. D'ailleurs elle m'a raconté récemment que lors de leur nuit de noces, mon père l'a secouée en lui disant « je vais te faire avorter »... On ne peut pas donc dire que mon existence commençait dans le bonheur. La vie à trois n'a pas été idyllique non plus.

Après leur séparation, ma mère et moi sommes allées vivre chez mes grands-parents, où nous sommes restées jusqu'à mes 7 ans. J'ai donc été élevée en partie par ma grand-mère. Je voyais rarement mon père ; je ne comprenais pas où il était. Je ne comprenais pas pourquoi il n'avait pas le droit d'entrer chez mes grands-parents. Je ne comprenais pas pourquoi, les rares fois où il téléphonait, ma grand-mère lui répondait avec une voix d'enterrement et me passait le téléphone avec un enthousiasme digne d'une stalactite. On ne m'avait rien expliqué.

A 2 ans et demi, j'ai été opérée des végétations. Je me souviens de l'odeur horrible dans le masque quand ils m'ont endormie. Je me souviens avoir vu les gens du bloc opératoire devenir dorés pendant que je m'endormais. Je me souviens de mon réveil dans la chambre ; du plafond qui faisait comme une marche. Je me souviens qu'il y avait un néon rectangulaire sur chacune de ces marches. Je me souviens avoir vomi du sang (ce que ma mère a confirmé). Je me souviens qu'une infirmière est venue tout de suite pour pour nettoyer sous ma tête ; qu'elle m'a reposée sur le lit après, et que ça sentait le sang. Je me souviens que je voulais tourner ma tête sur le côté mais que ma mère m'obligeait à rester sur le dos. Pourtant je me sentais mal sur le dos. Mais j'avais 2 ans et demi donc j'obéissais. Je me souviens qu'il y avait une sorte de bouche d'aération sur le mur. Je l'ai regardée en demandant à ma mère : « Il est où papa ? » « Il est au travail », m'a-t-elle répondu. Elle ne savait probablement pas où il était ; elle se disait probablement que la place d'un papa normal est auprès de sa fille qui vient de se faire opérer ; elle se disait probablement que j'avais vraiment un papa de merde, mais elle m'a dit qu'il était au travail parce que j'avais 2 ans et demi. Et moi je savais très bien qu'il n'était pas au travail.

Je me souviens de ma sortie de la clinique. Il faisait nuit. J'avais mal à la gorge comme jamais je n'avais eu mal de ma vie. Il y avait une Barbie posée sur la banquette arrière de la voiture de mes grands-parents. Cadeau post-opératoire. On est rentré et ensuite je ne me souviens plus de rien jusqu'à mes 4 ans.

Un jour, mon père est venu me chercher chez mes grands-parents ; ma mère n'était pas là. On est allé dans le centre ville de Rennes. Il m'a dit : « On va aller acheter un pain au chocolat et boire un jus d'orange ».

Sauf qu'il n'y a jamais eu de pain au chocolat ni de jus d'orange : on a fait la queue dans un bureau de poste bondé, et puis il m'a brusquement ramenée chez mes grands-parents. Je n'ai pas compris. Il ne m'a rien expliqué. Je me suis dit qu'il avait mieux à faire que de passer du temps avec moi. Je me suis assise sur le fauteuil dans le salon de mes grands-parents. David Hallyday chantait en anglais. Je l'ai regardé jouer du piano et j'étais tellement triste.

Un autre jour, mon père m'a emmenée en voiture avec deux amis à lui : une jeune femme qui s'est assise devant, et un type habillé tout en cuir qui s'est assis derrière, à côté de moi. Le type était unijambiste et sentait l'alcool à plein nez. A un moment donné, il s'est collé à moi et m'a demandé de lui faire des bisous sur la joue. J'étais absolument dégoûtée et horrifiée, mais je l'ai fait. J'avais tellement honte. J'avais quoi, 6 ans ? A 6 ans on fait ce qu'on nous demande, surtout quand personne ne nous vient en aide. Je revois mon père. Il regardait dans le rétroviseur son porc de copain unijambiste qui demandait à sa petite fille de 6 ans de lui faire des bisous, et il ne disait RIEN. Il regardait juste dans son putain de rétroviseur de merde. C'est son pote sac à vin qui a arrêté de lui-même ; j'ai ressenti un soulagement mêlé de malaise quand il m'a enfin laissée tranquille.

Je ne sais plus quelle personne m'a dit, quand je lui ai raconté cette anecdote : « Il regardait dans le rétroviseur pour surveiller ». MON CUL. Il aurait dû arrêter la voiture. Il aurait dû dire à son copain d'arrêter. Il aurait dû le foutre dehors. Il aurait dû lui dire « Tu ne touches pas un seul cheveu de ma fille de 6 ans, connard». Il aurait dû lui en coller une. N'importe quel père digne de ce nom aurait réagi ainsi. Mais pas mon père. Il a juste regardé dans son rétroviseur. Je crois que sa passivité m'a encore plus marquée que l'autre dégueulasse alcoolisé qui me réclamait des bisous. Je me suis dit inconsciemment que si un jour j'étais en difficulté, mon père ne me viendrait pas en aide. Message reçu, Maurice.

L'unijambiste s'est suicidé 5 ans plus tard. Mon père était triste. Pas moi.

Ces premières années furent donc marquées par l'absence, ponctuée de quelques rares escapades pas toujours très heureuses. Mon père vivait aux quatre coins de la France, travaillait je ne sais où et vivait avec je ne sais qui. L'entreprise de destruction a commencé bien plus tard, à l'adolescence. Cela a été très progressif, très lent. Je ne peux même pas dire quel a été le premier fait destructeur ; je suis incapable de m'en rappeler. On peut comparer cela à un prédateur qui asphyxie doucement sa proie, ou, plus poétiquement, à un ténia qui envahit lentement un gros intestin. Mon père ne m'a jamais frappée. Jamais. Et il en était fier, d'ailleurs. Le pire, c'est qu'il était sincèrement convaincu de ne pas être violent. Pourtant, il l'était. Une violence inouïe. Une violence insidieuse. Une violence par sous-entendus. Il sous-entendait que j'étais grosse. Il sous-entendait que j'étais moche. Il sous-entendait que j'étais empotée, nulle, incapable de faire quoi que ce soit de bien. Il sous-entendait que j'étais méchante avec lui, lui qui s'était tellement battu pour me voir quand j'étais petite, parce que ma mère et mes grands-parents l'empêchaient de me voir (LOL). Il sous-entendait que j'avais vraiment un comportement impossible ; que ses propos étaient juste de l'humour, que je n'avais vraiment aucune auto-dérision. Que j'étais susceptible. J'y reviendrai plus tard, mais ceci explique certainement qu'aujourd'hui je sorte de mes gonds lorsque ma mère me parle de ma susceptibilité.

Mon père créait un climat d'anxiété permanent. Il me faisait chier avec mes notes à l'école. Il me faisait faire des exercices de maths et me faisait réciter mes leçons alors que je n'arrivais pas à apprendre. Il disait que je ne foutais rien, mais c'est juste que j'étais trop angoissée pour travailler sereinement. J'avais besoin de m'évader, de me sortir de ce climat familial anxiogène. Mon cerveau était déjà trop plein. Mais comment lui expliquer cela ? Je n'avais pas les mots, et lui n'en avait strictement rien à faire de la psychologie et des émotions de son enfant. Tout ce qu'il savait, c'est que j'avais d'énormes capacités (ah bon, je croyais que j'étais nulle??) et que je gaspillais mon intelligence à « ne rien branler ».

Il se moquait beaucoup de moi aussi ; en public de préférence. C'est mieux avec un public, on se sent plus puissant. Le meilleur public pour lui : sa famille. Un auditoire déjà acquis, puisqu'il les endormait depuis des années en leur servant des monologues étayés de mots qui le faisaient passer pour un intellectuel, tels que « en l'occurrence », « dubitatif » ou « théoriquement ». Mon père utilisait cette méthode avec tout le monde : parler, parler, parler pendant 3 heures ; un mot de 4 syllabes de temps en temps pour faire joli, et hop la personne en face était anesthésiée. Cela doit être fascinant à observer quand on n'en est pas la victime. Hélas, j'en étais la victime. Sa famille aussi. Ma mère aussi. Sa nana aussi. Il m'humiliait devant sa mère, son frère, sa sœur, sa belle-soeur. Il m'en mettait plein la tête en me regardant de haut et de côté ; son bout de pain à la main, les yeux légèrement clos. Je me rappelle m'être dit qu'il prenait son pied en faisant cela. Il jouissait. Je me ratatinais sur ma chaise, je me sentais comme une merde, et lui il jouissait.

Inutile de compter sur le soutien des personnes assises à table avec nous : quand il parlait, ils se taisaient tous. Certaines de ces personnes sont aujourd'hui encore sous son emprise. Certaines de ces personnes croient encore aujourd'hui que je suis méchante, que j'ai abandonné mon père parce que j'ai été manipulée par ma mère. Certaines de ces personnes croient REELLEMENT que mon père est une victime. Elles croient sérieusement cela, alors que je porte encore les stigmates de cette violence et que je les garderai toute ma vie, et que j'en pleure encore aujourd'hui en me demandant ce que j'ai fait pour mériter ça, car je n'étais qu'une gamine, merde. Je ne veux jamais revoir ces gens. Jamais.

Quand on a un père comme celui-là, on le surveille comme du lait sur le feu. On s'attend à tout moment à ce que ça dérape. On essaye de serrer les dents quand il est méchant. On est soulagé quand il est gentil. On est soulagé quand il est NORMAL. On sent qu'il y a un malaise dans l'air, mais on ne sait pas pourquoi. On se demande ce qu'on a dit de mal, ce qu'on a fait de mal. Et comme il ne dit rien, on cogite. On se refait le film de la journée, des jours précédents, du dernier appel téléphonique. On cherche inlassablement. Une phrase maladroite peut-être ? C'est vrai, en y réfléchissant, on se rend compte que telle parole a été prononcée d'une manière un peu agressive. Oui, ça doit être ça. On est soulagé d'avoir mis le doigt dessus, mais on culpabilise parce qu'on n'a jamais voulu lui parler de cette manière. Alors on va le voir et on se montre le plus gentil possible. Pour qu'il soit gentil. Bien sûr, on ne parle pas de LA PHRASE malheureuse qui est à l'origine de la colère froide du paternel, mais on lui montre implicitement qu'on a compris, qu'on regrette. Qu'on s'excuse. Et on soupire de soulagement quand il est enfin gentil. Le malaise est passé ; à partir de maintenant on va se montrer irréprochable, jamais un mot plus haut que l'autre. Pas de rebellion. Quoi qu'il dise, quoi qu'il fasse, il aura raison.

D'une manière générale, on essaye de tout faire pour ne pas déclencher ses foudres. On dit ce qu'il veut qu'on dise, on fait ce qu'il veut qu'on fasse. Et surtout, on ne lui tient pas tête. On veut juste être tranquille, que cela se passe le moins mal possible. La paix.

C'est horrible. C'est une gymnastique permanente ; un jeu d'équilibriste. On se remet sans cesse en question. On sur-analyse le moindre de nos faits et gestes, la moindre de nos paroles. Les moments de répit ne sont en fait que de faux soulagements ; ils grignotent doucement le cerveau et mettent en place les rouages de maladies psychosomatiques plus ou moins graves, au même titre que les moments où la cocotte-minute explose. C'est de la toxicité à l'état pur. Des violences sournoises qui sont d'autant plus terribles qu'elles ne laissent pas de trace visible.

J'étais incapable de répondre à mon père. Je savais que son discours n'était pas normal ; je sentais que quelque chose ne tournait pas rond, mais il me tétanisait. Et le pire de tout, c'est que durant les dernières années, je voyais sa belle-fille (la fille de sa compagne), qui elle, arrivait à lui répondre. Elle lui rabattait son caquet, et il la RESPECTAIT. C'était terrible. Je m'énervais de ne pas y arriver alors qu'elle, elle y arrivait. C'était insupportable d'humiliation. Et surtout, pourquoi moi la gentille, je me faisais traiter comme de la merde alors qu'elle, la grande gueule, elle avait droit à de la considération ? Ce n'était pas logique.

Avec le recul, je me dis que cela avait été facile pour elle de se forger une personnalité et un caractère qui lui permettaient de répondre à mon père, étant donné qu'elle avait grandi avec des parents normaux (bon sa mère était idiote, mais au moins pas de prise de tête, de névrose ou je ne sais quoi. Juste du vide et de la superficialité. Quelquefois ce n'est pas plus mal). Elle n'avait jamais été rabaissée. Et accessoirement, elle n'était pas autiste Asperger non plus. C'est beaucoup plus facile d'ouvrir sa bouche quand on n'est pas lesté par de tels bagages.

Il faut savoir que mon père a des atouts pour lui : il présente bien physiquement et il est drôle. Vraiment drôle quand il veut. J'ai lu des BD qu'il a dessinées quand il avait 14 ans, il avait un réel talent, aussi bien pour le graphisme que pour les gags. Il m'a souvent fait rire. Son physique et son sens de l'humour auraient pu servir à faire du bien aux autres, malheureusement il les a utilisés pour faire du mal. Pour séduire. Pour manipuler. Pour se faire passer pour une victime. Pour détruire sa propre fille. Pour rabaisser plus bas que terre les gens qui l'aimaient. Pour foutre en l'air tout ce qu'il avait commencé à construire : famille, entreprises... Il y avait l'image qu'il donnait en société : quelqu'un de sympa et de marrant. Et puis il y avait sa face sombre, celle d'un homme profondément névrosé qui avait besoin de vampiriser les autres pour exister. Je mets tout cela au passé car j'ai coupé les ponts avec lui depuis presque 17 ans, mais je suppose qu'il a toujours en sa possession quelques marionnettes qu'il manipule selon ses humeurs. Je les plains. Sincèrement je les plains. Et je leur souhaite d'avoir dans leur entourage quelqu'un qui leur ouvre les yeux et leur donne le seul conseil à donner dans une telle situation : fuir.

Je n'ai jamais raconté à ma mère ce qui se passait chez mon père, j'en étais incapable. J'étais sous emprise. J'avais peur de lui. Peur des représailles. C'est sur ce dernier point que le sujet de mon père est tabou avec ma mère : elle refuse d'admettre que j'avais peur de lui. Elle est persuadée que je l'admirais. J'ai eu beau lui dire que c'est faux, archifaux et tout ce qu'on veut, elle n'en démord pas. Elle sait mieux que moi ce que je ressens, et c'est proprement insupportable. Je suis quand même la mieux placée pour analyser mon ressenti, non ? Et bien non. J'ai envie de hurler quand elle commence à évoquer ma soi-disant admiration pour ce monstre. Cela me rappelle quand j'étais petite et que ma grand-mère me disait que je faisais un « caprice » alors que j'étais juste malheureuse et que je n'arrivais pas à le dire. Quand la personne en face refuse d'admettre une émotion que l'on ressent au plus profond de soi, c'est horripilant. Ma mère voit les choses de son point de vue d'ex-femme : oui en effet, il ne lui a jamais versé de pension alimentaire, oui il aurait dû le faire comme n'importe quel père divorcé, mais pour moi c'est juste un élément qui complète le tableau ; un accessoire purement matériel. Je ne dis pas que ce n'est pas grave de ne pas payer de pension alimentaire ; je n'ai jamais dit cela. Simplement, le principal pour moi c'est le côté sentimental, le côté destructeur. En quoi accorder davantage d'importance à cet aspect du bonhomme, fait de moi une fille qui lui donne raison de ne pas avoir subvenu aux besoins matériels de son enfant ? Bref, on n'en sortira jamais, donc j'ai renoncé à la convaincre et je fuis toute discussion qui commence à glisser sur ce terrain.

Elle n'a eu connaissance de tout cela que bien plus tard, et encore je ne lui ai pas tout raconté. D'une part parce que cela n'aurait rien changé, et d'autre part parce que je ne me souviens même pas de tout. Je sais juste que j'ai été maltraitée par mon père. Que j'ai été victime de violences psychologiques. Je sais qu'elle s'en veut de m'avoir envoyée en vacances chez mon père ; qu'elle se dit que si elle ne s'était pas battue pour que je garde contact avec lui, rien de tout cela ne serait arrivé. Mais je pense que cela aurait été pire : quelqu'un qu'on ne connaît pas, on l'idéalise. Je l'aurais imaginé grand, beau, riche, gentil, et là pour le coup je l'aurais admiré alors qu'il n'y avait vraiment pas matière à le faire. Au moins je sais qui il est, et je sais que je n'ai plus de temps à perdre avec lui. Pas d'idéalisation, pas de scénario idyllique ou au contraire dramatique. Pas de pathos. Ce qui est fait est fait. Je n'en veux pas à ma mère ; elle a fait ce qu'elle pensait être le mieux pour moi à ce moment précis.

J'ai coupé les ponts avec mon père en 2003. Ma première décision d'adulte. Une renaissance. Certes j'étais cabossée, abîmée, apeurée ; j'avais d'autres sources d'angoisse (mon père est en partie responsable de mon mal-être, mais il n'est pas le seul. J'y reviendrai), mais j'ai été libérée d'un poids.

Il y a quelques mois, j'ai lu « Au cœur des émotions de l'enfant » d'Isabelle Filliozat. Grâce à ce livre, j'ai commencé le cheminement pour pardonner à mon père. C'est une entreprise très difficile que ce pardon. Comment pardonner quand on sait que non seulement le bourreau ne demandera jamais pardon, mais qu'en plus il n'éprouvera jamais aucun regret pour le mal qu'il a fait ? Pourtant je dois lui pardonner, je dois pardonner à toutes les personnes qui m'ont fait du mal sinon je ne vivrai jamais en paix.

Ma mère serait horrifiée de lire des propos pareils ; elle penserait que chercher à comprendre et à pardonner = dire que tout ce qu'il a fait n'est pas grave. Or ce n'est pas du tout ce que je dis. Ce qu'il m'a fait est grave.

Bref.

Je ne peux pas croire qu'un être humain soit foncièrement méchant. Quelque chose a fait que mon père ne sait pas aimer, qu'il est incapable d'éprouver de l'empathie, de l'amour ou n'importe quel sentiment positif. Etre méchant et rabaisser, c'est la facilité. Montrer ses failles, pleurer et dire qu'on est malheureux, demander pardon, reconnaître ses torts, admettre qu'on a mal agi et qu'on a fait des erreurs, se remettre en question, s'analyser, voilà le vrai courage. Mon père est un lâche. Mais je vais essayer de lui pardonner. Cela me prendra peut-être toute la vie, peut-être que je n'y arriverai que sur mon lit de mort, mais j'y arriverai. Je ne le fais pas pour lui ; je le fais pour moi.

J'aurais juste voulu avoir un père normal. J'aurais juste voulu avoir un papa.

tofo

5 juillet 2019

...

brain-switch

Mettre mon cerveau sur OFF, mon rêve...

J'en ai marre. Ca me gave. Je me soûle toute seule. Je voudrais que ça s'arrête...

Il y a quelques temps, je vous ai dit que j'avais quelqu'un dans la tête. Ca ne va pas mieux. C'est même de pire en pire. Ca a commencé insidieusement il y a 2 ans, et c'est allé crescendo, de plus en plus fort. Il occupe mes pensées du matin au soir. Le matin je pense à lui. Dans la voiture je pense à lui. Au boulot je pense à lui. Quand je vais au sport je pense à lui. Le soir je pense à lui. Je crois que c'était pareil quand j'avais B. dans la tête : je vivais B., je respirais B., je mangeais B. (ça fait 12 ans maintenant mais ça devait y ressembler). Là c'est pareil mais ça a changé de personne. L'éternel recommencement.

Je me déteste. J'ai pleuré des hectolitres de larmes pour être avec B., et maintenant que j'ai ce que je voulais, quelqu'un d'autre occupe mon esprit. Quel est donc mon problème ?? Je me dis que ma relation avec B. ne doit plus me satisfaire, sinon je n'aurais pas besoin de divaguer. Pourtant je suis sûre de l'aimer encore.

Je sais que rien n'est possible avec l'autre, donc il n'est même pas question d'essayer quoi que ce soit. Sa situation est encore plus compliquée que celle de B. lorsque je l'ai connu. Je me dis que la meilleure solution serait de ne plus le voir du tout. Mais ce n'est pas possible car je le vois dans le cadre professionnel. Et puis putain qu'est ce que je serais malheureuse si on me disait là, tout de suite maintenant, que je ne le reverrais plus jamais...

Alors que faire ? Voir une psychologue ? J'en ai vu une, à deux reprises au mois d'avril-mai, mais elle ne me convenait pas. C'est dur de trouver quelqu'un avec qui on se sente suffisamment en confiance pour parler de sentiments amoureux. Autant pour une phobie on peut faire de l'hypnose ou de l'EMDR, mais pour oublier quelqu'un je ne sais même pas s'il y a un remède à part la lobotomie. A part le temps... (qui prend bien son temps bordel)...

Je voudrais juste qu'il SORTE DE MA TETE...

19 août 2019

Mon énorme déprime de la rentrée

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Mon moyen de transport pour aller en Helvétie

 

Je vous préviens d'avance que ce post est plein de gros mots ; j'ai besoin de me défouler. Ce sera un post de la Tourette. Veuillez m'en excuser :-)  

 

Je suis rentrée de vacances aujourd'hui, et dès demain, je retourne au boulot. Je suis déprimée, je n'ai aucune envie d'y aller... J'en ai ras le bol de mon boulot, il me fatigue psychologiquement.

Je crois que je vous avais déjà expliqué brièvement le contexte dans lequel je travaille ; je vais détailler davantage pour que vous compreniez pourquoi j'en ai ras le bol. Je vais toutefois tâcher de faire concis pour ne pas vous barber.

Mon patron est quelqu'un qui peut être gentil quand il veut, mais qui a mauvaise réputation : il parle mal aux patients (qui sont des enfants et qui sortent donc parfois de leur rendez-vous en larmes... et  derrière on doit gérer l'énervement légitime des parents) ; il nous parle mal quand il est stressé (donc souvent). Il a la réputation de faire traîner les traitements. Son devis est très cher. Il refuse catégoriquement de recevoir les parents en salle de soins (il n'accepte de les voir que très rarement, il n'a pas le temps). Il refuse les patients qui ont plus de 10 minutes de retard (mais bien sûr ce n'est pas lui qui refuse hein, c'est moi qui suis chargée du sale boulot puisque je travaille à l'accueil. Lui pendant ce temps-là il est bien peinard dans sa salle de soins).

Travaillant au secrétariat, je fais donc paratonnerre. La majorité des parents sont très gentils, mais je dois gérer ceux qui ne sont pas contents, à tort ou à raison. Je dois justifier le fait qu'ils payent presque 800 euros pour deux rendez-vous (trois s'ils ont de la chance). Je dois leur donner une réponse quand ils demandent combien de temps il reste de traitement et que mon patron ne répond pas à la question parce que ça le fait chier. Je dois gérer les emmerdeurs qui ne veulent venir que le soir à 18h ou le samedi parce que "nous on travaille" et moi je fais quoi je tricote connard ? Je dois décaler des rendez-vous quasiment toutes les semaines parce que mon patron a décidé que finalement, ce jour-là il fera du collage ou des poses de minivis "Tous les rendez-vous là, vous me les virez et vous les déplacez au lendemain. C'est mercredi donc ils pourront venir". BAH VOYONS. Je dois gérer les parents qui veulent le voir alors que lui ne veut voir personne. Ils sont prévenus dès le début mais ça, ils l'oublient vite. Last but not least, je dois me taper des séminaires de merde où je dois prendre un cercueil volant pour partir 4 jours dans un endroit loin de ma fille, avec des gens que je n'aime pas pour suivre des cours qui ne m'intéressent pas et faire potiche dans des soirées qui m'emmerdent au plus haut point et dans lesquelles je suis mal à l'aise parce que je suis autiste.

Au mois d'avril, il y a une connasse (il n'y a pas d'autre mot) qui s'est littéralement défoulée sur moi au téléphone. Elle m'a dit plusieurs fois que je me foutais de sa gueule. Elle a clairement dépassé les bornes. D'aucuns auraient pris leur téléphone pour dire à cette hystérique qu'elle n'a pas à s'adresser aux assistantes de cette manière, mais non seulement mon patron n'a pas bougé le petit doigt, mais en plus il l'a eue en face de lui 3 semaines plus tard et ne lui a strictement rien dit. Rien. Nada. Walou. Et elle non plus d'ailleurs ; elle est soi disant énervée contre lui mais elle se chie dessus quand elle est devant lui donc voilà, tout le monde se fait des jolis sourires pendant que moi je m'en suis tellement pris plein la gueule que j'en ai pleuré. Mais bon c'est tellement plus facile de hurler sur la secrétaire hein salope. Le pire c'est que depuis ce jour, cette pute se paie le luxe de me faire la gueule. LOL.

Bref il résulte de ces conditions de travail des prises de tête régulières avec certains parents ; juste avant les vacances d'ailleurs la mère d'une patiente (qui m'emmerde parce qu'elle veut voir mon patron, tiens donc) m'a dit qu'il fallait "rester zen".... Mouahahaha mais prends donc mon poste pendant 3 mois ma jolie et on verra si tu restes zen, Zazie.

Du coup je me sens con, parce que cette personne revient mardi et qu'elle va encore me gonfler parce que je me suis énervée. Et que quelque part je me sens coupable parce que je n'arrive pas à faire comme toutes ces secrétaires qui parlent doucement, ne s'emportent jamais et restent calmes en toute circonstance. La secrétaire de mon médecin est hallucinante : sa voix ne dépasse jamais 20 décibels. Bon cela dit, je pense que si elle se fait agresser verbalement, mon médecin est du genre à sortir de son bureau. Pourtant elle fait 1,60 m à peine et quarante kilos toute mouillée. Paradoxalement, mon patron qui a la carrure de Philippe Etchebest fuit les conflits comme la peste et laisse ses assistantes se démerder toutes seules. Va comprendre Charles.

Alors vous allez me demander ce que j'attends pour me barrer si c'est tellement horrible de bosser là-bas. Quelque part je suis comme dans une charentaise : c'est moche mais c'est confortable. J'ai un CDI, je commence à 10h le matin sans me taper d'embouteillages, je suis payée 1500 euros net ; ça me permet de ne pas trop regarder les prix quand je fais les courses. Je connais le logiciel, je connais le cabinet. J'ai mes habitudes. Il me faudrait une bonne dose de courage pour tout recommencer ailleurs, et je dois manquer de courage.

Mais. Je me sentais vraiment fatiguée psychologiquement au mois de juillet, et je sais que cette fatigue va revenir très vite, surtout que dans 15 jours c'est la rentrée en maternelle de ma fille et que l'amplitude horaire de ses journées m'angoisse beaucoup. Par ailleurs, dans 1 mois on part en Suisse pour LE séminaire annuel où je vais crever dans l'avion. Pas de vol direct donc on va prendre 4 cercueils volants (youpi) ; la fille avec qui je m'étais bien entendue à Lyon ne sera pas là donc je vais passer beaucoup de temps toute seule (je ne compte pas sur Mylène-planche-pourrie pour me tenir compagnie). Bref c'est la merde ; je peux espérer me reposer un peu au mois de novembre car mon boss se barre 4 semaines aux Antilles. Je suis déjà fatiguée d'avance...

Or, ma santé vaut plus que 1500 euros. Je dirais bien à mon patron d'aller se faire mettre avec son planning, sa copine hystérique et tout le reste mais mon mec étant smicard, je ne peux absolument pas me le permettre. Je ne peux pas partir sans rien. Les CDI sont rares dans ma branche. J'hésite donc entre chercher un poste de secrétaire à mi-temps (genre dans un labo par exemple), ou alors faire carrément un bilan de compétences pour changer de boulot et arrêter de me taper des connards qui ne veulent venir que le samedi et font passer la journée à Disneyland avant le rendez-vous chez l'orthodontiste. Je manque de temps ; mon boulot me bouffe mon temps et mon énergie. Ma mère me dit de me mettre au yoga mais je vois mal comment je pourrais soulever mon gros cul en plomb pour faire le poirier (sérieux, comment elles font toutes pour se mettre la tête en bas et les jambes en ciseaux telles des Nadia Comaneci en herbe ???)

 

3 novembre 2019

Dernières lectures

Virgin Suicides de Jeffrey Eugenides

virgin suicides

Les sœurs Lisbon vivent avec leurs parents dans une petite ville de banlieue près de Detroit. Une famille bien sous tous rapports en apparence : le père est professeur au lycée, la mère tient sa maison et s'occupe des filles ; ils fréquentent l'église tous les dimanches. La vie de cette famille apparemment sans histoire est perturbée par le suicide de Cecilia, la plus jeune des filles, suivi un an plus tard du suicide de ses quatre sœurs après que leur mère les a cloîtrées dans la maison et interdit toute sortie.

 Ce roman a été adapté au cinéma par Sofia Coppola en 2000 ; je n'ai vu le film qu'une seule fois lors de sa sortie. J'avais été un peu déçue : ok elles se suicident toutes, mais pourquoi ? J'étais curieuse de savoir si le livre donnait des pistes.

Et bien en fait... pas vraiment, mais la frustration a été un peu moins forte qu'avec le film. L'histoire est racontée par l'un des voisins des sœurs Lisbon, vingt ans après les suicides. Lui et ses amis n'ont jamais oublié ces filles qui les fascinaient ; ils ont récupéré des objets leur ayant appartenu et qu'ils ont conservé comme des « pièces à conviction ». Le narrateur remonte le fil de l'histoire, depuis le suicide de Cecilia jusqu'à la mort de ses sœurs. On assiste, impuissant, à la déchéance de toute la famille Lisbon (les parents s'isolent avec leurs filles dans une maison qui devient sale et tombe en ruine). Les garçons aperçoivent les filles derrière des fenêtres couvertes de crasse, communiquent avec elles en leur passant des disques au téléphone, se demandent ce que signifient les signaux lumineux qu'elles envoient et les lettres énigmatiques qu'elles leur déposent pendant la nuit. Le suicide collectif a lieu alors qu'ils viennent les chercher pour s'en aller loin de chez elles.

Le point de vue narratif fait qu'on peut tout imaginer ; on ne sait absolument rien de ce qu'il se passe derrière les murs de cette maison transformée en prison : violence verbale, physique ? Viols ? Manipulation mentale ? On ne sait pas pourquoi elles se suicident, ni pourquoi elles le font à ce moment-là. Généralement ça m'énerve de finir un livre avec des questions sans réponse, mais l'écriture de ce livre m'a fait oublier mes interrogations : c'est très bien écrit, c'est poétique, imagé. Un vrai roman sur le passage à l'âge adulte et sur l'amour adolescent. A l'occasion si le film passe à la télé je le regarderai à nouveau.

 

GATACA de Franck Thilliez

 

gataca

 

Ce roman est la suite du Syndrome E. Lucie Henebelle, qui a démissionné de la police, apprend que Grégory Carnot, l'assassin de l'une de ses filles, s'est suicidé en prison. Parallèlement, Franck Sharko, dont elle est séparée, enquête sur la mort d'une étudiante, dont le corps a été retrouvé dans la cage d'un grand singe, apparemment blessée mortellement par ce dernier.

 Alors vous allez me demander comment ça se fait que j'ai ajouté Gataca sur ma PAL alors que j'ai critiqué Thilliez en disant que ce n'était pas l'écrivain du siècle ^^. En fait j'avais lu Le Syndrome E il y a 3 ou 4 ans (j'avais été déçue d'ailleurs, je ne sais même plus de quoi ça parlait), et j'avais envie de savoir ce qui était arrivé aux jumelles de Lucie Henebelle. Voilà pourquoi :-)

Je persiste et je signe concernant le style littéraire ; j'ai failli cramer le bouquin quand j'ai vu page 220 cette HORRIBLE expression même pas française : AU JOUR D'AUJOURD'HUI. Non mais ce n'est juste pas possible d'écrire ce machin quand on est écrivain bordel de merde. Et son éditeur, il a de la merde dans les yeux pour accepter d'écrire ça dans un LIVRE ?????? Par ailleurs, on trouve au moins 356 fois l'expression « de ce fait » ; une redondance quelque peu agaçante.

 Voilà c'est dit :D

Je vais commencer par les points négatifs, puis j'enchaînerai sur le positif (oui je vous rassure j'en ai trouvé quand même ^^) : d'abord les situations tellement vues et revues : les retrouvailles de Sharko et Henebelle dans un cimetière sous la pluie, alors qu'ils observent chacun de leur côté les funérailles de Grégory Carnot, et on se jette dans les bras après un premier contact froid, et gnagnagnagnagna... on se croirait dans Love Actually. De même que Henebelle qui s'introduit dans une maison, trouve un corps, manque de se faire gauler par la police et se fait sauver les fesses par Sharko qui BIEN SÛR était tout seul derrière la maison (pour aller pisser sans doute). J'ai déjà vu et lu ce genre de scène des dizaines de fois, y compris dans de très mauvais téléfilms. D'autre part, je persiste à dire que « Sharko » c'est vraiment pourri pour un nom de héros.

Mais il y a du positif tout de même :-) En fait, ce livre est plutôt une bonne surprise (si si je vous jure ^^). Premier point positif : pas trop de niaiserie amoureuse façon Camilla Läckberg ; au début du roman Sharko et Henebelle sont séparés et c'est très bien comme ça ; pas d'amour dégoulinant qui parasite l'enquête policière. Deuxième point positif : le roman est très bien documenté sur l'ADN et le Darwinisme ; il permet de réfléchir sur l’Évolution de l'Homme au sens large du terme, sur la génétique, sur l'adaptation de la nature à l'évolution (ce qui n'est pas forcément une bonne chose soit dit en passant), sur la destruction de la planète par l'homme, etc. La police scientifique n'est pas ma tasse de thé, mais je dois avouer que j'ai trouvé toutes ces données intéressantes et que j'ai suivi l'enquête avec plaisir.

Bref j'ai bien aimé ce livre malgré tout, par contre l'auteur n'a pas pu s'empêcher de faire retomber les deux héros amoureux, et ils vont se marier, se reproduire, blablabla... M'intéresse pas. Je passerai donc mon tour sur la suite de la saga Sharko-Henebelle. Puis bon, l'objectif au départ était de savoir ce qu'étaient devenues Clara et Juliette ; maintenant je sais. Merci Frankie, next !

 

 Satan était un ange de Karine Giebel

 

satan

 

François, avocat d'affaires basé à Lille, souffre d'une tumeur incurable au cerveau ; il va mourir bientôt. Face à cette nouvelle brutale et terrifiante, il prend sa voiture et plaque tout sans rien dire à personne, laissant sa femme dans l'inquiétude. Arrivé vers Lyon, il prend en stop un jeune homme, Paul, qui lui indique vouloir se rendre à Marseille. Ils vont voyager ensemble dans le sud de la France, apprendre à se connaître et à s'apprivoiser comme dirait notre bon vieux Antoine de Saint E.

 Ce livre m'a fait penser au film de François Ozon Le temps qui reste (la fin de ce film m'a traumatisée d'ailleurs) : comment réagir quand on apprend qu'on va mourir alors qu'on est encore jeune et qu'on n'a pas accompli le quart de ce qu'on aurait aimé faire ? Certains s'effondrent, d'autres profitent à fond du temps qu'il leur reste, d'autres encore choisissent la fuite en avant. C'est cette troisième option que François a choisie. Paul fuit aussi, mais c'est tout autre chose. Il vit au jour le jour. J'ai trouvé intéressante cette relation filiale qui s'instaure entre François, avocat riche et arrogant, et Paul, jeune voyou qui s'en est sorti comme il a pu.

Néanmoins. Ce roman fait partie pour moi des livres « VLVO » : vite lu vite oublié (c'est hélas le défaut de bon nombre de thrillers français). Non pas que je n'ai pas aimé ce livre, je ne peux pas dire cela. Mais les situations et les personnages sont assez « cliché » (certains diraient « téléphonés » mais j'ai horreur de cette expression). Il n'y a rien d'inattendu, seulement une belle amitié qui se noue entre les deux protagonistes et quelques jolies tournures de phrase. Bon évidemment on a envie de savoir si François meurt et comment, mais on est loin de Thelma et Louise. Un road trip de petite envergure selon moi.

Hélas je ne pourrai pas refourguer ce livre sur le Bon Coin car il a pris la flotte :D La faute à la tasse d'Alice qui s'est renversée dans mon sac à main.

 

La femme à la fenêtre de AJ Finn

 

femme fenetre

Suite à un drame familial, Anna vit seule dans sa grande maison. Alcoolique et agoraphobe, elle occupe ses journées en jouant aux échecs, en regardant des films en noir et blanc et en espionnant ses voisins. Un jour, elle est témoin d'un crime se déroulant dans la maison d'en face. Elle appelle la police, mais à cause de son état, personne ne la croit...

J'ai beaucoup aimé ce livre ; le suspense est au rendez-vous du début à la fin. A un moment donné, je me suis dit "oh non pitié, pas ça", et puis finalement l'auteur m'a sorti un rebondissement du chapeau et j'ai pu terminer le roman sans rester sur ma faim. Je conseille à fond ce livre !

C'est là que je me rends compte que j'ai vraiment une préférence +++ pour les thrillers étrangers et que les auteurs français sont toujours un cran en-dessous (je l'ai encore constaté lors de la lecture des deux livres que j'ai évoqués précédemment). Je n'ajouterai plus de polar français sur ma PAL ! ^^

Édit: je viens de commencer "Cinq semaines en ballon" de Jules Verne. Le Dr Fergusson explique le fonctionnement du ballon avec moult formules mathématiques et physiques auxquelles je ne comprends absolument rien. Je ne sais pas pourquoi j'ai instinctivement pensé à l'Averse 🤭

 

 

29 mai 2020

Les lieux sombres de Gillian Flynn (challenge des Dames en noir)

flynn_

Voici ma troisième lecture pour le challenge des Dames en Noir, organisé par Zofia. Comme j'ai involontairement validé le premier défi, (à savoir lire un roman avec de l'eau sur la couverture), je me suis laissée prendre au jeu et j'ai choisi, pour valider le deuxième défi, un livre où le personnage principal est une femme.

 

Résumé : en 1985, toute la famille de Libby (7 ans à l'époque) a été sauvagement assassinée. Seule rescapée, Libby a désigné son frère Ben comme étant l'auteur du massacre. Devenue adulte, Libby vivote sur l'argent que lui a rapporté le drame (livre et produits dérivés, dons de personnes anonymes...) Hélas, la source de revenus se tarit et Libby est à court d'argent. Approchée par un club de fanatiques passionnés par son histoire, elle voit là l'occasion de se refaire une santé financière. Elle va retourner sur les lieux du crime et se prendre au jeu, cherchant à savoir ce qui s'est réellement passé 25 ans plus tôt...

Au début, j'ai eu un peu de mal avec ce livre. Je trouvais le style littéraire trop alambiqué, trop introspectif... Il y avait des tournures de phrase bien vues mais cela partait dans tous les sens. Le personnage de Libby, jeune femme dépressive qui boit plus qu'elle ne mange et exploite le filon de la tuerie de sa famille ; les allusions au satanisme... L'ensemble m'a paru assez poussif et je me suis dit que j'allais vraiment me faire chier jusqu'à la fin.

Et puis, arrivée entre la moitié et les trois quarts du livre... ENFIN j'ai été prise dans l'histoire. Il était temps. Non seulement Libby ne pense plus seulement à l'argent mais veut aussi découvrir la vérité sur son histoire pour pouvoir enfin aller de l'avant (ce qui rend son enquête intéressante et son personnage moins agaçant), mais on en découvre également davantage sur le personnage de Ben (auquel on s'attache immanquablement). Les chapitres, assez courts, font des allers-retours entre passé et présent selon le point de vue de Libby (pour les chapitres du temps présent), et de Patty (la mère de famille tuée) et de son fils Ben (pour les chapitres retraçant la journée macabre de janvier 1985). Le récit, bien mené, trouve son rythme... et moi avec. ^^

J'ai donc bien aimé ce livre ; le style de Gillian Flynn n'est pas dénué de talent mais un peu trop  brouillon à mon goût. Je ne sais pas ce que valent ses autres romans...

dames en noir

3 juin 2020

(Quelques-unes de) mes lectures durant le confinement

(j’en ai lu d'autres, mais soit je n’ai pas été super emballée soit j’ai la flemme de faire un article ^^ )

 

 

J'irai tuer pour vous de Henri Loevenbruck

loevenbruck

1985. Marc Masson, déserteur de l'armée française, travaille pour une société privée pour le compte du Royaume Uni. Durant une opération en Argentine, il fait évader une femme avec sa petite fille, avant de prendre la fuite une nouvelle fois.

Parallèlement, Paris est la cible de multiples attentats à la bombe (grands magasins, hôtel de ville, RER...) la DGSE et la DST travaillent de concert pour mettre la main sur les responsables de ces attentats. Olivier Dartan (qui travaille pour la DGSE) fait de nombreux allers-retours entre Paris et Beyrouth, où des Français sont pris en otage (le sociologue Michel Seurat entre autres). Il fait engager Marc Masson (rapatrié en métropole après avoir été retrouvé en Guyane française). Il promet de faire disparaître son "dossier" (sa désertion de l'armée et ce qu'il a fait en Amérique du sud) en échange de ses services. Masson accepte, et sous une nouvelle identité, il va devenir assassin pour le compte de l'Etat...

Je crois que c'est la première fois que je lis un livre qui raconte une "petite histoire dans la grande Histoire". J'avais déjà entendu parler des otages du Liban, de la guerre civile libanaise et des tensions entre l'Iran et l'Irak, mais par contre je ne savais pas que Paris avait connu des attentats aussi violents dans les années 80.

Le livre est très bien documenté ; les personnages sont travaillés ; les différents organismes, officiels comme officieux, aussi bien du côté français que du côté libanais, sont très bien décrits et expliqués. Les missions de Marc Masson sont haletantes ; on est vraiment pris dans le récit. Je n'ai pas pu m'empêcher de faire un parallèle avec "Et le mal viendra" de Nathalie Camut et Jérôme Hug (que je tenterai de relire cet été dans le cadre du challenge des Dames en Noir), dans lequel je m'étais sentie littéralement enfumée par les auteurs entre l'Armée congolaise, les milices privées, les mercenaires, les zadistes etc ; c'était bien trop compliqué. Henri Loevenbruck, lui, a fait du travail très soigné et ne m'a pas semée en route. Malgré de multiples allers-retours entre différents protagonistes et différents pays, j'ai parfaitement suivi l'intrigue.

Bref, arrivée à la moitié du livre je me disais déjà que j'allais en faire une critique dithyrambique. Mais là.... ce fut le drame !  

Je vous explique : même si ma préférence allait pour le personnage d'Olivier, j'aimais bien Marc Masson quand même : je le voyais comme un vrai dur, un anarchiste sans aucune attache, un loup solitaire marqué par la violence mais ayant des scrupules tout de même, bref un héros des temps modernes... et là, on lui a collé une histoire d'amour gnangnan à la mords-moi le noeud !!! Inutile de dire que mon intérêt a chuté d'un seul coup ; je me suis sentie trahie. NON. PITIE.

Au début j'ai espéré que Masson se foute de la gueule de la fille, qu'il tire son coup vite fait et qu'il parte sans faire de bruit ; à l'image du type qui s'est tapé des prostituées en Amérique du Sud, vous voyez... Mais non. On a droit à la totale : la drague un peu insistante mais pas trop, les rêveries romantiques, le premier baiser dans un café, la nuit à la belle étoile sur la plage, les retrouvailles surprise dans un escalier, l'installation ensemble, et... tadaaaam le BEBE. Quand j'ai lu les mots "je suis enceinte", et ensuite "tu préfères un garçon ou une fille ?", j'ai failli lancer le livre par la fenêtre.

Je ne sais pas si c'est du fait de l'auteur ou si les choses se sont réellement passées ainsi (le livre est inspiré de faits réels), mais clairement ça m'a gonflée. Ce qui m'intéressait dans ce livre, c'était l'action ; l'adrénaline, les liens réels ou supposés entre les prises d'otage et le Hezbollah, les coulisses du pouvoir... J'en avais rien à foutre que Masson soit amoureux. Ou alors qu'il le soit, mais sans qu'on nous abreuve de scènes dégoulinantes du gentil petit couple qui chiale devant les images de l'échographie merde. Je n'ai rien contre les histoires d'amour dans les romans, mais quand c'est subtil : le couple d'Olivier et de Samia par exemple, a été abordé avec beaucoup plus de discrétion par l'auteur. Du coup, cela ne m'a pas dérangée (et pourtant Olivier est très amoureux de sa femme ^^).

Reste que "J'irai tuer pour vous" est vraiment un livre de qualité et que je recommande. Je reste admirative du boulot énorme qui a été fait pour écrire ce roman, et Henri Loevenbruck a une vraie plume (moi qui ne suis pas très branchée auteurs français, je reconnais qu'il est au-dessus du lot. Et il n'affuble pas ses héros de faux patronymes pseudo-américains pourris du style "Julian Stark"). Je lirai avec plaisir d'autres livres de cet auteur ; par contre j'ai cru comprendre qu'il avait écrit pas mal de fantasy, et la fantasy ce n'est pas trop ma tasse de thé.

 

Voyage au centre de la Terre de Jules Verne

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Otto Lindenbrock, un professeur et savant allemand, trouve un manuscrit indéchiffrable à l'intérieur d'un ancien livre qu'il vient d'acquérir. Durant des journées entières, il tente de décrypter ce manuscrit, en vain. C'est finalement son neveu Axel qui y parvient : il s'agit en fait d'un message de Arne Saknussemm, un alchimiste islandais, qui affirme s'être rendu jusqu'au centre de la Terre en passant par le cratère d'un volcan éteint, le Sneffels. Axel et son oncle vont donc quitter l'Allemagne et se diriger vers l'Islande pour atteindre le Sneffels et descendre à leur tour dans les entrailles de la Terre.

C'est mon quatrième Jules Verne (il me reste encore "De la terre à la lune" à emprunter à mon patron ; mais pas sûr que je le fasse étant donné le climat orageux entre lui et moi -quel doux euphémisme..). Des quatre ouvrages lus de cet auteur, je pense que "Voyage au centre de la Terre" est celui que j'ai le moins aimé. En effet, la géologie est une science qui est très loin de me passionner (c'était même mon cauchemar en 4ème ; à l'époque ma moyenne était descendue à 7 / 20 :-S), et seuls les moments d'action m'ont réellement intéressée (notamment l'épopée sur le radeau). J'ai nettement préféré "Cinq semaines en ballon" ou "20 000 lieues sous les mers". Bref, une impression plutôt mitigée.

 

Toutes les histoires d'amour du monde de Baptiste Beaulieu

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Après avoir trouvé des carnets où son père Moïse a consigné des lettres d'amour adressées à une certaine Anne-Lise, le père de Jean sombre dans un état de tristesse et d'abattement. En effet, son père n'avait jamais parlé à personne de cette histoire d'amour. Jean, le petit-fils de Moïse, va relire tous les carnets de son grand-père pour tenter de comprendre qui est Anne-Lise. 

J'ai découvert Baptiste Beaulieu totalement par hasard durant la crise du coronavirus ; en effet il exerce comme médecin généraliste et il est très actif sur les réseaux sociaux. Ce livre est un gros coup de coeur pour moi ; c'est émouvant et très bien écrit. J'ai beaucoup aimé revivre l'enfance, l'adolescence puis l'âge adulte de Moïse durant les deux guerres mondiales. Je recommande à 200 % et je vais courir acheter d'autres livres de Baptiste Beaulieu :-)

PS : je suis actuellement en train de lire "La Chartreuse de Parme" donc autant vous dire que les prochains posts lecture ne sont pas pour demain ! :-D

22 juin 2020

Comment j'ai changé de regard sur les chats errants

Mon histoire avec les chats a commencé à l'âge de 11 ans. Mon père en avait deux ; un siamois et un rouquin. Il avait trouvé ce dernier prostré dans un cagibi alors qu'il n'était âgé que de quelques mois. Mouloud (c'était son nom) était câlin mais ne supportait les caresses que sur la tête ; dès qu'on lui touchait le corps il grognait. Le pauvre avait dû se faire taper dessus quand il était bébé :'-(  Un an plus tard Mouloud a disparu ; à force de déménagements l'autre a pété les plombs, s'est barré et a probablement été adopté par une autre famille. Durant les 6 années suivantes il y a eu deux autres chats : un adulte couleur crème que mon père a trouvé, puis un siamois chocolate point qui était hyper pot de colle et qui pétait quand il était content :-D Contrairement aux autres, mon père a fait castrer ces deux-là, mais malheureusement ils sont morts shootés par une voiture à quelques jours d'intervalle. C'était en 2001 je crois.

Les chats de mon père m'ont donné envie d'en avoir un à moi. Après avoir refusé catégoriquement au début, ma mère a fini par recueillir une petite femelle tigrée (je reviendrai plus loin sur les origines de cette chatte). Elle était sauvage, pas câline du tout. Dès qu'on la caressait plus de deux secondes elle battait de la queue et finissait par mordre si on insistait trop. Par contre, elle m'a défendue un jour où mon père m'a fait pleurer pour la 212 000 ème fois : elle s'est littéralement dressée entre lui et moi en grimpant sur le dossier du canapé ; elle a craché et grogné sur mon père à un tel point que ma mère lui a dit de se casser. Et il s'est cassé d'ailleurs :-D (brave chat <3) On l'a eue pendant 13 ans, puis elle est morte d'un cancer généralisé lorsque je vivais à Lille.

Il y a eu ensuite Furax (alias Fufu), un chartreux pure race que ma mère a acheté dans un élevage en Normandie. Une crème de chachat qui se laisse manipuler comme une poupée et ne ferait pas de mal à une mouche (d'ailleurs la dernière fois qu'il a chassé un insecte doit remonter à 1947 environ).

Puis j'ai pris mon appartement en 2012 et j'ai voulu un chat qui ne serait qu'à moi (Fufu était certes mon chat mais c'était surtout celui de ma mère). Une de mes collègues de travail a recueilli un jeune chat abandonné et me l'a donné (elle habitait près d'une gare où des chats étaient régulièrement pétés là comme des paquets dont on se débarrasse). C'est ainsi que Hermès est arrivé dans ma vie.

Puis Hermès et Furax sont devenus inséparables (ils dorment l'un contre l'autre quand ils ont froid ; ils se lèchent réciproquement...) ; Hermès est devenu impossible à transporter en cage (la dernière fois que j'ai voulu l'emmener chez le véto j'ai dû annuler le rendez-vous au dernier moment car il s'est barré et caché au moment de le mettre dans sa caisse de transport). Bref j'ai pris la décision de le laisser chez ma mère. Je prends toujours en charge ses frais de vétérinaire, mais il vit avec son copain.

Et puis, l'année dernière j'ai découvert par hasard le collectif Urgences Fourrières Bretagne (UFB) et là j'ai ouvert les yeux. Sur les gens qui laissent sortir leurs chats et ne les stérilisent pas. Sur la prolifération de portées de chatons qui finissent soit éclatées contre le mur, soit trappées par la fourrière et euthanasiées parce que les refuges sont saturés. Je n'oublierai jamais cette personne qui m'a expliqué un jour : « quand on a choisi notre chat, on a choisi qui allait vivre et qui allait mourir ». En clair, quand elle a fait son choix les « propriétaires » de la mère ont zigouillé les autres chatons. Devant mon air effaré, elle a haussé les épaules : « Bah quoi, tout le monde fait ça ». Euh non ma jolie, peut-être qu'on fait ça au fin fond de ta cambrousse mais moi personnellement je trouve ça horrible. T'aimerais bien qu'on zigouille ton bébé ? Je ne crois pas.

Bien entendu, cette personne n'a pas fait castrer son chat : « Bah non, pour quoi faire ? » « Ben s'il met toutes les femelles du quartier enceintes ? » « Bah on s'en fout, c'est la femelle qui aura les petits, pas nous ». Comment voulez-vous essayer de convaincre quelqu'un qui raisonne comme ça... Elle ne sait pas que les chatons engendrés par son mâle sont probablement morts dans des circonstances horribles et/ou ont contribué à une nouvelle prolifération. Elle n'y pense même pas...

Il y a malheureusement trop de personnes qui ne réfléchissent pas. Le mec qui nous a donné ma toute première femelle, par exemple : en effet cette chatte était issue de la très très très nombreuse descendance de sa propre femelle à lui, qui vivait dehors et faisait des portées tous les 3 mois. Des chatons qui devaient eux-mêmes copuler avec tous les chats du quartier. Une véritable catastrophe.

Moi-même je n'avais pas réalisé que la non-stérilisation avait des conséquences aussi dramatiques. Je l'ai compris en voyant les listes de chats à adopter apparaître chaque semaine sur la page Facebook de UFB ; en voyant la course contre la montre pour les faire adopter avant que leur délai ne soit expiré ; en participant aux covoiturages pour les transporter vers Paris, vers la Normandie, vers le sud de la France... Je me suis occupée des sorties de plusieurs loulous, et les cris / jappements / miaulements qu'on entend en pénétrant dans une fourrière sont vraiment déchirants. Certains chats apeurés et/ou agressifs à cause de leur vie dans la rue doivent être pris avec une fourche pour être mis dans leur caisse de transport... On ne voit plus les choses de la même façon quand on met un pied là-dedans.

J'ai adopté un chat via UFB au mois de septembre (j'en avais parlé dans ce post). Pompon avait été trappé avec sa mère et son frère dans le Morbihan. Il a maintenant 1 an, il passe sa vie dehors mais il fait aussi des câlins quand il est décidé. C'est la première fois que je laisse un de mes chats sortir ; je pense qu'il est heureux chez nous. J'adorerais en sauver un deuxième, voire un troisième, mais je ne sais pas trop comment il réagirait. Et puis il y a les deux autres ; certes ils sont chez ma mère mais je ne peux m'empêcher de songer à l'hypothèse du « si »... S'il arrivait quelque chose à ma mère ? Elle a une santé fragile et elle se fait bientôt réopérer du cœur... En cas de décès je devrai prendre Fufu et Hermès chez moi et là j'avoue que ce serait très angoissant. J'ai déjà vécu l'expérience de les avoir tous les deux dans mon appartement avant la naissance d'Alice ; ça a été très compliqué Hermès ne reconnaissait plus son copain et lui crachait dessus. Pauvre Fufu il ne comprenait pas ce qui se passait... Bon lui par contre il accepte tout le monde pas de souci ^^.

Bref je préfère attendre que Fufu ne soit plus là, et Hermès si je le reprends chez moi je pense que je le laisserai aller se défouler dehors même s'il n'est presque jamais sorti ^^

Par contre, j'adorerais être famille d'accueil de transition pour des chats sortant de fourrière. Je n'ai malheureusement pas de pièce d'isolation donc c'est impossible pour le moment ; je me contente de les covoiturer mais c'est vraiment quelque chose qui me tient à cœur et que j'espère faire plus tard.

Quoi qu'il en soit, tous les chats que j'aurai désormais (j'espère vivre assez longtemps pour en adopter plein), ce ne seront que des chats que je sauverai de la fourrière. Jamais d'élevage, jamais d'annonce sur le Bon Coin. Même si le chat est tout pourri, même s'il est vieux et/ou aveugle, même s'il n'a pas la couleur que je voulais, même s'il n'a pas confiance en l'humain, j'aurai la satisfaction, comme avec Pompon, de l'avoir sorti de la rue et d'une mort certaine. Après 3 mâles je reprendrais bien une femelle par contre mais je n'ai aucune idée d'une entente possible entre un mâle et une femelle ??

Je vous avais promis une photo de Pompon, la voici :

pompon

15 juillet 2020

Décalage(s) - Partie 2

NB : j'ai créé une nouvelle catégorie d'articles intitulée "Asperger" pour permettre de retrouver plus facilement mes posts sur ce sujet.

Après avoir évoqué l'aspect sensoriel de mon syndrome d'Asperger, je vais maintenant parler de l'aspect social. Il s'agit d'un chantier autrement plus long que la première partie ; je ne sais même pas par où commencer tellement j'ai de choses à dire. Par ailleurs je dois rédiger mon article tout en essayant de ne pas partir dans tous les sens, de ne pas être trop barbante, trop technique, trop longue ou que sais-je encore. Je pense que le plus pertinent est de commencer par un exemple précis, puis d'élargir ensuite à quelque chose de plus global. Il se trouve qu'il y a justement une situation actuelle qui cadre parfaitement avec le sujet, et qui, cerise sur le gâteau, englobe à la fois l'aspect sensoriel et l'aspect social.

Cela s'est passé en décembre dernier sur mon lieu de travail : l'une de mes collègues nous a annoncé qu'elle était enceinte. Il s'est alors passé quelque chose qui m'a mise très mal à l'aise : Mylène et mon autre collègue l'ont prise dans leurs bras, se sont écriées "MAIS C'EST GENIAAAAAL !!!" et l'une d'elles a même versé des larmes de joie...

Ca m'a complètement bloquée ; je suis restée en retrait ; ma collègue enceinte a fait mine de s'approcher de moi mais j'ai dû me reculer machinalement. Non non, pas de bise et encore moins d'effusions, je trouve ça complètement débile de s'emballer à ce point. Ok une grossesse est une bonne nouvelle mais putain je vais pas la prendre dans mes bras parce qu'elle a baisé avec son copain. La situation m'a tellement gênée que je crois que je n'ai même pas dit "félicitations" (bon en même temps j'aurais été hypocrite de le dire étant donné que je n'en avais rien à foutre). J'avais juste envie que ça s'arrête ; qu'on arrête de parler de ça et qu'on retourne au travail. Leur démonstration de joie m'angoissait.

Je sais que mes propos peuvent choquer. Mais en fait c'est typique du syndrome d'Asperger (et moi ça me soulage car cela signifie que ce n'est pas ma faute) : on est franc, sans filtre (enfin moi j'ai appris à mettre un filtre donc vous imaginez si je n'en avais pas :'-))))) ). On n'ajoute pas  machinalement "ça va ?" quand on dit bonjour à quelqu'un, pour la simple et bonne raison qu'on s'en fout. On ne dit pas "félicitations" quand Martine annonce qu'elle attend un bébé, parce qu'on s'en fout également. Mais les choses sont également valables dans l'autre sens : moi ça m'énerve quand quelqu'un me demande machinalement "ça va ?" alors qu'il ne faut pas se mentir, 90% du temps mon interlocuteur s'en tape de savoir comment je vais. Ne me demande rien mec, ce sera plus simple. Ca m'énerve également quand quelqu'un me souhaite joyeux anniversaire sur Facebook alors qu'il s'en tape de mon anniversaire (d'ailleurs je crois que j'ai viré ma date de naissance de mon compte pour stopper cette hypocrisie ; au moins ceux qui me le souhaitent y pensent réellement ^^). Je ne veux pas de politesse sociale, de courtoisie urbaine ou tout ce qui peut s'apparenter à une quelconque façade artificielle (j'y reviendrai sûrement). Ces artifices ont la même finalité que les bâtonnets des personnages piqués sur les bûches de Noël : je les jette dans mon assiette ou je me cure les dents avec, au choix.

En revanche il y a une contrepartie à cela : quand je demande à quelqu'un s'il va bien, c'est que je m'inquiète VRAIMENT de savoir s'il va bien. Quand j'ai écrit à Myriam "prends soin de toi" pendant le confinement, je lui ai VRAIMENT souhaité de prendre soin d'elle et de ne pas choper la pangolite. J'ai lu plusieurs articles sur le mutisme sélectif, mais je n'arrive pas à savoir si je suis atteinte de ce trouble ou si c'est autre chose. J'ai conscience, depuis toute petite d'être très attentionnée envers certaines personnes alors que je me fous royalement des autres. Il n'y a pas de critère de sélection particulier ; c'est juste comme ça, c'est tout. Pour la personne A je vais avoir envie qu'elle soit heureuse, alors pour que la personne B je m'en branle (bon je ne lui souhaite pas de crever non plus hein). Je compte en parler au psychiatre parisien que je verrai au mois de novembre, mais encore faut-il que le contact passe bien avec lui... Et ça, comme pour le reste ça va être quitte ou double. ^^

Bref pour en revenir à ma collègue, la suite des événements m'angoisse déjà. Elle était déjà agaçante quand elle était enceinte ("je n'ai pris que 7 kilos, je n'ai aucune nausée, on a acheté une nouvelle voiture, tout est merveilleux blablabla"). Maintenant qu'elle a accouché je suppose qu'elle va venir au cabinet pour nous montrer son bébé. Je n'ai jamais compris cette tradition de venir présenter son ex-foetus à ses collègues. Il faut s'extasier sur le nourrisson et ça m'emmerde.

morue

 

Moi enceinte en 2015 vs ma collègue enceinte en 2020

Alors vous allez me dire que je n'ai qu'à faire semblant, que ce n'est pas compliqué, mais je vous jure que c'est VRAIMENT très (trop ?) difficile pour moi ; ça m'angoisse. C'est comme pour le fait de devoir me réjouir quand elle a annoncé sa grossesse ; je ne sais pas faire ça. Je ne sais pas faire semblant. Qu'on s'entende bien : je suis contente pour elle ; j'ai la chance d'être maman et je souhaite à toutes celles qui le désirent de connaître aussi la maternité. Et bien évidemment je n'ai rien contre son bébé à qui je souhaite une vie heureuse et en bonne santé. Mais je n'ai pas envie d'être OBLIGEE de lui dire que sa fille est mignonne ; je n'ai pas envie d'être OBLIGEE d'entendre la jeune maman dire que ce n'est que du bonheeeeeeur, qu'elle a perdu tous ses kilos de grossesse en dix jours, que son bébé dort 14 heures par nuit depuis la sortie de la maternité et qu'elle se met des doigts dans la chatte tellement elle est épanouie et tellement sa vie de famille est merveilleuse. La niaiserie ça m'insupporte.

A LA RIGUEUR si elle avait été comme moi, du style à être franche et à dire que OUI, un enfant c'est beaucoup de bonheur mais que putain, les pleurs c'est chiant parfois (et tout le reste mais j'en ferai grâce pour celles d'entre vous qui n'ont pas encore d'enfant ^^), bref là peut-être que je me serais un minimum intéressée à sa vie de maman. Mais je sais très bien qu'à son retour de congé maternité ça va être le festival de la guimauve au cabinet (surtout avec mes deux autres collègues qui vont se faire un plaisir de rajouter trois tonnes de sucre, punaise j'ai envie de gerber rien que d'y penser). Je pense donc que le jour de la présentation de l'ex-embryon, je vais m'inventer un rendez-vous très important et me barrer vite fait (bon je vais quand même faire un effort et de lui dire que la petite est jolie, mais là je serai vraiment à fond niveau civilités). Je vais encore passer pour une asociale / bizarre / jalouse  mais c'est ce qu'elles pensent déjà depuis très longtemps, donc ça ne changera rien au schmilblick ^^. Next.

 

Morue du dodo

Ma collègue avec son nourrisson de 3 mois vs moi avec ma fille de 4 ans (qui a fait ses nuits à 21 mois. Niééé)

 

Je me suis toujours sentie décalée, pas à ma place. A l'école, lors d'un trajet en car j'étais toujours celle qui se retrouvait sans voisin. Idem en colonie de vacances. Idem l'année dernière lors d'un séminaire au Puy du Fou : lors de la visite des coulisses de la Cinéscénie, mes collègues sont parties ensemble et je me suis retrouvée toute seule. Ca se passe toujours comme ça. Pourtant il ne s'était rien passé de particulier. Le fait de me retrouver toujours toute seule est une énigme insoluble depuis des décennies pour moi ; ça me torture les méninges mais je n'ai jamais trouvé quelque chose de récurrent dans mon comportement qui pourrait l'expliquer. Et surtout quelque chose qui soit présent sur une période aussi longue...

Il y a des milliards de choses qui sont parfaitement naturelles pour vous, telles que répondre au téléphone ou savoir se comporter en société, par exemple. Vous êtes nés avec les codes sociaux intégrés, un peu comme si vous étiez une voiture dont le modèle de série comprend d'office toutes ces options. Moi, je suis le modèle d'usine façonné par un machiniste farfelu, qui m'a ajouté des options rigolotes : lecteur de disques vinyle, dictionnaire intégré... mais pas les codes sociaux. Ceux-là, j'ai dû les apprendre. J'ai observé les autres. Je les ai copiés. Par pour les vampiriser, mais juste pour paraître la plus normale possible. Pour qu'on me trouve intelligente, crédible, et qu'on arrête de se moquer de moi. J'ai appris à parler au téléphone. J'ai appris à inviter des gens chez moi (bon ça c'est encore relativement compliqué aujourd'hui). J'ai appris que si quelqu'un franchit le seuil de ma maison, je dois le mettre à l'aise, le débarrasser de son manteau, l'inviter à s'asseoir. J'ai dû apprendre des milliers de choses qui normalement ne s'apprennent pas. J'en apprends encore. J'en apprendrai toute ma vie. Et je sais que certaines resteront inaccessibles malgré toute la bonne volonté du monde. On ne court pas un marathon en pesant 150 kg.

Je vous admire tous de savoir parler normalement. Je vous admire de savoir accrocher l'attention des gens, de toujours trouver quelque chose à dire ou que votre interlocuteur ait toujours envie de vous dire quelque chose. Moi, j'ai l'impression que toutes mes tentatives sont maladroites ; que j'ennuie les gens, que je ne sais pas faire. A moins de trouver une personne avec qui "ça accroche" vraiment, je vis les situations sociales avec angoisse hashtag les bruits qui résonnent trop fort dans les oreilles et mon regard affolé qui ne sait pas où se poser ; mon corps qui ne sait pas comment se positionner et ma tête qui bouge trop, mes mains qui grattent frénétiquement un bouton imaginaire pour me donner une contenance. Toujours cette impression d'être décalée, d'être différente. C'est fatigant. Ca me rend triste.

Les séminaires professionnels sont un véritable cauchemar pour moi ; j'ai peur de me retrouver seule au milieu d'inconnus qui vont me toiser de haut parce que je suis bizarre (ou plutôt hautaine ; c'est un qualificatif qui m'est souvent revenu aux oreilles). J'ai besoin de me sentir en sécurité dans un endroit que je connais avec des gens que je connais. Pas au milieu d'une tablée bruyante avec un orchestre assourdissant et des gens à qui je n'ai rien à dire.

Etre Asperger c'est aussi devoir faire le deuil de la personne qu'on ne sera jamais, et qui pourtant nous fait rêver dans les stories Facebook ou Instagram : une fille qui sourit à une table, en train de fêter son anniversaire avec ses amis. Une fille que personne ne trouve bizarre ou hautaine. Une fille qui sait parler à ses amis de manière naturelle, une fille à qui on ne coupe pas la parole. Une fille qui bouge naturellement, qui parle naturellement. Pas une fille qui fait tout cela d'une manière artificielle et mal assurée parce qu'elle a dû l'apprendre en autodidacte. J'ai beau faire le maximum pour me "normaliser" socialement, ce travail a ses limites et je ne pourrai jamais devenir comme ces personnes-là. Je sais que j'ai des qualités, qu'on veut toujours ce qu'on n'a pas etc, mais croyez-moi le décalage est bien là et certains jours il est lourd à porter.

Pour l'école d'Alice, c'est super compliqué aussi : bien évidemment il est hors de question d'être accompagnante en sortie scolaire. Un parent normal va y aller tout content, savoir quoi emmener, boire un café détendu avec l'équipe pédagogique (qui le lui aura de toute façon proposé spontanément) ; prendre en charge les mômes comme s'il avait fait ça toute sa vie ; savoir où s'asseoir dans le car, plaisanter avec la maîtresse... tout va aller comme sur des roulettes. Moi, je me pointerais façon Luna Lovegood, je pourrais me carrer le café des instits dans le rectum et il me faudrait des instructions CLAIRES ET EXPLICITES sur TOUT le déroulement de la sortie : où je les retrouve, où je dois me placer, ce que je dois faire du début à la fin... comme pour un enfant. J'ai besoin de consignes pour tout, qu'on me mette à l'aise pour tout, sinon je panique complètement. Rien ne "va de soi" ; je ne comprends pas l'implicite. La seule solution serait d'expliquer au préalable à la maîtresse tous les détails de mon TSA, mais très franchement je pense que la maîtresse n'en aurait rien à carrer de mes bizarreries sociales. Il y aura toujours des parents non-autistes qui se feront un plaisir d'emmener les enfants à la piscine ou d'aider à faire des travaux de bricolage dans l'école sans poser what mille questions bizarres qui vont dérouter tout le monde. Donc je reste à l'écart.

Ne parlons pas des galettes des rois et autres spectacles / kermesses de l'école. Je suis incapable de retrouver au milieu des autres parents. J'ai l'impression qu'ils se connaissent tous et d'être cernée d'ennemis au milieu d'une jungle hostile. Quand la mère d'une élève ne me dit pas bonjour, cela me mortifie. Pourtant je devrais m'en foutre. Et le pire c'est par rapport à Alice : j'ai peur de lui transmettre inconsciemment un message, celui que le monde extérieur est hostile et qu'il faut fuir les gens et rester enfermé chez soi. Bon vous me direz, si elle est Asperger (probable) il faudra de toute façon prendre ce paramètre en compte...

Pour rester sur le thème de l'école, il y a autre chose : Alice va être (normalement) invitée à l'anniversaire de son meilleur copain en septembre. Du coup, en mars prochain, j'aimerais inviter à mon tour ses copains pour son anniversaire. N'importe quelle mère de famille lambda est capable d'organiser ça vite fait, sans stress... Mais pour moi, c'est l'Everest à gravir : accueillir plein de gamins chez moi, faire la déco, organiser des jeux... cela signifie que je vais être responsable de tout, que je vais devoir trouver des idées et tout gérer de A à Z (inutile de compter sur B...). J'ai peur, mais j'ai envie de le faire pour Alice. Pour ne pas qu'elle ait la même vie que moi. Il y a quelques mois, sa psychologue m'a expliqué qu'un enfant observe sa famille et considère ce qu'il voit comme la normalité. Ma mère n'invitait jamais de copines chez moi. Je ne veux pas perpétuer ce schéma. Je ne veux pas qu'Alice pense que la normalité c'est de ne pas avoir d'amis. Que la normalité, c'est d'avoir un père absent. Que la normalité, c'est de devenir solitaire faute de frères et soeurs et faute d'amis. Que la normalité, c'est de se retrouver sans voisin dans le car. C'est la raison pour laquelle je vais mettre un point d'honneur à lui organiser son anniversaire. Ca va être un putain de défi pour moi, je vous le dis.

L'un des frères de mon père s'appelle Fabien, mais ses proches l'ont toujours appelé Fonfon. Un surnom bien débilos pour un enfant que tout le monde prenait pour un débilos. Fonfon était différent. Fonfon était handicapé. Tout le monde se foutait gentiment de la gueule de Fonfon.

Un jour, Fonfon est devenu témoin de Jéhovah. Il a cru que la fin du monde était arrivée et il a sauté  du premier étage de chez sa mère. N'étant pas tombé de très haut, il s'en est tiré avec quelques égratignures. Mais bon bref tout le monde est parti du principe que Fonfon était neuneu.

Et puis, quand j'ai dit à ma mère que je pensais être autiste et qu'elle m'a confirmé qu'elle pensait la même chose, elle m'a sorti comme ça :

"Mais en fait ton oncle Fabien, il est autiste Asperger".

Et là, ça s'est connecté dans ma tête. MAIS OUI PUTAIN. C'est une évidence. Il n'est pas du tout neuneu, il est "juste" autiste. Mais comme il est né dans une famille de cons qui se prennent pour des intellectuels mais préfèrent le traiter comme un neuneu (c'est tellement plus simple), et bien personne n'y a jamais pensé. Alors je sais qu'on ne parlait pas du syndrome d'Asperger il y a cinquante ans (Fabien est né en 1967), mais bon quand même ; avec toutes les émissions consacrées à l'autisme, toutes les études, tous les bouquins sur le sujet moi j'ai fini par percuter que j'avais ce truc-là, donc j'ai du mal à croire que PERSONNE n'y ai songé pour lui. Je trouve cela juste hallucinant qu'il passe pour un handicapé mental depuis des décennies alors qu'il n'est pas handicapé mental. (d'ailleurs il a écrit une palanquée de bouquins qu'on peut facilement trouver en librairie, or je ne pense pas qu'un neuneu vendrait des livres en tête de gondole, hein).

Comme me l'a expliqué la psychologue qui m'a fait passer les tests TSA en 2018, l'autisme féminin et l'autisme masculin sont très différents (je pense également qu'il y a autant d'autismes qu'il y a d'autistes mais ce n'est que mon avis). Une fille autiste va se calquer sur les autres pour essayer de paraître "normale". Un garçon autiste ne va pas forcément le faire, et du coup paraîtra plus "atteint".

Fabien a le visage figé et beaucoup de tics. Dès le premier regard on voit qu'il est différent. Il fronce beaucoup les sourcils, mastique bizarrement ; ignore certaines règles de politesse... Moi aussi j'ai des tics (notamment avec les yeux et je n'arrive pas toujours à le cacher), mais par contre je sais que mon visage n'est pas figé. Les règles de savoir-vivre je les applique ; certaines ont été difficiles à assimiler mais je crois que j'ai réussi. Je n'aurai jamais de réactions complètement "normales" face à des situations stressantes ou tout simplement dans les rapports humains, mais je sais que je suis davantage intégrée socialement que Fabien par exemple. Je ne pense pas que mon chemin soit terminé ; j'en ai fait une bonne partie mais le chantier est encore immense. Je sais que je déplairai toujours à beaucoup de personnes et que j'en souffrirai toujours. Parce que la différence dérange. Et la différence parfois ça fait chier.

(Désolée si l'article est décousu mais il est à l'image de mon cerveau ^^)

2 octobre 2020

Il y a quelques jours, il m'est arrivé une merde.

Il y a quelques jours, il m'est arrivé une merde. Une bonne merde bien puante. Le genre de merde qui fait stresser. Le genre de merde où tu ne sais pas si tu n'as rien à craindre ou si tu es en danger. Le genre de merde qui n'arrive qu'à moi.

Le pire, c'est que l'origine de cette merde est un truc complètement débile, à savoir une photo d'animal sur Facebo*k.

Une fille (que nous appellerons Laura) a posté un commentaire sous une photo d'animal originale, en déclarant : « C'est une peluche ». J'ai répondu à son commentaire : « Bien vu Columbo». Elle m'a répondu que j'étais ridicule ; je lui ai rétorqué d'arrêter de ramer.

C'est tout.

Une heure plus tard, j'ai reçu ce message de Laura sur Messenger :

 

20200928_191137

Des menaces. Carrément. Sur ma fille de 4 ans... Tout ça pour un putain de commentaire sur une putain de photo d'animal à la con... :-S

Personnellement, je ne prends pas ces menaces à la légère. J'ai donc fait le maximum pour qu'Alice soit en sécurité quel que soit l'endroit où elle se trouve. Je me suis rendue à la gendarmerie ; la gendarme qui m'a reçue m'a dit qu'elle comprenait que ça me chagrine mais que pénalement, il  fallait que la menace soit réitérée (soit par message soit par un autre moyen) pour qu'ils puissent agir. Elle a tout de même fait une main courante avec mon nom, mes coordonnées ainsi que celles de Laura (j'ai retrouvé très facilement son vrai nom et la ville où elle habite). Elle m'a aussi conseillé de protéger toutes mes photos pour que le public ne puisse pas les voir (un conseil basique que j'aurais dû appliquer depuis bien longtemps, mais malheureusement c'est toujours quand il arrive une couille qu'on se rend compte qu'il faut VRAIMENT le faire).

La gendarme m'a dit « Soyez rassurée » ; visiblement elle n'a rien vu d'alarmant. Alors oui, peut-être qu'il n'y a rien d'alarmant. Peut-être que c'est juste une grande gueule qui a voulu me faire peur. Il y en a, des grandes gueules. MAIS. Il y a aussi des gens qui se font buter pour un regard mal interprété. Il y a des bipolaires hystériques qui aiment bien jouer du couteau et qui restent bloquées sur un truc, même des mois après. Certaines de ces hystériques sont douées en informatique et n'ont aucun mal à te localiser (merci les smartphones ; d'ailleurs je n'ai absolument aucune idée de la manière dont on masque une adresse IP). D'un côté je me fais les pires scénarios dans ma tête (ça ne se contrôle pas malheureusement), et d'un autre côté je me dis que je ne vais pas pouvoir vivre pendant vingt ans en psychotant sur la moindre voiture qui va me serrer d'un peu trop près, en imaginant les Thénardier débarquer ici et kidnapper ma fille, en sursautant au moindre bruit devant chez moi, en passant des nuits pourries, en désactivant la localisation de mon téléphone dès que je n'ai plus besoin du GPS tout en me disant que cela ne sert peut-être à rien, ou en ayant envie de chialer quand je vois ma fille si insouciante, si intelligente et si jolie et en me disant que tout cela pourrait s'arrêter. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas vivable.

Je n'en ai pas parlé à B. Peut-être parce que je me sens coupable : si je n'avais pas ouvert ma gueule sur Facebo*k, rien de tout cela ne serait arrivé. Je sais que la seule coupable est celle qui profère les menaces, mais comme toutes les victimes d'agression je me sens responsable. Ca non plus, ça ne se contrôle pas. Le fait que les gendarmes soient au courant ne me rassure pas vraiment. Mais je ne peux rien faire de plus ; je me sens impuissante et c'est ça qui est difficile à supporter.

6 février 2021

Mon diagnostic officiel d'Asperger et mon pèlerinage à Paris

C'est la fin d'un parcours de presque trois ans. Après le médecin généraliste, l'orthophoniste, puis 6 heures de tests avec une psychologue et 1 an et demi d'attente, j'ai enfin un certificat signé du psychiatre, attestant que je suis atteinte d'un Trouble du Spectre de l'Autisme :

 

certificat

Alors bien sûr, ce diagnostic « officiel » ne va pas changer ma vie fondamentalement. Il ne fait que confirmer ce que je savais déjà. Cela ne va pas non plus changer le fait que les gens ne connaissent pas l'autisme. Qu'ils ont le cliché de l'autiste qui ne parle pas et qui se tape la tête contre les murs. Que je passe pour une sauvage auprès de certaines personnes. Que je suis très mal à l'aise dans les situations sociales (avec les parents d'élèves de l'école d'Alice c'est insupportable ; il faut que j'écrive un article là-dessus). Je me sentirai toujours en décalage, et je devrai toujours vivre avec ce décalage même si par moments j'ai envie de hurler tellement j'en ai marre d'être décalée.

MAIS. Quelque part je suis soulagée. Ce n'est pas de ma faute. J'essaye de me le répéter comme un mantra : ce n'est pas de ma faute. Je ne suis pas « empotée » comme mon connard de paternel m'a décrite de nombreuses fois. Je ne suis pas malpolie. Je ne suis pas hautaine. Je ne suis pas bizarre. Les gens se plantent. Ils sont dans le faux. Je suis juste différente. C'est mon cerveau qui fonctionne différemment. Ma différence mérite d'être respectée, parce que c'est juste comme ça. Le ciel est bleu, les fraises sont rouges et moi je suis autiste.

Concernant un éventuel suivi, le psychiatre m'a parlé d'ateliers de mises en situation qui pourraient être faits avec d'autres autistes chez la psychologue. Le problème, c'est que la psychologue ça coûte horriblement cher et que mes revenus ont été divisés par deux depuis que je ne travaille plus. Donc présentement, c'est hors de question. Et il n'y a pas de médecin spécialiste de l'autisme dans ma région (ma mère m'a cassé les bonbons pour passer au CHS de Rennes mais je ne vais pas aller voir un psy juste parce que c'est remboursé... si la psychologue m'a envoyée sur Paris c'est bien parce qu'il n'y avait pas de praticien plus près de chez moi).

La question qui se pose surtout, c'est au niveau professionnel. Est ce que je dois le dire ?? Le psychiatre a précisé sur son papier que je dois travailler dans des conditions adaptées. Mais d'un autre côté, je ne veux pas que ça me ferme des portes ; c'est déjà assez galère de trouver du boulot. En parler à un employeur potentiel revient-il à me tirer une balle dans le pied ? Est ce que je peux / je dois me faire déclarer travailleur handicapé ? C'est hyper compliqué. Et ce n'est pas Pôle Emploi qui va m'éclairer sur ce sujet.

Bon il faut déjà que je refasse mon CV. Et j'ai intérêt à m'en occuper rapidement, car passer de 1700 euros mensuels à 950 à peine, c'est clairement la merde.

Je voulais aussi parler de Paris, puisque mes rendez-vous chez le psychiatre m'y ont menée à plusieurs reprises. Pour la première fois depuis que je me rends régulièrement à Paris, je me suis fait un pèlerinage dans le 14ème arrondissement, et plus précisément dans la rue où vivait ma tante il y a trente ans. Ma tante que je n'aime pas. Celle qui a fait de très nombreux sous-entendus à propos de mon physique, me parlant de « régime ». Quand j'y repense aujourd'hui, j'ai envie de hurler. Je ne suis pas encore passée au-dessus de ça. Je ne sais pas si j'y arriverai un jour. La grossophobie de cette pute femme, de surcroît soutenue par ma propre mère (j'en avais parlé dans ce post), est une blessure d'une profondeur inouïe, et j'en suis encore au stade où j'aimerais qu'il lui arrive une grosse merde qui la rendrait physiquement telle qu'elle me voyait quand j'étais jeune, à savoir obèse. Je sais que ce n'est pas bien de souhaiter du mal aux gens, et en plus j'ai toujours peur que ça me retombe sur la gueule. Mais ELLE, je lui souhaite de se transformer en baudruche géante. En grosse saucisse qui a du mal à se mouvoir. Je lui souhaite de se faire regarder de travers dans la rue et que les gens se foutent de sa gueule en lui disant « bah alors Madame, et ton régime ?? »

J'ai cette colère en moi alors qu'au fond, je sais très bien que ce n'était pas moi le problème. Le vrai problème, c'était que ma tante était jalouse de ma mère. Elle a très mal vécu le fait que ma mère tombe enceinte avant elle, car c'était la plus jeune des sœurs donc ce n'était pas dans l'ordre des choses (selon elle...). Ma tante a toujours eu besoin de se faire plaindre. Elle a passé vingt ans à vociférer / chialer. La terre entière devait tourner autour d'elle. Quand elle débarquait chez mes grands-parents il n'y en avait que pour elle, et comme elle s'imposait de force, tout le monde entrait dans son jeu y compris ma mère. Moi, je ne l'ai jamais sentie. Il y avait quelque chose qui me mettait mal à l'aise chez elle. Elle prenait trop de place. Elle m'a fait rire quelquefois (elle a un côté drôle, comme mon père tiens. C'est « marrant » de voir que beaucoup de personnes qui m'ont fait du mal étaient drôles), mais globalement, elle me dérangeait.

Pour en revenir à la rivalité entre ma mère et ma tante, il se trouve que j'étais plus jolie et plus intelligente que la fille de ma tante. J'étais très bonne à l'école, je ne faisais jamais de faute d'orthographe et ma grand-mère en était fière. Ma tante se sentant en compétition permanente avec ma mère (et je pense que ma mère en jouait aussi car elle me mettait tout le temps en avant), ces louanges à mon égard l'insupportaient. Donc le fait que je n'ai pas une taille de guêpe était une aubaine pour elle, la faille où elle pouvait s'engouffrer. Je me souviens d'une fois où elle m'a humiliée parce que je me servais dans le même paquet de Chipster que sa fille : « C'est mauvais pour ton régime ». Je trouvais ça injuste que ma cousine ait le droit d'en prendre et pas moi. Et plutôt que de me défendre, ma mère a ajouté : «On dit ça pour toi ». Combien de fois ai-je entendu cette phrase «On dit ça pour toi » ??... C'est proprement insupportable. Je vomis cette phrase. Je vomis la grossophobie. Je vomis le fait que ma mère ait cautionné les violences verbales de sa sœur sur sa propre fille. Je trouve ça juste dingue qu'elle ait justifié de tels propos. Et quelque part je m'en veux de ne pas avoir eu de répondant à l'époque. Je m'en veux d'avoir été faible. J'aurais dû lui dire d'aller se faire mettre. J'aurais dû lui dire de regarder sa tronche avant de regarder celle des autres. Mais au vu du contexte familial, comment aurais-je pu avoir la moindre once de repartie ? J'étais perdante dès le départ. Toujours l'éternel problème de la cible facile.

J'avais donc ma tante, ma mère, mon père, mes camarades de classe et même une amie de ma grand-mère qui m'enfonçaient régulièrement avec mes kilos en trop, sans se demander une seule seconde quelle était la cause profonde de mon hyperphagie. C'est tellement plus facile de cancaner sur les conséquences plutôt que de regarder un mal-être en face, et de se demander si par hasard on n'aurait pas une petite part de responsabilité là-dedans... Franchement je me demande par quel miracle je n'ai pas viré anorexique.

Jusqu'en 1996, j'allais chaque année passer le nouvel an chez ma tante avec ma mère. Je détestais aller là-bas. Déjà, le voyage en train était long. Ensuite, ma tante nous accueillait à la gare avec un magnifique « Alors les belous ? » (Belou = plouc. Ça vous met dans l'ambiance ^^)

Je n'aimais pas son appartement. Ce n'était pas un appartement haussmanien avec les jolies moulures qu'on voit dans «Maison à vendre », mais un petit appartement où régnait la tension. Tension entre ma tante et son mec, tension avec ses enfants (elle leur criait dessus sans arrêt). Je n'aimais pas l'odeur de l'appartement non plus ; un mélange de parquet et de vieille peinture. Quand j'essaye de me souvenir des moments vécus là-bas, ne me viennent à l'esprit que cris, râleries, désordre et bouffe dégueulasse. Que du négatif. Il y a peut-être eu des instants heureux, mais impossible de m'en rappeler.

En retournant dans cette rue le mois dernier, je me suis rendue compte à quel point cet endroit était triste et déprimant. D'ailleurs je n'ai pris des photos que pour le blog, sitôt mises ici je les supprimerai illico de mon téléphone :-)

 

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Je me suis ensuite rapprochée du square où elle habitait. La flèche en forme d'épi de blé était déjà là à l'époque. J'ai ressenti la même chose que dans la rue : de la tristesse. C'est carré et propret, mais ce n'est pas très gai. Il y en a plusieurs exactement pareils de ce côté-ci de la rue.

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Il y avait cependant une chose qui me fascinait et qui me terrifiait à la fois : le dernier « square » était différent des autres. Il n'était pas carré comme celui où vivait ma tante, il était en forme de triangle bizarre avec un immense mur qui barrait le passage. Ce qui me fascinait tellement, c'est que ce square n'avait pas de porte d'entrée, qu'il n'était pas comme les autres (bon c'est sans doute mon syndrome d'Asperger ^^). J'ai essayé de prendre l'endroit en photo mais c'est la jungle là-dedans :

 

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A droite le mur bizarre ^^

Bref, ce quartier me met mal à l'aise. Peut-être que c'est lié aux mauvais souvenirs que j'y ai vécus. Je n'avais pas conscience à l'époque que cela m'avait marquée aussi négativement. Ma tante m'a vraiment fait du mal. C'est quelqu'un de profondément mauvais. De profondément aigri. Bref, une personne à fuir.

Il y a environ deux ans, je suis allée sur la page Instagram de mon cousin (avec qui je ne suis plus en contact). Il avait oublié de verrouiller ses photos et il y en avait une de ma tante. J'ai halluciné en la voyant : elle était coiffée exactement comme ma mère, la même couleur de cheveux et les mêmes lunettes de soleil. Ma mère s'est exclamée en la voyant : « Ah ça y est, elle a fait son coming-out ! ». J'en ai pleuré de rire. C'était exactement ça. Cette photo est la preuve que la méchanceté de ma tante n'avait qu'un seul motif, celui que j'évoquais au début de cet article : la jalousie. La rivalité entre sœurs. Et moi au milieu qui n'avais rien demandé :-S

Pendant longtemps je n'ai pas aimé Paris. Je me demandais ce que tout le monde trouvait à cette ville grise, bruyante et hostile. Avec le recul, je pense que c'était à cause de ma tante. En effet, jusqu'à l'âge adulte, les seules références que j'avais de Paris étaient ma tante, sa rue triste et mes mauvais souvenirs. Donc forcément je ne voyais de cette ville que les côtés négatifs : la foule, le bruit, la pollution, les loyers démentiels, les gens qui prennent les provinciaux pour des ploucs... C'était assez logique finalement.

Mais depuis quelques temps, j'apprends à aimer Paris. Bon, pour le quartier de ma tante c'est mort, mais par exemple j'ai beaucoup apprécié le 9ème arrondissement. J'apprends à trouver jolis les murs d'un appartement, à photographier la façade d'un immeuble ou d'un bâtiment ancien, à me débrouiller avec les lignes de métro pour retrouver telle rue ou telle boutique. Bref, j'apprends à dissocier la ville de ma tante et c'est plutôt sympa :-)

Edit : j'ai oublié de préciser qu'un jour où j'ai été victime d'une agression sexuelle, ma tante m'a balancé : "Bah t'as vu comment t'es habillée aussi ?". Je pense que ça se passe de commentaire...

6 mars 2020

Violence(s) - Partie 3

Cela a duré de la maternelle jusqu'au lycée. A l'époque on n'en parlait pas dans les médias. On disait « se faire embêter », avec des degrés plus ou moins élevés d'embêtement. Il y avait se faire embêter verbalement, et se faire embêter physiquement. Se faire embêter par un grand, et se faire embêter par des pétasses. Je n'ai qu'une peur aujourd'hui, c'est que ma fille se fasse embêter aussi. Qu'on soit des victimes de mère en fille. Je lui ai légué ma couleur de cheveux (voire peut-être mon syndrome d'Asperger), pourquoi ne lui aurais-je pas également transmis mon gène de victime ?

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Photo scolaire prise à la "superbe" école maternelle dont je parlais dans la deuxième partie. Je ne saurais dire si j'ai l'air triste ou inquiète dessus... Ou les deux.

 

 

 

Je dis cela alors que je sais très bien qu'il n'existe aucun gène pour être une victime. Je pense qu'il y a juste un ensemble de choses qui, additionnées les unes aux autres, font que les chasseurs de victimes repèrent une faille pour trouver une proie. Ces gens-là sont très forts pour ça. Tu ne leur racontes rien de ta vie ou presque, mais cela ne les empêche pas de deviner que tu possèdes une fragilité, même si elle est bien cachée. C'est valable durant l'enfance, mais aussi à l'âge adulte : comment expliquer que certaines personnes par exemple, soient des cibles de harceleurs au travail, alors que d'autres ne seront jamais emmerdées ? Vaste question. En ce qui me concerne, je pense que c'est un combo contexte familial compliqué / défaut de piliers parentaux / autisme non diagnostiqué / école maternelle nazebroque qui ont fait de moi une cible mouvante. Une victime naturelle. Je ne veux pas dire par là que c'était ma faute, mais simplement que je n'ai pas eu de chance.

Les premiers souvenirs de harcèlement scolaire remontent donc à l'école maternelle, cette merveilleuse école dont j'ai parlé dans l'article précédent. Dans la cour, il y avait un arbre qui donnait de la colle, une belle colle liquide et transparente à faire pâlir d'envie le mec de chez UHU. Certains camarades n'ont rien trouvé de mieux à faire que de mettre cette colle sur des bouts de bois et de m'en étaler plein sur ma robe. Cela les amusait beaucoup. Il y a probablement eu d'autres agressions mais je ne m'en souviens pas en détail ; les "gentilles" maîtresses (ironie) ayant surpassé mes camarades en ce qui concerne la catégorie « souvenir pourri ».

L'école primaire a été globalement tranquille, jusqu'au CM2 où les véritables moqueries ont commencé. D'une part mon corps changeait, et d'autre part mon anxiété pathologique engendrait des crises d'hyperphagie. Ma mère m'a toujours acheté beaucoup de gâteaux ; ma grand-mère voulait que je mange gras comme toutes les grands-mères. J'ai donc été élevée au sucre et au gras. Dès que j'avais une contrariété, hop je filais dans la réserve et je trouvais un réconfort sucré. S'il n'y en avait pas, je piquais une crise. Un jour à la sortie de l'école, ma mère m'a ramené une barre de céréales aux fruits « Jump » dégueulasse en refusant de m'acheter quoi que ce soit d'autre ; j'ai eu envie de lui coller son Jump dans la gueule. Les Kinder Bueno, Twix, Petit Ecolier, tablettes de chocolat et j'en passe sont gravés dans mon ADN ; je serai toujours accro à ces cochonneries, même si je n'en mange plus. Je suis comme une ancienne héroïnomane ; le produit a quitté mon corps mais mon cerveau s'en souvient très bien et ne demande qu'à y goûter à nouveau.

Bref, à force d'hyperphagie, j'ai pris du poids. Pas de chance, je n'ai grossi que du bas. Je ne sais plus quel groupe a parodié les Saian Supa Crew dans les années 2000, en chantant « Des petits seins et un gros cul, pala papalalalala » ; voilà c'était exactement moi. Je me faisais chambrer par certains garçons de ma classe, et pour couronner le tout je me prenais aussi des remarques de la part de ma tante, ainsi que d'une amie de ma grand-mère. Oh bien sûr, ce n'était pas dit explicitement ; c'était sous-entendu, à base de : « Tu devrais faire attention » ou autres « Et ton régime ??? » Et le pire, c'est que ma propre mère donnait du crédit à ces remarques : « Elles disent ça pour toi ».

«Elles disent ça pour toi ». BAH VOYONS. Ce n'est qu'à l'âge adulte que j'ai réalisé la violence que ces propos véhiculaient. On sous-entendait que j'étais un boudin, que j'étais trop grosse. Tout ça en m'ayant élevée dans le grignotage. On me rendait responsable d'être devenue accro à la merde qu'on me servait depuis la petite enfance. Je me prenais des remarques d'une violence rare dans la tronche pendant que ma cousine mince avait le droit de piocher des chips devant mon nez, mais tout ça c'était pour mon bien, of course. Le tout cautionné par ma propre mère. LOLILOL.

Bon, la consolation que j'ai aujourd'hui, c'est la relative clairvoyance que j'ai acquise avec l'âge sur ma connasse de tante (pardon je suis grossière mais cette personne est une raclure de bidet et je suis incapable de faire preuve d'empathie envers elle. J'y arriverai peut-être quand je serai très vieille / cancéreuse en phase terminale / étouffée par le coronavirus et que tout cela me paraîtra futile). Mais je ne pense pas me tromper en disant que ma tante crevait en fait de jalousie. J'étais peut-être boulotte, mais j'étais aussi plus jolie et plus intelligente que sa propre fille. J'avais une originalité, elle n'arrivait pas à me cerner, et ça, elle ne pouvait pas le supporter. Je pense que ses flèches empoisonnées étaient des stigmates de vieilles jalousies entre elle et sa sœur (ma mère, donc), et cachaient finalement un complexe d'infériorité.

Aujourd'hui, cette gentille tata a 61 ans ; elle est toute seule dans le quatorzième arrondissement de Paris et plus personne ne lui parle dans la famille. Elle a récolté ce qu'elle a semé. J'espère qu'elle a des amis dans la capitale, sinon sa vie doit être bien pourrie.

Bref revenons à nos moutons. Pour moi le harcèlement scolaire a atteint son apogée au collège. Surtout en 4ème et 3ème. L'horreur. Je me prenais des « Hé, Marguerite ! », des « Grosse truie», des cris de cochon et de vache, des bruits de flatulence sur mon passage. Des rires gras. Des croches-pieds. Des « t'es jolie, mais c'est dommage que t'aies un gros cul ». Toute une palette de gentillesses diverses et variées.

Comme vous le savez, parallèlement à ce contexte de harcèlement scolaire j'étais maltraitée par mon père. Ce n'était guère plus brillant du côté de ma mère (mais ça, j'en parlerai dans la 4ème partie). Bref, un terreau pas vraiment favorable pour se construire une personnalité forte. J'étais démunie. Je n'avais aucune confiance en moi, donc je ne répondais pas. Je baissais la tête et je me taisais. J'encaissais les insultes. De toute façon c'était vrai, j'étais grosse ; on me le disait aussi chez moi donc comment aurais-je pu penser autrement ? J'étais punie pour avoir mangé trop de gâteaux. Si je voulais que les choses changent, je n'avais qu'à me bouger le cul et résister. Mais je n'y arrivais pas. Les insultes entraînaient l'hyperphagie, qui entraînait les insultes. C'était sans fin.

Je voyais des filles minces sortir avec des garçons et je les enviais. Moi je ne sortais avec personne. J'étais indigne d'avoir un copain de toute façon, j'étais trop grosse et trop moche. Je me voyais déjà en future vieille fille. Grosse et moche toute ma vie.

Le harcèlement a fini par s'arrêter en terminale. Oui, en terminale. Cela représente beaucoup d'années de harcèlement, qui resteront à jamais gravées. Qui font que je n'achète plus de gâteaux industriels à ma fille. Que je lui interdis de grignoter avant le dîner. Que j'ai peur quand je vois qu'elle a pris un peu de cuisses (elle a 4 ans à peine :-S). Que je me réjouis qu'elle n'aime pas le Nutella. Que paradoxalement j'ai peur qu'elle devienne anorexique. Que je la supplie de me dire si quelqu'un l'embête à l'école. Que j'espère qu'elle m'en parlera si ça lui arrive. Que je souhaite de tout cœur que son futur collège sensibilisera les élèves au harcèlement scolaire. Qu'elle ne se fera pas pourrir sur Instagram, WhatsApp, Périscope ou je ne sais quelle nouvelle appli qui ne manquera pas de sortir d'ici 2031. Que je prie pour qu'elle n'aille jamais se pendre dans sa chambre après avoir été humiliée par Tartempion de 3ème A.

Si j'en avais parlé à l'époque, je pense qu'on m'aurait écoutée. La principale de mon collège et son adjoint étaient des personnes bien. Mais j'avais peur des représailles. Peur d'aggraver encore plus le harcèlement si je donnais le nom de mes bourreaux. Je faisais donc comme toutes les victimes de harcèlement : j'encaissais sans broncher. J'attendais que ça se passe. Je me demandais pourquoi Elodie, une fille de 4ème D qui était plus grosse que moi, ne se prenait aucune remarque, elle. Quand des bourreaux passaient près d'elle, j'avais envie de leur crier : « Hé mec regarde-la ! Elle est grosse aussi, non ? Pourquoi tu ne lui dis rien ? Pourquoi moi ? Les insultes ne sont pas à la hauteur de l'IMC ? Les très grosses y échappent? Change de cible, merde ». J'avais envie de le crier, mais je ne criais rien du tout. Je fermais ma gueule et je me disais que la vie était profondément injuste.

Aujourd'hui à 36 ans, j'ai toujours des problèmes de poids. Je n'ai jamais perdu mes kilos de grossesse (j'y travaille). Si je suis stressée, je mange du sucre. Je serai droguée au glucose toute ma vie. Je n'ai toujours pas confiance en moi et je n'ai pas de repartie. Je suis une cible facile pour les gens qui cherchent quelqu'un à emmerder, j'ai d'ailleurs été harcelée moralement par une collègue de travail en 2014-2015. J'ai beaucoup de difficulté à m'affirmer ; je culpabilise quand j'ose demander quelque chose. Et pourtant je progresse de jour en jour. Je sais que ce harcèlement scolaire n'est pas le seul responsable de mon manque de confiance en moi, mais il y a contribué. Comme mon père y a contribué. Comme ma mère a dû y contribuer aussi. Je suis morte de rire intérieurement quand j'entends quelqu'un dire que je suis hautaine et/ou très sûre de moi (LOL).

Les harceleurs continuent tranquillement leur vie après, ils oublient. Mais les victimes n'oublient jamais, et certaines en meurent. Moi je ne suis pas morte, mais je suis marquée, et je le serai toujours.

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15 avril 2021

Olga

En 1999, j'ai quitté le collège pour intégrer le lycée, en l'occurrence le Lycée Émile Zola à Rennes :

 

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Ce lycée est très ancien (le premier bâtiment a été construit au Moyen-Age). Chateaubriand a été élève là-bas. La salle des fêtes du lycée a servi de tribunal militaire lors du procès en révision de l'affaire Dreyfus. On peut donc dire que ce lycée est « chargé d'histoire » (qu'est ce que j'ai pu entendre cette phrase quand j'étais élève là-bas ^^). J'imagine que pour un professeur, obtenir un poste titulaire dans ce lycée doit être une source de grande fierté. J'imagine que dans les dîners en ville, ça fait classe de dire : « je travaille au lycée Emile Zola de Rennes ». J'ignore si c'est pour cette raison, mais certaines personnes qui travaillent à Zola se la racontent grave. Certaines personnes qui travaillent à Zola pètent plus haut que leur cul. J'en ai personnellement connu deux : la CPE (une affreuse bonne femme gominée qui mériterait un article à elle toute seule), et Olga.

Olga était mon professeur de français en classe de seconde, et également ma prof principale. Pour vous la décrire physiquement, elle était petite, mince, avec des cheveux gris et courts et des lunettes en cul de bouteille. Elle avait toujours un petit foulard noué autour du cou façon carré Hermès (les apparences avaient de l'importance, on était au Lycée-Emile-Zola-chargé-d'histoire quand même).

Le jour de la rentrée, elle a fait un truc que je n'ai pas aimé : elle a écrit « Bienvenue » au tableau. Je ne sais pas si vous vous en rappelez, mais il y a longtemps, j'ai expliqué ici qu'à cause de mon syndrome d'Asperger je déteste certains mots : certaines sonorités m'évoquent un truc moche ou puant (si vous avez 5 minutes à perdre, tapez « synesthésie » sur Google). Et bien le mot « bienvenue » fait partie des mots qui puent. Je déteste ce mot. Je ne le dis jamais. Beurk.

Bref, Olga a marqué un mauvais point en nous souhaitant la bienvenue-beurk, mais bon ça c'est mes névroses, on aurait pu en rester là ^^.

Plus tard dans la matinée, tous les professeurs ont défilé dans la classe pour se présenter. Tandis qu'ils parlaient, Olga inscrivait leurs noms au tableau. Deux d'entre elles n'étant pas mariées, elle s'est fait un plaisir d'écrire MADEMOISELLE Dupont et MADEMOISELLE Martin quand elles ont pris la parole. Je ne sais pas pourquoi mais j'ai senti une certaine jouissance chez elle quand elle a écrit le mot « Mademoiselle » : elle s'appliquait davantage que pour écrire « Madame ». Je l'imaginais en train de glousser intérieurement parce que sa collègue était trop moche pour trouver un mari, voyez.

Avec le recul j'ai trouvé une expression qui lui allait comme un gant : elle minaudait. Il y avait trop de sourires, trop de douceur. C'était du toc. Et comme je suis attachée aux petits détails, j'ai très vite remarqué ce petit quelque chose qui me dérangeait chez elle. Je la revois encore, debout devant la porte du CDI, en train de nous dire de sa voix onctueuse : « Les sinisants, je vous laisse rejoindre votre classe ! »

Les sinisants. En entendant ce mot, tout le monde s'est exclamé en chœur «Les quoi ?? ». Olga, ravie de son petit effet (elle devait faire la même blagounette à chaque rentrée j'imagine), nous a fait son plus beau sourire dentu : « Les sinisants, ce sont les élèves qui font du chinois ! Voilà je vous ai appris un nouveau mot bande d'abrutis ! Et pour le portugais, on dit lusophone ! »

J'ai failli lui demander si elle connaissait aussi le mot pour qualifier les gens qui racontaient de la merde, mais comme je ne voulais pas débuter mes années lycée en me faisant virer, je me suis mordu l'intérieur des joues et j'ai fermé ma bouche.

Les choses se sont très vite dégradées entre Olga et moi, dès le premier devoir maison : la consigne de ce devoir était la suivante : « Vous êtes avocat et vous devez défendre une cause».

Un devoir d'argumentation. Ma bête noire. Ma hantise en classe de troisième. Pendant des années, j'ai été la meilleure élève de ma classe en français : je m'éclatais en dictée et en rédaction ; mes professeurs louaient mon excellente orthographe et mon talent d'écriture. Mais durant le dernier trimestre de troisième, tout a basculé : on est passé aux devoirs d'argumentation et mon cours préféré s'est transformé en cauchemar. Je n'étais pas douée pour l'argumentation, je ne voulais pas argumenter. Je voulais continuer à inventer des histoires. Du coup, ma moyenne en français a chuté et je l'ai vécu comme un déchirement intérieur. Je pensais donc repartir sur de bonnes bases pour cette année de seconde, mais non ; on m'imposait encore une argumentation, et qui plus est avec une prof détestable. J'étais mal, très mal. J'étais perdue. J'étais en colère. Je voulais retourner en 6ème. Je voulais retourner à l'époque où j'étais la meilleure en français.

Bien entendu j'ai rendu un mauvais devoir : j'ai eu 9/20 (note que je méritais et que je n'ai jamais contestée). Les appréciations d'Olga sur ce devoir comportaient deux paragraphes ; le premier paragraphe était écrit en rouge :« votre devoir n'est pas rationnel, ce qui fait de vous un bien mauvais avocat. Il vous faut structurer vos propos et raisonner avec rigueur»,etc etc... Ces remarques m'ont vexée, mais elle avait raison : mon devoir était mauvais parce que je ne voyais pas les cours de français comme ça et que j'étais butée (j'avais 15 ans en même temps, hein).

Ce qui m'a choquée en revanche, c'est la deuxième partie de ses remarques, écrite à l'encre bleue cette fois (du genre « maintenant nous allons parler de choses plus délicates, alors j'écris en bleu pour te montrer que je suis gentille ») :

« Il me semble, aussi, que vous avez du mal à vous intégrer en classe (à l'école ?). Il serait donc peut-être pertinent, aussi, d'en discuter ensemble ».

J'ai levé les yeux de ma feuille en me demandant si je rêvais, puis j'ai regardé les copies de mes camarades de classe. Aucun d'entre eux n'avait d'appréciation en bleu. J'étais la seule. La seule qui avait droit à des remarques personnelles sur un devoir de français. La seule à être jugée au bout d'une semaine de cours. Pour rappel, nous étions en 1999, donc en plein dans la période où mon père m'humiliait tandis que ma mère s'alcoolisait ; je venais de quitter le collège où je me faisais traiter de « grosse truie » et de « Marguerite ». J'étais fragile, et qui plus est, j'étais adolescente. Et là, cette femme se permettait de me coller une étiquette au bout de si peu de temps ? Où était-elle allée chercher que j'avais du mal à m'intégrer ? Je ne comprenais rien à ce qui se passait. Je me sentais attaquée, mise à nu. Je suis restée sidérée devant ma copie.

Elle est venue me voir. Je ne sais plus ce qu'elle m'a dit, un truc du style « si vous voulez en parler... » Mais NON en fait, je ne voulais pas en parler, et surtout pas avec elle. A partir de ce jour-là, je me suis braquée contre elle. Tout m'énervait chez elle : ses mimiques, son filet de bave aux commissures des lèvres (beurk), ses chouchous dont elle citait sans cesse les devoirs alors qu'à mes yeux ils n'écrivaient rien d'exceptionnel, sa façon d'écrire « Marsupialement vôtre » sur le tableau lors du concours Kangourou de maths ; ses « nonobstant » qu'elle nous servait à toutes les sauces... bref elle m'insupportait. Et en toute logique, je n'aimais pas son cours. De toute manière j'étais sûre qu'elle allait me saquer, étant donné que je ne l'aimais pas et qu'elle me le rendait bien. Je reconnais volontiers que je n'avais pas un comportement exemplaire en classe : je bavardais. Je méritais donc qu'elle me reprenne pour mes bavardages, mais le problème c'est qu'elle le faisait toujours avec son index dans la bouche, le regard en biais et ce petit truc que je n'arrive pas à décrire avec des mots. Je sentais qu'elle me haïssait, et moi je la haïssais aussi. J'avais envie de lui péter la gueule.

Elle a pris sa revanche lors du conseil de classe du deuxième trimestre : elle m'a démolie. Et là pour le coup je me souviens mot pour mot de ses propos, recopiés par la déléguée sur le compte-rendu du conseil de classe : « Bloc d'hostilité quasi-permanent. Ne fait rien. Première L peu envisageable ».

J'imaginais sa jouissance en dictant ses propos de merde à la déléguée, ses petits yeux brillant derrière ses lunettes, en train de se frotter les mains et de se dire : «Tiens, prends ça dans ta face petite péronnelle. Tu veux aller en littéraire ? Bah moi j'ai le pouvoir de te dire que t'iras pas. Voilà. ».

Évidemment, je me suis effondrée en lisant ça. J'étais une littéraire, je le savais depuis le CP. J'étais certainement l'élève de la classe qui aimait le plus la langue française, et elle, elle m'interdisait d'aller en 1ère L ? C'était impossible. Si je n'allais pas en 1ère L, je n'allais nulle part. J'étais foutue. Et puis ces mots assassins transpiraient tellement le petit pouvoir de l'enseignante agitant son bras armé ; c'en était écœurant. Le « bloc d'hostilité quasi-permanent », c'était peut-être l'attitude que j'avais en cours de français, mais pas en cours de chinois. Pas en cours d'italien. Pas en cours de sciences physiques. C'était juste dans son cours à elle que j'étais comme ça, mais visiblement il n'y avait qu'une seule matière qui comptait...

Le pire, c'est que durant ce procès d'intention conseil de classe, une seule personne m'a défendue : ma prof de maths. Oui, de maths. La matière où j'étais absolument nulle (mais ça, personne n'y pouvait rien). C'est ma prof de maths qui a ouvert sa bouche en disant que j'étais gentille, alors que la prof qui enseignait ma matière préférée a pris son pied en m'écrasant la tête dans le caniveau. Quand j'y repense, c'était ubuesque.

Quand les réunions parents-profs sont arrivées, Olga a écrit une lettre à ma mère, en me précisant que j'avais le droit de la lire (je crois même qu'elle m'a demandé de lui dire ce que j'en pensais ( !!!)). Je me souviens de deux phrases : « Il n'y a pas de problème majeur avec Dawn Girl» (souligné exactement comme ça), et « elle refuse d'écouter les conseils qu'on lui donne ». Après les paroles assassines du conseil de classe, j'ai été surprise par tant de modération dans ses propos.

Comme je l'ai déjà dit plus haut (et comme vous le savez déjà), à l'époque ma mère était alcoolique depuis plusieurs années. Nos relations étaient pourries. Pourries par l'alcool, pourries par les non-dits, pourries par l'adolescence. Malgré ça, je pense que si c'était elle qui était allée voir Olga comme c'était prévu au départ, les choses se seraient passées différemment. Ma mère n'aime pas les gens mielleux. Elle n'aime pas les gens qui enrobent leur discours avec des circonvolutions. Elle n'aurait donc pas aimé Olga. Elle aurait vu que je n'avais pas tous les torts. Elle m'aurait soutenue.

Malheureusement, à l'époque ma mère et moi étions encore sous l'emprise de mon père, le monsieur je-sais-tout qui voulait tout régler tout seul. C'est donc lui qui a pris les choses en main. Il a téléphoné à Olga (chez elle sur son fixe, tranquillou), puis il est allé la voir au lycée. Je ne sais pas quelles horreurs ils ont échangées à mon sujet, mais quand il est revenu chez ma mère après cette entrevue, il m'a fait cette magnifique entrée en matière (le bonjour, j'ai pu m'asseoir dessus) :

 « Ça t'intéresse, les cours de français ? »

 Aussitôt cette phrase prononcée, tous mes espoirs de soutien parental se sont effondrés. En une fraction de seconde, j'ai vu défiler en accéléré tout ce qui allait suivre : comme d'habitude mon père allait monologuer pendant une heure, et comme d'habitude j'allais m'en prendre plein la gueule. Et c'est exactement ce qui s'est passé. Très rapidement je me suis mise à pleurer, et très rapidement mon père s'est mis à jouir. C'est ce qu'il cherchait de toute façon : chaque pleur asseyait son pouvoir sur moi. Ma mère, faible, ne m'a pas défendue. J'étais seule, comme d'habitude. Putain de seule.

A la fin il m'a tendu un mouchoir, l'air de dire « allez, sans rancune, hein ! ». Je crois même qu'il m'a pincé le bout du nez (il faisait souvent ça après m'avoir fait pleurer, en disant « pouêt ! », comme un gentil papa qui console sa fille).

Quelques jours plus tard, nous sommes retournés voir Olga ensemble. J'étais tellement stressée que je comptais les heures avant ma mort, et que j'ai dit à mes copines que je leur léguais mes affaires (ma Game Boy pour Sophie, mon lit pour Marina, mon ordinateur pour Karine). Elles ont pris ça sur le ton de l'humour, mais moi j'étais très sérieuse. Au final, durant cet entretien mon père et Olga ont surtout parlé entre eux ; ils ont fait leur petite sauce tous les deux en faisant comme si je n'étais pas là. J'ai juste eu droit à deux-trois phrases d'Olga que j'ai oubliées. J'ai pleuré. J'étais incapable de parler de toute façon, je n'avais que 16 ans.

Par la suite, j'ai essayé de faire des efforts. Je voulais aller en 1ère L, alors j'ai arrêté d'être insolente. J'ai travaillé un peu plus. J'ai participé en classe. Pour autant, cela n'a pas effacé tout ce qui s'était passé précédemment. Quand je levais la main et que Olga me donnait la parole, elle n'avait pas le même air qu'avec les autres élèves ; elle marquait toujours un petit temps d'arrêt avant de prononcer mon prénom. Je voyais dans ses yeux qu'elle faisait un effort, et que cet effort lui coûtait cher. Ce petit truc méprisant était toujours là. Il a été là jusqu'au bout.

Je suis passée en 1ère L. J'ai eu un nouveau prof de français. Un prof normal. Un prof qui m'a prise comme j'étais et qui n'a pas cherché à analyser le pourquoi du comment. Je me suis sentie acceptée. J'ai été soulagée. Il ne l'a jamais su, mais il m'a (un tout petit peu) redonné confiance en moi, sans rien faire de particulier pourtant.

Un matin, j'ai croisé Olga dans un couloir du lycée. Comme je suis polie, je lui ai dit bonjour. Elle aurait juste pu me répondre « bonjour » et en rester là, mais non, Olga a toujours besoin d'en faire des tonnes. Alors au lieu d'une simple réponse, elle s'est embarquée dans un laïus interminable que je n'ai pas écouté, mais dans lequel une phrase m'a cependant scotchée: « Je ne vous aurais pas saluée ».

Euh, what ?? Je lui dis bonjour et elle me réplique qu'elle m'aurait ignorée ? Je me suis empressée de raconter cette anecdote à mon père, histoire qu'il reconnaisse enfin que le problème ne venait pas de moi. Mais il m'a simplement répondu : « Elle était soupe au lait quand même ». Était-ce une manière d'admettre que finalement, sa super copine Olga n'était pas si parfaite que ça ? Que même si j'étais une pauvre adolescente qui ne connaissait rien à la vie et qu'à ce titre j'avais juste le droit de fermer ma gueule, j'avais quand même un tout petit peu raison quand je disais qu'il y avait un souci ? Je ne le saurai jamais. De toute façon mon père préférerait crever plutôt que d'admettre que j'avais raison.

J'ai eu mon bac L. Sans mention, mais je l'ai eu quand même. Plusieurs copines m'ont dit : « envoie une photocopie de ton bac à Olga, puisqu'elle disait que tu étais incapable d'aller en littéraire ». J'ai eu envie de le faire, mais je ne l'ai pas fait. En revanche, je lui ai écrit une lettre en 2016. Une lettre assez courte, très polie, où je lui ai ressorti ses propos (le « bloc d'hostilité quasi-permanent » et le « je ne vous aurais pas saluée »), en disant que c'était vraiment de la méchanceté gratuite. Qu'elle m'avait prise en grippe dès que j'avais franchi le seuil de sa classe, et que je n'avais jamais compris pourquoi. Que mon prof de français de 1ère n'avait rien fait de spécial avec moi ; qu'il m'avait juste traitée normalement et que ça me convenait parfaitement. Qu'elle était passée à côté de moi. Que dans sa brillante carrière de professeur au Lycée-Émile-Zola-chargé-d’histoire, j'avais été un échec. SON échec. Et que j'étais fière d'être son échec. Que quand on enseigne à des adolescents, on doit faire attention à ce qu'on dit. Et j'ai conclu en lui disant je ne lui en voulais pas et que je lui souhaitais une heureuse retraite (elle était déjà en retraite à l'époque). J'ai signé « Dawn Girl Bidule, Seconde 1, année scolaire 1999-2000).

Si j'avais espéré un peu de gentillesse voire de regrets de sa part, j'aurais mis mon adresse au dos pour qu'elle puisse me répondre. Mais je savais très bien que je me fourvoyais en attendant un tel geste. Je savais très bien qu'elle ne s'excuserait jamais. Je savais très bien que si elle me répondait, elle m'écrirait des tartines sans se remettre en question une seule seconde, tout comme dans le laïus qu'elle m'avait sorti le jour où j'avais eu le culot de lui dire bonjour. Je n'ai donc pas mis d'adresse au dos. Je l'ai laissée se souvenir de moi et méditer là-dessus.

Elle ne savait pas que mon père me maltraitait. Elle ne savait pas que ma mère était alcoolique. Elle ne savait pas que j'avais un syndrome d'Asperger non diagnostiqué. Elle ne savait donc pas que tous ces éléments auraient pu expliquer mon attitude au lycée. Mais l'adulte, c'était elle, et elle aurait donc dû agir en tant que telle. Elle aurait dû essayer de chercher plus loin, ou alors carrément laisser tomber, mais pas me démolir juste parce qu'elle n'arrivait pas à me cerner.

Aujourd'hui, Olga est toujours très investie dans l'association du Lycée-Émile-Zola-chargé-d’histoire. Elle contribue à la sauvegarde de la mémoire du lycée, et elle y donne régulièrement des conférences sur la langue française (c'est d'ailleurs son mari qui crée les affiches). Ces conférences étant ouvertes au public, il m'arrive parfois d'avoir envie d'aller la voir. Mais je pars du principe qu'il ne faut jamais revenir vers les gens qui nous ont fait du mal. Alors je la laisse dans le passé, et je préfère regarder devant moi.

 

10 juillet 2022

Violence(s) - dernière partie

C'est une énième "boutade" de ma mère, ainsi qu'un post Instagram d'une personne victime de grossophobie, qui m'ont poussée à prendre la plume aujourd'hui. Ce post, je l'ai depuis longtemps en moi. Il ne demande qu'à être écrit, il a besoin d'être écrit. Je le fais pour moi, je le fais pour ma fille. Je le repousse depuis trop longtemps. L'appréhension de cet article m'a fait procrastiner, car je savais que ce serait la partie la plus difficile à écrire sur toute ma série consacrée à la violence. Mais le moment est venu de mettre fin à cette procrastination. Alors allons-y : parlons de ma mère. De ses névroses. De ses problèmes qu'elle ne regardera jamais en face. De notre relation dysfonctionnelle. De sa toxicité. Pour la première fois aujourd'hui, je l'ai formulé mentalement : ma mère est toxique.

Comme vous le savez déjà, elle m'a élevée seule à partir de l'âge de 22 mois. Elle a fait ce qu'elle a pu, avec les moyens qu'elle avait. Elle a fait des erreurs, mais elle ne les admet pas car comme elle trimait à faire des boulots de merde pendant que mon père était barré quelque part entre la Dordogne et la Martinique, elle estime que cela lui donne l'immunité diplomatique. Je t'ai élevée seule, donc tu fermes ta gueule. Ton père, tu lui dis quelque chose, à lui ? Il est bien tranquille depuis 30 ans et il n'a jamais payé un rond pour t'élever. Moi j'ai tout sacrifié pour toi. Je t'ai donné toutes les clés pour réussir. Donc tais-toi.

Voilà en résumé, la mode de fonctionnement de ma mère : culpabilisation, victimisation, invalidation de mon ressenti. Je n'ai pas le droit d'être blessée. Je n'ai pas le droit de lui dire qu'elle a fait de la merde parfois, sinon je vais me prendre un : "et ton père alors ?" Alors que ça n'a strictement RIEN A VOIR putain de bordel à queue. Ce n'est pas parce qu'il a été maltraitant que cela la dédouane de ses torts à elle. Ce n'est pas parce qu'elle a fait ce qu'elle a pu pour m'élever, qu'elle n'a rien à se reprocher. Je ne lui ai jamais demandé de "tout sacrifier" pour moi ; au contraire cela m'a étouffée plus qu'autre chose. On a été pendant 25 ans en vase clos, elle, sa dépression, son alcoolisme et moi-même. J'étais asphyxiée là-dedans. Et les rares fois où j'ai essayé d'en parler à mon père, il m'a claqué dans la gueule un : "C'est de ta faute, tu parles mal à ta mère." BIM.

Quand je lui disais qu'elle m'étouffait, elle me rétorquait : "Bah moi j'avais des parents qui n'en avaient rien à foutre, c'est ça que tu veux ?" Et je pense que cette réponse résume à elle seule un gros noeud du problème : elle ramène toujours tout à elle. Un jour où j'ai osé lui dire (très maladroitement je l'admets) qu'elle avait gâché mon enfance et mon adolescence, elle m'a répliqué qu'à 14 ans je lui jetais des regards noirs et que j'avais des mots très durs envers elle, et qu'elle avait l'impression que je ne l'aimais pas. (quand je pense qu'Anne-Sophie Faucheur a tenu les mêmes propos concernant la pauvre petite Typhaine Taton qu'elle a maltraitée jusqu'à ce que mort s'ensuive, ça fait froid dans le dos). Bref de l'insécurité, encore et toujours, alors que j'étais une adolescente victime de harcèlement scolaire et de maltraitances paternelles. Plutôt que se poser en victime de sa méchante fille, est ce que ce n'est pas le rôle d'un parent de chercher pourquoi un tel mal-être et de se demander si on n'a pas une part de responsabilité là-dedans ? C'est aussi ça que j'ai beaucoup de mal à accepter et qui me met encore en colère aujourd'hui : j'avais besoin d'un pilier. J'avais DROIT à un pilier. A la place j'avais une pleureuse.

Un autre jour où j'ai prononcé le mot "maltraitances" en parlant de mon père, elle m'a dit : "Bah oui, il faisait ça pour me faire chier". NON. J'ai été maltraitée. Reconnais mes maltraitances, et arrête de te les approprier. On parlera de toi après si tu veux, mais c'est un autre sujet.

Ma mère, tout comme moi et comme une immense majorité de personnes ici-bas, avons été élevées dans la masculinité toxique ambiante. Dans la violence banalisée. Dans les moqueries sur le physique qu'on finit par accepter parce que bon, c'est de l'humour quoi. On a été élevé au milieu d'hommes à qui on n'a pas posé de limites dans leur manière de traiter leurs femmes et leurs filles, et de femmes qui se sont habituées à cette violence ordinaire au point de l'approuver et de la reproduire.

Ma mère et l'une de ses soeurs se sont mises dans une rivalité malsaine dont j'ai payé les pots cassés (j'en ai parlé précédemment). Ma mère s'est ensuite mise en couple avec mon père, qui lui-même était un névrosé de première et dont j'ai également payé les pots cassés. J'ai passé ma vie à subir des moqueries et des remarques sur mon prétendu surpoids, sur ma prétendue maladresse physique, tout ça pourquoi ? Parce que mes parents étaient en fait un petit garçon blessé et une petite fille blessée qui ont engendré un enfant sans avoir au préalable réglé leur Oedipe. Ils ont déversé leurs problèmes d'enfance sur leur enfant qui n'avait rien demandé. Et comme ils ne demanderont jamais pardon à leur enfant, cet enfant blessé (moi) essaie lui-même de limiter les dégâts pour ne pas transmettre cet "héritage" à son propre enfant (Alice), qui n'a rien demandé non plus.

Ma mère trouve tout à fait normal que mon père lui ait mis une claque quand elle était enceinte de moi, parce qu'elle était soi-disant insupportable pendant la grossesse. Elle trouve tout à fait normal que son paternel lui ait mis des gifles, parce qu' "une claque ça n'a jamais tué personne". Ma mère rigole quand elle raconte que les bonnes soeurs de son école lui couraient après pour lui en coller une. Elle arrive à comprendre Jonathan Daval ou Bertrand Cantat, parce que "quand quelqu'un te pousse à bout et que t'as juste envie qu'il se taise, tu peux péter les plombs et avoir un geste malheureux. En plus Alexia Daval avait l'air d'être une sacrée c**** et Marie Trintignant avait un pète au casque". Bref elle légitime les féminicides, et après elle se dit féministe... Ma mère refuse d'entendre que ses hurlements au téléphone avec mon père m'ont traumatisée quand j'étais petite, parce que mon père la "poussait à bout" et que je ne me rends pas compte de ce que c'était. Quand j'avais 2 ans et qu'elle m'emmenait au parc, elle se cachait derrière un arbre pour voir mon petit visage paniqué la chercher et appeler "maman" (elle a même pris une photo de ma peur un jour tellement c'était drôle). Elle trouve tout à fait normal que je me sois pris des remarques grossophobes quand j'étais petite ; elle les encourageait même parce que c'était "pour mon bien". D'ailleurs ma mère m'appelait "ma grosse" quand j'étais enceinte. Par humour bien sûr.

Ma mère n'est pas choquée par le fait que mon père ait laissé son meilleur ami m'agresser physiquement quand j'avais 6 ans et qu'il était bourré (il m'a forcée à lui faire un bisou, j'en avais parlé dans un post), parce que "bah ton père surveillait dans le rétroviseur si ça ne dérapait pas" (LOL). Ma mère m'a obligée à porter l'une de ses broches de luxe à l'âge de 9 ans afin que la compagne de mon père constate qu'elle avait de beaux bijoux, puis m'a ensuite engueulée comme du poisson pourri quand la broche a été perdue. Elle m'a obligée pendant des années à faire des bisous pour dire bonjour à des inconnus, pulvérisant ainsi chez moi toute notion de consentement et me rendant plus vulnérable face à d'éventuelles agressions sexuelles. Elle m'a incitée à porter une de ses bagues à 1500 euros devant mes anciens patrons, avant de la reprendre sans rien me dire quand elle l'a retrouvée dans la poche de mon manteau et me laisser ainsi me taper une nuit d'insomnie parce que je pensais avoir égaré sa putain de bague. Quand j'ai accouché, j'ai été contrainte d'envoyer plusieurs faire-part à des amies à elle, comme si Alice était son bébé et non le mien. Aujourd'hui encore je m'en veux de ne pas l'avoir envoyée paître à l'époque.

Un jour où j'avais environ 2 ou 3 ans, elle m'a prise en photo juste après m'avoir collé une baffe (sur la photo je me tiens la joue et j'ai un regard de détresse). Mon visage me cuisait tellement que je l'ai appuyé contre le cuir frais du canapé, et hop photo numéro 2 prise par ma mère, avec sa bambine frappée qui rafraîchit sa joue comme elle le peut. Je me suis jurée une chose : quand ma mère sera morte, je cèderai les droits de cette photo et elle sera placardée sur tous les panneaux d'affichage de France et de Navarre dans le cadre d'une campagne contre les VEO. Si je meurs avant, c'est Alice qui le fera. Et si Alice meurt avant, je demanderai à une autre personne de le faire. Je m'en suis fait le serment et je m'y tiendrai, d'une façon ou d'une autre. Comment ma mère a-t-elle pu ne pas culpabiliser en voyant ce regard ? Comment a-t-elle pu continuer à dire qu'une claque "ça fait circuler le sang ?" Comment a-t-elle pu ne jamais me demander pardon ? Elle n'a aucune conscience des marques indélébiles qu'elle m'a laissées, au même titre que mon père m'a laissé des marques indélébiles avec ses mensonges et ses moqueries. En plus, tout cela n'a même pas servi à guérir leurs névroses puisqu'ils sont tout aussi névrosés qu'avant. Ils ont juste fragilisé une vie supplémentaire.

Evidemment tout ceci n'est pas sans conséquence sur Alice. Ma pauvre Alice sur qui j'ai hurlé parfois, Alice à qui il m'arrive encore de sortir des expressions que me sortait ma mère quand j'étais petite alors qu'elles m'ont tellement blessée : "Tu m'énerves"... "T'es fatigante" ou encore "Tais-toi !". Alice qui paye malgré elle (et malgré moi) un peu du fardeau familial que je porte sur mes épaules. Alice avec qui j'essaye de compenser en lui apprenant à exprimer ses émotions et à refuser les contacts physiques dont elle n'a pas envie, et à qui je commence déjà à inculquer le fait que les filles sont aussi fortes que les garçons. Je ne veux pas que son patron lui pose la main sur la cuisse sans son consentement. Je ne veux pas que son mari lui demande d'arrêter de travailler. Je ne veux pas qu'elle se sente obligée de s'épiler ou de porter un soutien-gorge si elle n'en a pas envie. Je ne veux pas qu'on lui demande de se cacher si elle souhaite allaiter son bébé. Et surtout, je ne veux pas qu'elle porte le poids des névroses de ses ancêtres comme moi je les porte. J'ai déjà réussi à ne pas reproduire le schéma des parents toxiques pour elle, et ça c'est déjà une grande victoire dont je suis fière.

end with me

Je la vois, si petite et si rayonnante, et je ne comprends pas comment on peut maltraiter son enfant et ensuite dormir sur ses deux oreilles. Je ne comprends pas comment on peut gifler sa fille de 3 ans et la prendre en photo. Je ne comprends pas comment on peut faire croire à sa fille de 2 ans qu'elle est perdue dans un parc, (même si "c'était juste pendant quelques secondes rholala"), puis la prendre en photo et lui raconter cette anecdote plus tard comme si c'était quelque chose de trop choupi. Je ne comprends pas comment on peut parler de régime à sa fille alors qu'elle est en pleine construction identitaire.

Je ne doute pas un seul instant que ma mère m'aimait (ce qui n'était pas le cas de mon père ; il ne sait pas ce que le mot "aimer" veut dire). Elle m'a maltraitée parce qu'elle était dépressive, parce qu'elle avait un mal-être profond dû à un manque d'amour de ses parents. Ca, je peux l'entendre. Par contre, ce que je ne peux pas entendre ; ce que je refuse catégoriquement d'entendre, c'est qu'elle n'est responsable de rien. Je refuse d'entendre que seul mon père est méchant et que je n'ai pas souffert à cause d'elle. Je refuse d'entendre que j'avais tout pour réussir. Je refuse d'entendre que je n'ai pas le droit de me plaindre et que je dois juste fermer ma gueule. Je refuse d'entendre qu'elle s'enfermait dans sa chambre pour boire sa piquette parce qu'elle avait l'impression que je ne l'aimais pas. Ce que je veux entendre, c'est : "Je suis désolée. J'ai fait ce que j'ai pu. J'ai fait des erreurs. Je sais que je t'ai fait du mal et que je n'ai pas été le pilier dont tu avais besoin. Je regrette de t'avoir frappée. Je regrette de t'avoir crié dessus. Je regrette de t'avoir laissée me chercher dans le parc, tu étais si petite. Je n'aurais jamais dû prendre ces photos. Je suis désolée pour les remarques grossophobes que tu as reçues dans ton enfance. Tu n'es pas responsable de la jalousie de ma soeur envers moi, ni de mes problèmes, ni de ma dépression ni de mon alcoolisme. Tout ça, ce sont des histoires entre moi, mes parents et ton père. Toi tu n'as rien à voir là-dedans. Je suis désolée de t'avoir laissé entendre le contraire. Je suis fière que tu aies réussi à construire une vie équilibrée malgré tout cela. Tu es très forte. Ta capacité de résilience est admirable. Je suis fière de toi". Malheureusement, ces mots-là, je crains de ne jamais les entendre. Peut-être qu'elle les pense, mais elle ne les verbalisera jamais. Il faut savoir que ma mère ne s'est jamais excusée pour quoi que ce soit depuis 38 ans, même pour un truc à la con. Jamais. Alors qu'elle le fasse un jour pour des choses aussi intimes et aussi douloureuses, relève clairement de la science fiction. Et si j'aborde le sujet un jour, elle me rétorquera certainement que c'est plutôt à moi de m'excuser pour lui avoir mal parlé le 27 mai 1997. Or je n'ai pas envie de gaspiller mon temps et mon énergie pour un dialogue de sourds qui ne mènera à rien. Je tente donc moi-même de tenir ces propos maternels à mon propre enfant intérieur. Une tâche douloureuse et moins efficace que si c'était ma mère qui le faisait, mais c'est mieux que rien.

Le point de vue de ma mère est totalement différent. Pour elle, je n'ai pas le droit de me plaindre, parce que ELLE a été en couple avec mon père qui était con. ELLE a fait une très longue dépression. ELLE m'a élevée seule et elle n'a reçu aucune médaille pour cela, ce qu'elle trouve profondément injuste. Elle ne comprend pas pourquoi tout le monde trouve normal qu'elle m'ait élevée seule, et que personne (surtout moi) n'ait crucifié mon père parce que LUI, il s'en est sorti les mains propres sans jamais débourser un seul centime pour sa pension alimentaire. Elle ne comprend pas pourquoi j'aurais quoi que ce soit à lui reprocher alors qu'elle a tout fait pour que je ne manque de rien. Elle nie que j'ai été maltraitée. Elle nie qu'elle a fait des erreurs. Elle nie mon statut de victime co-dépendante de son alcoolisme. Elle nie le fait que c'était impossible de réussir mes études en vivant en vase clos avec une mère alcoolique couchée dans son lit la plupart du temps et qui m'étouffait avec son inquiétude permanente et sa putain d'immaturité affective. Elle ne comprend pas que j'avais besoin d'un PARENT, et non d'une petite fille blessée pour m'éduquer. Elle ne comprend pas que mon père c'est une chose, et qu'elle c'en est une autre. Elle ne comprend pas que les fautes de l'un n'effacent pas les fautes de l'autre. Elle ne comprend pas que couper les ponts avec mon père a été ma première décision d'adulte pour sauver ma peau (cela ne l'a pas satisfaite, elle aurait préféré que je le fasse jeter en prison à sa place ou que je le bute). Elle ne comprend pas que NON, m'occuper d'elle n'était pas dans mes attributions. C'est elle qui devait s'occuper de moi, et non pas m'exposer ses relations dysfonctionnelles avec ses parents ou ses mecs successifs, ou encore ses problèmes d'argent. Elle ne comprend pas que j'ai le droit de m'en foutre de ses histoires de pension alimentaire ou d'histoire d'amour ratée avec mon père. Tout cela ne me regardait pas. Elle ne comprend pas qu'elle n'avait pas le droit de se servir de moi comme d'un instrument de vengeance. Elle ne comprend pas qu'elle m'a privé du droit d'être une enfant et que ce n'est pas normal.

Bref, elle a tellement baigné dans la violence qu'elle m'a élevée dedans aussi. Tout le monde a droit à l'erreur, mais non seulement mes parents-bourreaux ne me demanderont jamais pardon, mais en plus le fait qu'elle nie ce que je ressens me donne envie de crier dans un oreiller jusqu'à m'en péter les cordes vocales. Aujourd'hui encore elle m'a traitée de "nigaude" (sur le ton de la plaisanterie bien sûr), parce que je n'arrivais pas à faire un truc. Si je prends mal cet "humour", c'est parce que je suis susceptible ; jamais elle n'admettra qu'elle est blessante et qu'elle n'a pas à dire cela, que ce n'est pas ça l'humour. Cette voie sans issue est à devenir fou.

J'en suis donc arrivée à cette conclusion : ma mère est toxique. Et quand elle mourra, même si je serai très triste, même si je pleurerai des hectolitres de larmes sur toute cette vie gâchée, même si c'est un moment que je redoute, je serai soulagée. Je n'aurai plus ce poison insidieux qui menace de se déverser si elle décide de me partager ses pensées négatives ou de faire de l' "humour".

B. serait horrifié de lire tout cela. Je sais que je vais choquer des gens ici. Mais c'est la vérité. Ma mère dit elle-même que ses parents étaient pesants et que leur mort a été une libération ; ce sera pareil pour moi.

Bien entendu je ne peux m'empêcher de culpabiliser en écrivant cet article, car je sais que ma mère a des circonstances atténuantes ; que la dépression et l'alcoolisme sont des maladies et qu'au final, elle est responsable mais pas coupable. D'autre part, il y a des jours où elle est normale, où on peut discuter normalement et où elle me soutient dans mes choix ; et ces jours-là me font presque regretter de retenir ceux où cela se passe mal. Ceci étant, ce n'est pas normal de souligner que ma mère est parfois normale, tout comme ce n'était pas normal dans mon enfance de calculer qu'elle ne m'avait pas mis de claque depuis tant de jours / semaines / mois. La normalité ne doit pas se remarquer, c'est la norme et puis c'est tout. Il était de sa responsabilité de parent de faire en sorte que son passif ne me retombe pas sur la gueule façon mur de briques. J'en voudrai toujours à mes parents de m'avoir privée de l'insouciance à laquelle j'avais droit en tant qu'enfant. Je leur en voudrai toujours de m'avoir traitée comme une mini-adulte ; j'avais bien le temps d'être une adulte plus tard. Je leur en voudrai toujours pour ce regard triste que j'ai sur les photos à partir de l'âge de 3-4 ans. Voir une telle différence avec les photos plus anciennes me saute à la figure et me brise le coeur à chaque fois que je les regarde. Je leur en voudrai toujours pour ces troubles du comportement alimentaire que je traîne encore aujourd'hui à presque quarante ans, et que je traînerai jusqu'à ma tombe. Je leur en voudrai toujours de ne pas m'avoir aimée de manière inconditionnelle. Quand on aime son enfant, il n'y a pas de "mais". Jamais. Pas de "oui mais si tu perds quelques kilos". NON. Tu t'en branles que ton enfant pèse 50 ou 150 kilos, tu l'aimes point. Tu fais bloc face à l'adversité. Tu envoies chier les grossophobes, les validistes et tous les comportements toxiques. Tu fais ton job de parent et tu gardes tes blessures narcissiques pour ton psy. Ton enfant est étranger à tout cela.

 

moi

Ce que j'aimerais dire aujourd'hui à cette petite fille sur la photo, c'est qu'elle n'a rien fait de mal. Qu'elle n'est ni grosse, ni moche, ni empotée, ni susceptible. Qu'elle est juste entourée d'adultes qui ont des problèmes d'adultes. Que c'est normal qu'elle ne comprenne rien à ce qu'ils disent, parce qu'ils lui parlent de choses d'adultes et qu'elle n'est pas une adulte. Que ces adultes devraient aller voir un docteur parce qu'ils sont malades. Que c'est normal d'être triste si un adulte dit une chose méchante, même si c'est "pour rire". Qu'on ne traite personne de gros ou de moche pour rire. Que quand on gifle son enfant ou qu'on lui dit qu'il devrait maigrir, c'est de la maltraitance. Que rien n'est de sa faute. Qu'elle est forte. Qu'elle va y arriver. Que tous ces adultes seront punis pour avoir été méchants avec elle, même si c'est dans très longtemps. Qu'elle aura aussi une petite fille un jour, et qu'elle lui apprendra à dire non à la violence. Qu'elle brisera le cycle. Qu'elle cessera un jour d'occuper la place de "grosse" que son propre entourage lui a assignée ; qu'elle occupera la place qui est la sienne même si cela doit lui prendre toute la vie.

S'il faut tirer du positif à tout cela, c'est que toute cette violence m'a fait devenir la personne que je suis aujourd'hui, à savoir une personne empathique à l'extrême et qui essaye toujours de voir le bien chez les autres. Je me dis souvent que si j'avais été aimée d'une manière normale, j'aurais été une connasse sans coeur. Que les coups que je me suis pris dans la gueule m'ont rendue meilleure. Il n'est bien sûr pas question de remercier mes bourreaux, mais simplement de constater que leurs violences ne m'ont pas rendue maltraitante. Au contraire, plutôt que faire payer aux autres le mal qu'on m'a fait, je préfère faire du bien aux personnes qui le méritent (bon quelquefois je me plante comme avec ma traîtresse de collègue Mylène mais ce n'est pas grave, c'est en faisant des erreurs qu'on apprend à ne plus les faire).

Désolée si cet article est décousu et répétitif, je l'ai écrit quasiment d'une traite. J'avais besoin de poser ces mots-là ici et maintenant. Je ne veux plus que quiconque minimise les violences intrafamiliales, et surtout pas celles que j'ai subies. Je suis une victime, même si ma mère refuse de l'admettre. Et même si elle a fait comme elle a pu, moi je fais également comme je peux avec mon autisme et ces violences multiples que des adultes malades m'ont fait subir ; ces mêmes adultes qui étaient censés me protéger et m'aimer de manière inconditionelle.

J'ai aussi écrit cet article pour Alice, pour qu'elle le lise un jour et qu'elle comprenne par quoi je suis passée avant de devenir sa maman. J'espère que la maman a réussi à prendre le pas sur la petite fille blessée, car c'est la première et non la deuxième qui doit élever Alice.

Je termine en vous partageant le texte d'une personne que je suis sur Instagram, qui a le même âge que moi et qui est malheureusement toujours victime de son père abusif. Ses mots résonnent en moi à un point que vous ne pouvez imaginer.

PS : après avoir écrit les dernières lignes de cet article, la chanson "Les dingues et les paumés" de Hubert-Félix Thiéfaine est venue spontanément me trotter dans la tête alors que je ne l'ai pas écoutée depuis plusieurs mois. Et non seulement le thème de la chanson se prête au sujet, mais en plus c'est la deuxième femme de mon père qui m'a fait découvrir Thiéfaine. Il n'y a pas de hasard :-)

a nos etoiles

16 mai 2021

Torpeur

loto

 

Quand j'ai quitté mon CDI fin octobre, j'ai d'abord été très triste. Triste d'être partie avec si peu de cérémonie. Triste de m'être acharnée, d'avoir fait des heures sup et d'avoir refusé que mon médecin m'arrête, tout ça pour obtenir zéro gratitude en retour. Triste de constater que tout le monde continuait sa petite vie bien tranquillou (je n'ai même pas eu droit à un SMS pour mon anniversaire donc inutile de dire que si je crève ce sera dans l'indifférence générale), et que tout ce que j'avais fait pendant 4 ans pour ce cabinet avait eu le même résultat que celui de pisser dans un violon.

Triste de constater qu'une fois encore, dans le milieu professionnel on est considéré comme moins que rien tellement il y en a qui attendent derrière la porte. Même pour se faire traiter comme de la merde. Même pour venir bosser à la carte et s'asseoir sur sa vie privée. Elles sont des dizaines prêtes à mettre un mouchoir sur leur amour-propre, du moment que ça rembourse le crédit de leur maison. C'est de bonne guerre, je ne leur en veux pas.

Et puis je me suis sentie libre. J'en ai profité pour buller, pour savourer ces journées où Alice était à l'école, Benoit au boulot et moi tranquille chez moi à regarder "Ca peut vous arriver". Je ne me suis même pas inscrite à Pôle Emploi ; j'ai vécu pendant 3 mois sur ma prime de départ. J'étais bien comme ça.

Et puis je suis entrée dans un cercle vicieux : plus on a de temps libre, plus on a l'impression d'en manquer. Je n'ai plus rien fait du tout. J'ai commencé à me sentir fatiguée, à avoir des maux de dos, des maux de ventre. Ma peur de mourir est revenue plus forte que jamais (bon, le fait qu'on ait diagnostiqué au mari de ma cousine, âgé de 43 ans seulement un cancer du côlon métastasé stade IV n'a pas dû aider non plus). J'étais déjà accro à mon téléphone, mais là je suis entrée dans une phase réellement pathologique, où je ne pouvais plus m'en passer. Dès que je m'asseyais sur mon canapé, hop le téléphone était dans ma main. Même si je n'avais aucun mail non lu. Même si je n'avais aucune notification Instagram. C'était comme une drogue. Peu importe que mon mec ou Alice se trouvaient dans la même pièce que moi ; je passais tellement de temps sur mon téléphone que j'en ai développé une fatigue des yeux, une fatigue tout court et même des nausées. Pendant presque deux mois, je n'ai lu aucun livre. Il y en avait un posé sur la table de mon salon mais je n'arrivais pas à aller au-delà de la page 27. J'avais la flemme de lire.

 (je parle au passé mais je suis loin d'en être sortie...)

 Bref, j'ai plongé dans les ténèbres. Et quand on est dedans c'est dur d'en sortir. Dur de s'inscrire à Pôle Emploi. Dur de passer outre son syndrome de l'imposteur. Dur d'arrêter de se dire qu'il y aura toujours plus mince, plus souriante, moins fatiguée, moins autiste que moi pour se faire embaucher quelque part. Dur d'oublier ma terreur de recommencer un boulot inconnu dans un endroit inconnu. Dur de me dire que plus le temps passe, plus un recruteur va se demander pourquoi je n'ai pas bossé depuis 6 mois (oh bah rien monsieur, j'avais juste pas envie de travailler ^^). Ce n'est pas de la mauvaise volonté, mais juste une monumentale grosse flemme de sortir de mon cocon pour aller affronter le monde extérieur. Un état de torpeur ou de sidération, je ne sais pas trop.

Et puis un matin, quelque chose m'a fortement contrariée (j'en reparlerai ultérieurement, mais pas tout de suite). Je venais de déposer Alice à l'école et je me suis dit que ce n'était plus possible, que j'allais crever si je continuais comme ça. Alors je suis allée sur le site de Pôle Emploi et j'ai postulé à quatre annonces. Quelques jours plus tard, je me suis connectée et j'ai vu cette mention sur l'une de mes candidatures :

 

non retenu

Comme ça, BIM sans aucune explication. J'ai trouvé ça d'une violence... ^^ Mais sérieusement... Tu te crèves le cul à refaire un joli CV, une belle photo, et on te balance dans la gueule ce dessin rouge avec une croix. Du coup je n'ai pas envie de me reconnecter pour voir le "résultat" des autres candidatures ; de toute façon si les recruteurs sont intéressés ils ont mon numéro de téléphone.

Il y a un autre truc qui fait mal aussi : sur certaines annonces du site Indeed, il y a une mention "nombre élevé de candidats". Je ne sais pas trop à quoi sert cette mention : dissuader / voir qui postule malgré tout pour voir la motivation des gens ? Je suis perplexe. En effet, comment ne pas perdre espoir quand on voit que 34 personnes postulent pour un CDD de 3 mois ?

J'ai trouvé deux articles assez intéressants, qui disent en substance "pourquoi ne faut-il pas postuler à des annonces ?", et j'ai trouvé certains arguments très pertinents :

1- quelquefois, il est déjà trop tard quand on voit l'annonce. On peut arriver au bon moment, mais en tout cas on est jamais en avance.

2- répondre à des annonces est déprimant. Je cite une phrase de l'article que j'ai beaucoup aimée : "postuler à des annonces c'est comme être invité à des soirées où l'hôte invite 100 personnes et en laisse 95 dehors sous la pluie".

3- c'est un exercice d'une violence énorme car on se prend des murs de silence de plein fouet, et à chaque mur, la confiance en soi et l'énergie diminuent. Cette perte de confiance finit par se voir physiquement ; le recruteur a encore moins envie de nous recruter, ce qui accentue la perte de confiance. Cercle vicieux.

4- c'est une loterie. Les recruteurs sont débordés et on est quinze mille à postuler. Un peu comme dans un concours. Je me souviendrai toujours de cette fois où je me suis retrouvée dans une salle d'attente avec deux autres candidates ; un quart d'heure plus tard deux autres sont arrivées... Un vrai défilé de viande fraîche. J'avais exactement le profil et l'expérience pour le poste ; je m'y voyais déjà mais je n'ai pas été prise, et je l'ai très mal vécu.

5- on se retrouve en concurrence directe avec les autres candidats, et si on n'est pas pris on en vient à les détester. Expérience vécue. ^^

6- postuler à une annonce permet d'alléger artificiellement sa conscience (putain qu'est ce que c'est vrai, ça...)

En conclusion : je vais bien sûr continuer à postuler à des annonces, mais je ne dois pas me cantonner à ça. Je vais aussi envoyer des candidatures spontanées (bon il ne faut pas se leurrer hein, le spontané ça finit 90 % du temps à la poubelle, mais mon premier poste d'assistante dentaire je l'avais trouvé comme ça donc ça peut marcher). Après ils me font marrer avec leurs "tablez sur le réseautage" ; ils croient sérieusement qu'on a tous des relations ? Je ne connais personne mec, je suis Asperger en plus donc asociale. Donc mes réseaux, comment te dire... ^^

 

En résumé c'est la merde.

 

 

 

14 juin 2021

Tache d'huile

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J'ai décidé de vous refaire un petit point sur ma recherche d'emploi. M'est avis que ce n'est que le début d'une looooongue série d'articles à ce sujet...

Pour l'instant j'ai passé trois entretiens ; j'ai eu pas mal de refus et beaucoup de désillusions. Je vois vraiment le marché du travail comme une foire à la saucisse : on est 70 à postuler pour un CDD de 3 mois... Une fois les CV les plus moches écartés, les recruteurs regardent la photo, le parcours, si la fille est encore assez fraîche pour leur coller un congé maternité (bah oui les femmes sont chiantes à faire des mômes)... Et pour départager les candidates restantes, la décision finale se fait sur des critères pourris comme le "feeling" ou le signe astrologique... Bref c'est désespérant et je ne sais pas comment faire pour me distinguer des trois milliards de filles qui ont le même âge que moi, la même expérience que moi et qui n'ont ni mon parcours atypique ni mes 20 kilos en trop (et qu'on ne me dise pas que le physique ne compte pas ; bien sûr que si ça compte et ce serait hypocrite de prétendre le contraire).

Parmi les plus grosses déceptions que j'ai eues, citons cette personne responsable des RH d'une franchise de laboratoires, qui est VENUE ME CHERCHER sur le site de Pôle Emploi (genre elle a fait une proposition officielle doublée d'un mail pour être sûre que je lise son message) ; à qui j'ai donc répondu en envoyant mon CV et ma lettre de motivation, et qui ne m'a JAMAIS répondu. Certains employeurs critiquent les gens qui bombardent des CV partout sans même savoir chez qui ils postulent ; et bien il faut croire que l'inverse est également vrai... Des employeurs bombardent des mails partout sans savoir qu'il y a un être humain derrière une carte de visite. Au bout de trois semaines je suppose que je peux considérer que cette nana m'a fait croire que je l'intéressais avant de me ghoster bien comme il faut. Bah va te faire enculer Béatrice.

Autre chose qui me met en colère : je suis persuadée que mon ancien patron me met des bâtons dans les roues. Ma mère me dit que je suis parano, mais je sais que je ne me trompe pas. Je le sens, je le sais. Plusieurs éléments me permettent de penser cela : d'abord, il l'a déjà fait dans le passé : il a descendu en flèche une ancienne salariée auprès d'une employeuse potentielle qui lui avait téléphoné, et elle n'a pas eu le poste...

Ensuite, il y a eu trois trucs "bizarres" me concernant : premièrement un labo qui a écarté d'emblée ma candidature, à qui j'ai ensuite envoyé à deux reprises un mail très courtois où je demandais gentiment ce qui avait motivé leur refus, et qui n'a jamais daigné me répondre. Or ce labo se situe à cinquante mètres du cabinet de mon patron (dans une petite commune), et ce dernier est d'ailleurs client là-bas. Alors bien sûr rien ne prouve qu'ils l'aient appelé, mais j'ai des doutes.

Deuxième truc chelou : une consoeur dentiste de mon ancien patron, qui n'a pas retenu ma candidature en arguant que "le poste nécessit[ait] une expérience plus adaptée"... J'ai juste 8 ans d'expérience en dentaire, et j'ai travaillé sur le même logiciel que cette praticienne... Donc "expérience adaptée", comment vous dire... Là encore j'ai envoyé un mail en disant que j'étais très surprise de l'argument avancé pour ne même pas m'accorder un entretien, et devinez quoi ? TADAAAM je n'ai jamais eu de réponse non plus.

Enfin, il y a cet entretien que j'ai passé avec un chirurgien qui connaît très bien mon patron (j'ai eu l'occasion de lui adresser de nombreux courriers et ils se tutoient). Je devais être recontactée pour faire une journée d'essai, mais là encore j'ai eu droit à un ghosting en règle. Alors je ne dis pas que mon patron est responsable de ces trois déconvenues, mais permettez-moi d'en douter quand même...

En même temps je me dis que si ces gens sont assez cons pour préférer croire sur parole un mec qui a 90 % de commentaires négatifs sur Google et qui traîne une sale réputation dans la commune où il exerce, plutôt que se faire leur propre opinion sur moi et m'accorder une chance, et bien c'est que je mérite mieux que ça. Parce que moi personnellement, je ne me fierai jamais à l'avis d'une seule personne, de surcroît une personne mal embouchée.

Mais n'empêche que ça me met en colère. Suis-je condamnée à ne jamais retrouver de boulot à cause de ce type ? Surtout qu'en plus on s'est quitté en très bons termes et que j'ai bien fait mon boulot jusqu'à la fin, donc je trouve cette opération de sape particulièrement injuste. A gerber, même. J'aimerais ajouter une mention sur mon CV : JE VOUS EN CONJURE NE TELEPHONEZ PAS A CE MEC, IL RACONTE DE LA MERDE. JE LUI AI SAUVE LES MICHES PLUS D'UNE FOIS ET J'AI DONNE MA VIE A SON PUTAIN DE CABINET. NE L'ECOUTEZ PAS ET EMBAUCHEZ-MOI POUR VOUS FAIRE VOTRE PROPRE OPINION PAR PITIE !!!!!!! Mais je ne peux pas. Ma mère m'a dit de laisser tomber le dentaire déjà, car un chirurgien ou un stomato aura plus de chances de téléphoner à un dentiste plutôt qu'un médecin ou un biologiste qui ne le connaît pas. Pas faux...

Ce qui m'inquiète, c'est que plus le temps passe plus les recruteurs vont se demander pourquoi je n'ai pas bossé depuis si longtemps. Je suis même prête à m'inventer un congé parental pour avoir une excuse. Et d'un autre côté je me dis que le karma va forcément finir par s'occuper de mon ancien patron : il ne peut quand même pas bousiller impunément la carrière d'une ancienne salariée qui ne lui a rien fait, et qui surtout s'est donnée corps et âme pour son putain de cabinet, sans que ça lui retombe un jour sur la gueule ? Il va bien y avoir un moment donné où la colère de Zeus va me venger quand même ?? D'ailleurs je me demande si cela n'a pas déjà commencé, car j'ai eu la surprise de voir qu'il avait répondu aujourd'hui à certains commentaires Google, alors que jusqu'ici il ne s'en souciait pas :

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La cerise sur le gâteau étant quand même une de mes anciennes collègues qui lui a laissé un avis dithyrambique 3 heures plus tard, indiquant qu'elle était triste de lire des commentaires négatifs sur le cabinet, qu'elle était reconnaissante envers le Docteur de l'avoir formée à ce métier "qui l'enrichit chaque jour", que les patients sont accueillis avec bienveillance... PTDR elle a vraiment aucune fierté... elle a déjà pleuré / stressé à cause de lui, comme nous toutes ; son mec a déjà pété un câble à cause des agissements de mon ex-patron, donc quand je lis ça je me dis WTF. Mais bon elle a raison, ça fait deux ans qu'elle lui lèche les bottes (pour rester polie) et qu'elle obtient tout ce qu'elle veut. Elle doit vraiment être dévouée pour répondre au téléphone à son patron un dimanche après-midi et se faire chier à écrire un roman dans la foulée pour chanter ses louanges... Perso moi aujourd'hui je regardais Roland Garros.

Et surtout je me demande si on peut être à la fois juge et parti ??

BREF en tout cas si les mecs chez qui je postule pouvaient se donner la peine de taper le nom de mon ancien boss sur Google et de TOUT lire, ils réfléchiraient peut-être à deux fois avant de prendre ses propos pour parole d'évangile.

En attendant j'ai commencé les candidatures spontanées, et j'ai monté un dossier pour obtenir une RQTH à cause de mon autisme. J'essaie de garder espoir mais ce n'est franchement pas évident...

 

 

 

12 février 2023

Formation(s)

Au début, j'étais contente d'avoir retrouvé un CDI car j'y voyais surtout les avantages pratico-pratiques : la possibilité de faire un crédit pour changer de voiture, les 1750 € nets par mois, les tickets restaurant, etc. Moi qui angoissais d'être tout le temps précaire, j'étais enfin sortie de la précarité (bon je suis toujours précaire +++ au niveau du logement, mais bon ça c'est un autre sujet).

Et puis j'ai rapidement commencé à m'emmerder au boulot : des heures d'administratif qui ne servent à rien, des tâches répétitives méga emmerdantes, des médecins qui me parlent comme de la merde... en gros je passe mes journées à discuter avec mes collègues, répondre au téléphone et lire sur ma liseuse. Et plus les semaines passent, plus cela me pèse.

J'ai également appris que notre cabinet de radiologie est dirigé non pas par des médecins mais par des financiers énarques, qui fort heureusement travaillent sur Paris étant donné qu'ils n'ont qu'une seule motivation : le blé. Un jour le Grand Chef m'a téléphoné en me disant : « Hier il y a eu 50 appels dont dix non répondus », en mode « bah alors qu'est ce que tu fous Jocelyne ? ». Le mec ça ne lui vient pas à l'idée que je puisse aller aux toilettes / être déjà en ligne / être en train d'accueillir un patient... Un autre jour il est venu nous voir sur site, et il a passé une heure à me parler de rentabilité et de chiffre d'affaires ; j'avais l'impression qu'on ne parlait pas la même langue... non mais AU SECOURS moi j'accueille des patients en fait :-O.

Bref la semaine dernière j'étais en train de me dire que VRAIMENT j'en pouvais plus et que je me faisais iech comme un rat mort, quand j'ai reçu ce mail collectif émanant du même Grand Chef :

 

mail boss

 

 

Alors là ça a été le pompon de la pomponette... Pourcentages ? Note Google ? Objectifs du mois prochain ? REVIENT PAR PATIENT ??? On parle de gens qui viennent faire des examens médicaux, qui ont potentiellement quelque chose de grave, et là j'ai cru voir les mecs de Korian qui coupent en deux les biscottes dans les EHPAD pour faire des économies... Ce n'est juste plus possible, je ne peux plus cautionner ça. Je ne vis pas sur la même planète que ces gens-là. Je suis naturellement empathique et j'ai travaillé à la Ligue contre le cancer ; en bossant pour eux j'ai l'impression de vendre mon âme au diable.

Évidemment, je ne peux pas lui péter ma lettre de démission en lui disant d'aller se faire foutre, étant donné que j'ai un enfant à nourrir et des factures à payer comme tout le monde. Je ne peux pas cracher sur 1750 euros mensuels, et surtout pas en ce moment : je dois donc ronger mon frein, fermer ma gueule et continuer à faire ce boulot que je déteste de plus en plus. Je pourrais changer de boîte, mais je ne retrouverais certainement pas les mêmes avantages ailleurs (un jour off par semaine, un salaire pas trop dégueu, une ambiance de travail plutôt bonne). Par contre ce boulot, le secrétariat médical, ça fait 11 ans que je le fais et j'en ai ras le bol d'une manière générale. D'une part mes capacités intellectuelles sont sous-exploitées, et d'autre part rapporter de l'argent au Big Boss tout en continuant à galérer dans mon appartement à loyer modéré, je ne veux plus de ça. Je me suis donc ENFIN bougé le popotin pour reprendre ma licence de droit après des années de procrastination, et j'ai envoyé un mail au responsable de la licence de droit de l'université de Lille :

 

 

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Je sais que cela va être long et difficile, je sais que je vais en chier ma race mais au moins, quand je m'ennuierai au taff (c'est à dire quasiment toute la journée), je travaillerai mes cours de droit plutôt que zoner sur ma liseuse. Et d'ici deux-trois ans, au revoir président.

EDIT : Régis de l'université de Lille n'a pas répondu à mon mail, ce n'est pas grave je vais chercher d'autres coordonnées pour obtenir les informations que je veux. S'ils ne veulent pas de moi par la porte, je vais rentrer par la fenêtre :p

4 juillet 2021

Breaking news

new job

 

J'ai retrouvé du boulot. J'ai embauché le 23 juin. Quand on sait que je ne me suis sorti les doigts du cul que le 7 mai après des mois d'oisiveté, je n'ai pas galéré tant que ça finalement ^^' Pourtant c'était mal barré.

Le premier entretien n'a été qu'une formalité ; la recruteuse m'a posé très peu de questions sur mon parcours. Elle m'a demandé de rapporter mon RIB, mes diplômes et tout le tintouin le lendemain matin pour rencontrer sa collègue. J'ai trouvé ça trop simple. Je me suis dit qu'il y avait un loup.

J'avais raison : le second entretien s'est mal passé. La femme qui m'a reçue ne m'a pas mise à l'aise : elle tapait sur son ordi, buvait de l'eau, répondait au téléphone tout en me jaugeant avec ses yeux bizarres (elle avait un oeil bleu et un oeil marron ; je trouve ça magnifique mais c'est vraiment perturbant ; je pensais à Sarah McDaniel en la regardant). Quand j'ai eu fini de me présenter, elle m'a demandé : "Et sur le plan personnel ? Vous vivez en couple, vous avez des enfants ? Que fait votre conjoint dans la vie ? Vous avez de la famille dans la région ?" Un recruteur n'est pas censé poser ce genre de question, mais Sarah a justifié cela par le fait que ma situation familiale allait poser problème (je vous épargne les détails mais en gros c'est moi qui gère Alice le matin et la garderie ouvre à 7 heures. Donc je dois arriver au travail en moins de trente minutes et c'est compliqué).

Elle a ensuite insisté sur le fait que je n'aurais pas le même salaire que quand j'étais assistante dentaire, puis elle m'a assené le coup de grâce en me demandant le numéro de téléphone de mon ancien patron. "On va l'appeler pour avoir son retour sur votre rupture conventionnelle".

J'ignore si elle a vu la panique dans mes yeux quand elle a prononcé ces mots, mais toujours est-il que je me suis littéralement effondrée en sortant de son bureau. J'ai pleuré ma race devant des gens médusés (j'étais garée sur le parking d'un supermarché). Je pleurais tellement que j'ai parcouru trente bornes sans voir la route sur laquelle je roulais. Je pleurais encore quand B. m'a téléphoné le midi. Je crois même que j'ai pleuré en mangeant. Je me suis dit que je n'allais jamais y arriver. Que je n'allais jamais retrouver de boulot. Que mon ancien patron était un putain de boulet dont je n'allais jamais réussir à me débarrasser, une putain de crotte de chien collée aux chaussures, une putain de tache d'huile sur mon CV. J'étais au fond du trou. Pour couronner le tout, j'étais déprimée car j'avais terriblement envie/besoin de Ses bras (je n'en parle jamais ici mais je l'aime toujours et j'en souffre énormément. Je ne suis pas encore entrée dans la phase de l'acceptation).

J'ai fini par m'auto-rassurer en misant sur la RQTH pour retrouver un job. Je me suis dit "ok, pour cette piste-là c'est mort mais il y en aura d'autres. Au pire il y a les agences d'intérim ; au pire du pire je peux devenir aide-soignante (c'est ce que je voulais faire il y a quelques années), et au pire du pire du pire j'irai bosser à l'ADMR" (lol)

Contre toute attente, Sarah m'a rappelée le lendemain matin pour me dire que j'étais engagée. L'explication est simple : ce n'est pas mon ancien patron qu'elle a eu au téléphone, mais son associée qui est une personne gentille qui sait rester objective (je n'ai pas eu la confirmation officielle de tout ça mais c'est ce que j'en ai déduit. Mais bon peu importe au final, j'ai été prise et c'est tout ce qui compte).

Depuis dix jours je travaille donc comme secrétaire dans un laboratoire, en CDD et avec un salaire au ras des pâquerettes, mais je travaille. Ca a été dur au début, vraiment dur. Parce qu'il a fallu m'intégrer dans une équipe de 20 personnes, essayer de m'imposer, et quand on est autiste Asperger croyez-moi que c'est un putain de défi. Depuis dix jours je suis dans un autre monde. Je dois apprendre des dizaines de codes par coeur. Je dois savoir quelle analyse se fait à jeun, quelle prise de sang va sur Paris, quels documents je dois sortir et quelle étiquette je dois coller sur le sachet. Je dois gérer des personnes qui sont en stress parce qu'elles prennent l'avion le lendemain matin et qu'elles n'ont pas leur QR code pour le test Covid. Je côtoie des patients très différents : ça va du petit papi qui rapporte son flacon d'urine parce qu'on soupçonne une infection, à la femme de 50 ans qui souffre d'un cancer du sein. Ca va de la jeune de 20 ans enceinte de son quatrième enfant, à l'homme qui me passe son fils au téléphone parce qu'il ne parle pas un mot de français. Ca va de la retraitée qui gère toute seule son père de 90 ans qui perd la boule, à l'ancien toxico qui doit prouver devant le juge qu'il est clean pour récupérer la garde de sa fille. C'est intéressant et stressant à la fois : je progresse et en même temps j'ai l'impression de ne rien retenir. J'ai plein de petits carnets sur lesquels je note tout ce que mes collègues m'apprennent ; je remets mes notes au propre quand je peux mais je ne suis jamais satisfaite.

Je suis passée de l'oisiveté totale à des journées où je n'ai plus le temps de rien. Le soir quand je rentre, je suis crevée et j'ai mal au dos. Alice me sollicite énormément. Je dois faire à manger, la coucher de bonne heure et espérer qu'elle dorme pour me coucher à mon tour. Je ne dors pas bien. Je me réveille la nuit. Je n'ai pas le temps de réviser mes notes. Je n'ai pas le temps de lire. Je suis sur le même livre depuis des semaines ; je voulais lire un roman avec du sang sur la couverture pour le Challenge des Dames en Noir mais le mois de juin est terminé donc c'est trop tard ^^. Mon appart est un bazar sans nom. Je n'ai ni le temps ni l'envie de ranger ; cuisiner je ne vous en parle même pas. En ce moment c'est nems et raviolis en boîte tous les soirs. Je ne sais pas comment font les autres. Je ne sais pas comment font les mères de famille qui ont 3 enfants et qui bossent à plein temps tout en s'occupant de leur maison. Je ne sais pas comment elles font pour EN PLUS faire des plats maison et EN PLUS ne pas avoir de cernes sous les yeux. Vraiment c'est un mystère pour moi. Moi je suis crevée. En plus ma mère me soûle avec ses "MAIS TU VAS TE PRIVER DE VACANCES ? LA PAUVRE ALICE ELLE NE VA PAS PARTIR EN VACANCES ?". J'ai pas bossé pendant 6 mois, je n'ai plus une thune sur mon compte et elle croit que mon souci principal c'est de partir au mois d'août, seriously....... Elle m'énerve à prononcer le mot "vacances" à tout bout de champ. On n'est pas parti en 2016, on a survécu hein...

 Bref j'ai la flemme de lire donc ne vous attendez pas à des flopées d'articles sur mes lectures. ^^ Je vais essayer d'assurer ces 4 mois de boulot et après on verra.

28 novembre 2021

Et si ce n'était que le début ?

J'évoquais précédemment le fait que mon diagnostic d'autisme m'avait peut-être compliqué la vie ; je suis à présent certaine d'avoir vu juste. L'auteur de la page "L'oeil atypique" sur Instagram a fait un post qui m'a (un peu) rassurée ; je vous le mets ci-dessous en version abrégée (sinon ça fait trop long). Quand je lui ai dit que j'étais paumée depuis mon diagnostic elle m'a répondu que c'était un processus, que c'était donc tout à fait normal.

 

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Ca fait un peu gros intestin mais le message est là ^^ Le diagnostic n'est pas une fin en soi, c'est la première étape d'un parcours qui ne fait que commencer.

J'ai essayé de prendre à froid une situation que je vis mal (en l'occurrence le fait de me sentir systématiquement exclue en présence de mes collègues de travail), et en réalité la situation ne s'est nullement dégradée : elle a toujours été comme ça. J'ai toujours été à part au boulot, que ce soit dans l'entreprise où je bosse actuellement ou dans les entreprises précédentes. C'est juste qu'avec mon diagnostic je vois les choses d'une manière plus lucide ; je remarque des choses que je ne n'avais pas remarquées avant.

Le fait de savoir que je suis autiste est à double tranchant, car la soif de comprendre est inextinguible, et les réponses à des questions entraînent d'autres questions : c'est un véritable tonneau des danaïdes. Or, je n'avais pas du tout envisagé les choses sous cet angle. Je pensais trouver des réponses, trouver une clé, et je me retrouve avec un trousseau gigantesque dans la main sans savoir quoi faire avec. Je suis partagée entre deux chemins radicalement différents : d'un côté la volonté de me protéger et de fuir les situations qui m'angoissent (marre du camouflage social qui m'épuise ; pourquoi les gens ne m'accepteraient pas telle que je suis etc...), et d'un autre côté l'envie de surmonter mon handicap et de continuer à acquérir des petites victoires tous les jours. Parce que je suis consciente que quoi qu'il arrive je suis née autiste et je mourrai autiste ; je devrai vivre avec ça jusqu'à ma mort. Je n'ai pas le choix. MAIS il se trouve que j'ai besoin de manger comme tout le monde, que je dois donc aller bosser comme tout le monde, et que donc je ne peux pas me payer le luxe de dire merde à tout le monde et d'aller vivre dans une grotte (c'est bien dommage mais à moins de gagner 12 millions au Loto...).

Je parlais également précédemment des "parties de ping pong" que sont les conversations entre les personnes non-autistes ; et bien récemment j'ai eu l'occasion d'assister à une partie en direct. Ce jour-là j'ai emmené Alice à l'anniversaire d'un copain, et comme trois autres enfants de la classe étaient également invités, j'ai bien été obligée d'affronter les autres parents au moment d'aller la chercher... pas le choix. Obligée de me mettre au milieu des autres, obligée de faire semblant de ne pas avoir envie de gerber de stress, et SURTOUT, obligée d'assister au numéro de popularité de l'une d'entre eux : Bénédicte.

Je fais une parenthèse sur Bénédicte ; je sais que ça coupe le récit mais la description de cette personne illustre parfaitement ce qui me handicape dans l'autisme.

Bénédicte est présidente de l'association des parents d'élèves. Bénédicte appelle toutes les maîtresses de l'école par leur prénom, y compris la directrice, en mode "je suis pote avec tout le monde et j'ai le 06 personnel de la chef". Bénédicte a tout vu, tout fait, elle connaît l'école tellement par coeur que tu pourrais croire qu'elle a participé à la contruction du bâtiment (et qu'elle est, par conséquent âgée de 172 ans). Bénédicte est tellement à l'aise avec tout le monde qu'elle s'adresse à tous les enfants avec des petits surnoms du style "mon grand" ou "ma choupinette". Bénédicte alpague tous les parents d'élèves devant le portail avec des "salut, ça va ?" tonitruants, car Bénédicte aime bien montrer qu'elle est populaire.

Je ne serais pas étonnée si j'apprenais que Bénédicte passe son temps à critiquer Pierre Paul Jacques quand elle est entourée de sa cour de prétendants.

Comme vous pouvez l'imaginer, Bénédicte et moi on ne se kiffe pas trop : contrairement aux autres je la vouvoie et je me cantonne au simple "bonjour" pour la saluer, car même si j'adore vivre à la campagne je déteste cette proximité rurale en mode "on est une grande famille tavu". J'avais d'ailleurs évoqué dans un article précédent les parents d'élèves qui se tutoient tous et se refilent leur courrier devant l'école. Je déteste ça, ça me met mal à l'aise.

Bref, Bénédicte représente à la fois ce que j'admire et ce que je déteste : d'un côté je l'envie d'être super à l'aise, de se déplacer partout comme un poisson dans l'eau et d'avoir toujours le bon mot au bon moment, et d'un autre côté elle m'exaspère avec sa grande gueule. Quand elle nous sort que "avant il y avait 7 classes dans l'école", que telle maîtresse enseignait dans telle salle et que limite elle connaît le Pape Jean-Paul II, j'ai envie de lui répliquer que mon beau-père a vécu dans la commune dans les années 40, qu'il pourrait lui décrire de mémoire où se trouvaient les vieilles échoppes autour de l'église ; que ses soeurs qui sont âgées de 90 ans à présent étaient scolarisées dans l'école de nos enfants, à l'époque où la propre grand-mère de Bénédicte n'était même pas encore dans les couilles de son père, donc poupougne la guide touristique, hein. Mais comme je suis autiste et que je n'ai aucune répartie, je ferme ma gueule même si je n'en pense pas moins.

 

FIN DE LA DIGRESSION.

Maintenant que vous visualisez mieux le personnage de Bénédicte, j'en reviens à l'anniversaire du pote d'Alice. A peine arrivée, Bénédicte s'est placée au milieu du cercle de parents, a pris sa raquette de ping pong et a entamé une partie avec Jean-Maurice, le père d'Edouard :

 

"Salut !"

Jean-Maurice : "Salut !"

Béné : "Alors Edouard il a repris le foot ?"

Jean-Maurice : "Oui avec Arthur".

Béné : "Ils sont dans la même classe ?"

Jean-Maurice : "Oui mais pas au même niveau".

Béné : "Nous on ne fait plus de sport, ça nous manque un peu. Il faudrait qu'ils reprennent les foulées grégoriennes".

Jean-Maurice : "Ah oui, c'était cool la randonnée des enfants"

Béné : "Oui enfin Zoé a eu de la pluie plein les bottes, ahaha !"

 

Etc etc... J'avais le tournis tellement les répliques fusaient de part et d'autre. C'était fascinant à regarder, vraiment. Moi je suis incapable de faire ça, sauf avec les personnes avec qui je suis naturellement à l'aise (une personne sur cinquante ??) (et même quand je discute facilement j'ai toujours l'impression de chier dans la colle avec mon élocution pourrie d'autiste).

Il y a tant d'événements auxquels j'aimerais prendre part mais qui me paraissent inaccessibles... Par exemple j'aurais adoré participer à la randonnée éco-citoyenne du village où j'habite. J'aurais adoré emmener Alice à la bénédiction des cartables juste après la rentrée scolaire. Mais j'en suis incapable. Ca me paralyse de voir tout le temps les mêmes têtes dans toutes les manifestations de parents d'élèves. Si j'avais un mec à l'aise en société cela m'aiderait ; malheureusement B. est aussi asocial que moi. Pas plus tard qu'hier soir j'ai dû lui chier un cake pour qu'il daigne m'accompagner le mois prochain pour aller chercher deux bouteilles de jus de pommes sous le préau de l'école... La seule solution serait de trouver une mère d'élève avec qui ça accroche vraiment, à qui je pourrais confier mon autisme et qui m'aiderait pour me mêler aux autres, mais à cause de mon mutisme sélectif de merde je matche à peu près tous les dix ans avec quelqu'un :-D

 

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Les deux événements locaux auxquels j'aimerais participer avant les 40 ans d'Alice, inch'Allah.

Bref, comme vous voyez mon état d'esprit n'a pas changé depuis mes derniers posts : c'est le bordel. Je ne sais pas si c'est bien ou mal de savoir que je suis autiste. Je ne sais pas si j'y verrai plus clair un jour. J'aimerais lâcher prise mais il y a des millions de câbles connectés dans mon cerveau, de toutes les tailles et de toutes les couleurs et enchevêtrés les uns dans les autres. Je vais mettre des années avant de les démêler / débrancher / rebrancher ailleurs. Je vais créer un hashtag #jesuisunreseauelectrique.

(j'ai pas fini de vous soûler avec mon Aspie, vous allez en bouffer à toutes les sauces je vous préviens ^^)

26 juin 2013

A propos du blog

TRAVAUX-GIF-ANIME

 

Vous l'aurez remarqué (vous êtes habitués maintenant !), la couleur du blog est vraiment caca. Je fais des essais, j'y travaille ; le temps d'obtenir quelque chose qui me satisfera, il faudra compter à peu près 6 mois (ou 7). D'ici là vous devrez vous habituer aux multiples modifications quotidiennes en tout genre (ah je sais que je vous ai manqué sur Canalblog rien que pour ça :D).

 

Par contre, la camionnette Top Fun ne bougera pas (GTA Vice City forever).

 

Mouack.

5 septembre 2022

Noyée par la peur

Quand j'étais en CP, mon école m'a fait découvrir un endroit qui m'était alors totalement étranger : la piscine. A l'époque je n'avais jamais mis les pieds dans une piscine, je crois même que j'ignorais ce qu'était une piscine. J'ai appris bien plus tard que ma mère ne savait pas nager et avait la phobie de l'eau ; rien d'étonnant donc à ce qu'elle ne m'ait jamais emmenée là-bas. Vêtue d'un maillot à rayures roses et noires et d'un bonnet de bain vert pomme, j'ai découvert un nouveau terrain de jeux, ou plutôt devrais-je dire un nouveau terrain de terreur.

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Car le moins que l'on puisse dire, c'est que ce lieu m'a immédiatement inspiré de la peur. Et pas une gentille petite peur de bébé. Non, une peur gigantesque, une peur bien trop grande pour moi. Cette eau anormalement bleue, ce n'était pas naturel. Le chlore m'agressait la gorge et les yeux. Les voix des maîtres-nageurs résonnaient trop fort, se répercutaient sur les murs comme des balles de fusil et faisaient accélérer mon cœur. Je sentais que je n'étais pas à ma place là-dedans. Je ne savais pas pourquoi, mais j'avais des nœuds au ventre, mes jambes tremblaient et je n'avais qu'une seule envie : partir en courant.

« J'ai peur », ai-je déclaré à une camarade de classe blonde assise devant moi. « Pourquoi ? » m'a-t-elle demandé. Je n'ai jamais répondu à sa question. Je ne savais pas pourquoi j'avais peur, c'était complètement irrationnel. Je savais juste que j'étais terrorisée.

Il y a trente ans, on ne jetait plus les enfants à l'eau pour les repêcher avec une perche et ainsi les obliger à flotter tous seuls. Pour autant, la bienveillance n'était pas de mise. J'aurais voulu que ce soit ma maîtresse qui s'occupe de nous, mais elle a préféré gérer les enfants qui savaient déjà nager (soit quasiment l'intégralité de la classe ; j'avais d'ailleurs honte d'être l'une des seules à ne pas savoir nager et à avoir peur). Nous autres non-nageurs, nous avons eu droit à un maître-nageur avec un prénom italien, des petites lunettes rondes et une grosse voix. Pas de pédagogie, pas d'accompagnement. Je n'ai pas su nager avec lui, j'ai juste su avoir la trouille d'avoir de l'eau dans le nez et dans les poumons et de mourir. Un jour, j'étais tellement stressée que j'en ai vomi. Une fille de CE1 est restée à côté de moi (elle n'était pas émétophobe, elle ^^), mais mon institutrice n'a jamais rien su de l'incident. Je fermais ma gueule ; je me faisais violence et j'allais dans l'eau même si j'avais envie de hurler. Et quand on quittait la piscine avec nos cheveux mouillés qui sentaient le chlore, j'étais soulagée de ne pas être morte.

Car je croyais réellement que j'allais mourir. Je me revois en train de me regarder dans le grand miroir du couloir chez moi, d'observer ces fossettes en haut de mes joues (vestiges de l'enfance aujourd'hui envolés), et de me dire que j'allais mourir. J'imaginais ma mère venir me chercher le soir à l'école, et qu'on lui annonçait que j'étais morte noyée à la piscine. Un jour j'ai verbalisé cette pensée ; on avait piscine le lendemain et j'ai déclaré : «Peut-être que demain je vais mourir ». Ma grand-mère a été la seule à réagir ; elle a répété à ma mère : « Elle dit qu'elle va peut-être mourir ». Et ça a été tout. On ne m'a pas demandé pourquoi je disais des choses pareilles. Avec le recul c'est hallucinant. Une petite fille de 8 ans qui dit qu'elle va peut-être mourir, ce n'est pas normal. C'est même franchement alarmant. Mais non, rien. On a laissé couler (ah ah). J'imagine que ma mère devait déjà être trop tournée vers son propre nombril pour se demander pourquoi sa fille pensait à la mort tandis que les autres enfants pensaient juste à boire du Banga.

Le calvaire a duré trois années. En CE1 j'ai eu des verrues plantaires, ce qui m'a dispensée de piscine pendant des semaines entières (je vous laisse imaginer le soulagement...). En CE2 une mère d'élève s'est occupée presque exclusivement de moi à chaque séance. Bon elle ne m'a pas appris à nager et j'avais toujours aussi peur, mais au moins j'ai réussi à parcourir la longueur du petit bassin en m'accrochant au bord sans hurler de panique. J'ai également réussi à passer sous une ligne d'eau en me bouchant le nez. Mon instit avait beau être une vieille fille qui ressemblait à une sorcière, pour la piscine elle était davantage bienveillante que sa collègue de CP-CE1.

J'ai fini par réussir à nager à l'âge de 10 ans, dans la mer et en prenant les brassards de mon cousin (qui avait 3 ans...). Une fois ce blocage passé, j'ai pu retourner à la piscine. J'ai consenti à m'éloigner du bord et à nager sur une largeur en étant accompagnée de ma cousine, mais j'ai eu beaucoup de mal au début.

J'ai souvent nagé très loin dans la mer, parfois même jusqu'aux bouées. Pour autant, je ne sais nager que la brasse (et encore, je pense que je me fatigue à cause de mauvais mouvements). Aujourd'hui encore, je suis incapable de mettre la tête sous l'eau. Je suis incapable de sauter dans l'eau et encore moins de plonger. Au lycée, je me suis retrouvée paralysée parce qu'il fallait sauter dans le grand bassin. Blocage complet. TOUS les autres élèves l'ont fait sauf moi. Quand j'ai dit à mon prof de sport que j'avais peur, il a haussé les épaules l'air de dire « bah tant pis ». Ensuite ils ont annoncé qu'on allait devoir aller chercher un mannequin au fond de l'eau pour l'épreuve du bac, et là, la même panique qu'en CP est revenue m'envahir. Je ne pouvais pas. C'était tout simplement impossible qu'ils me demandent une chose pareille. Je me suis tétanisée sur le bord du bassin, redevenant la petite fille au maillot à rayures roses et noires et au bonnet de bain vert pomme.

A mon grand soulagement, ils ont finalement laissé tomber le mannequin et nous ont demandé d'aller chercher un camarade de classe au milieu du grand bain et de le ramener au bord en mode sauvetage. Je l'ai fait sans problème, mais une fois sortie de l'eau j'avais tellement hyperventilé que j'ai fait un malaise.

Une fois remise de mes émotions, j'ai vu une classe de primaire qui passait dans les douches à quelques mètres de moi. Il y avait deux institutrices dont l'une ressemblait énormément à ma maîtresse de CP-CE1. Je me suis demandée si c'était elle. J'ai demandé à l'une des petites filles comment s'appelait sa maîtresse, mais avec le bruit je n'ai pas entendu sa réponse. Je ne saurai jamais si c'était elle ou non.

Aujourd'hui encore, il m'arrive d'avoir des pensées intrusives de noyade. Je suis complètement traumatisée par l'eau. J'aimerais bien réussir à plonger, mais je ne veux pas mourir. Après cinquante ans à dire « je sais nager », ma mère a fini par reconnaître qu'elle n'a jamais su nager de sa vie. J'ai trouvé ça complètement débile qu'elle prétende le contraire pendant tant d'années. Son orgueil ne m'a pas aidée. Je pense qu'inconsciemment, elle m'a refilé son aquaphobie. Elle ne l'a pas fait exprès, évidemment. Peut-être a-t-elle eu des paroles malheureuses qui m'ont marquée au fer rouge quand j'étais petite. Ou pas. Je n'en sais rien. En tout état de cause elle n'aurait pas dû mentir, ça ne sert à rien.

Ce qui m'ennuie à présent, c'est qu'Alice est également aquaphobe. Pourtant elle n'a jamais mis les pieds dans une piscine, et B. et moi ne lui avons jamais dit que petits nous avions peur de l'eau, mais c'est ainsi : elle refuse d'y aller. Elle est terrifiée. Et je suis en colère parce que je ne sais pas pourquoi, ou plutôt j'ai peur d'être à l'origine de cette peur irrationnelle alors que je voulais exactement le contraire pour elle. Je ne voulais pas qu'elle soit comme moi. Quand les choses se déroulent exactement à l'inverse de ce qu'on voulait, ça met dans une rage folle. Une rage contre soi, contre la vie, contre le putain de schéma qui se répète inlassablement de génération en génération. Contre la fatalité.

Quand Alice était bébé, j'avais pensé à l'inscrire aux bébés nageurs. Mais à cause de mon connard de patron de merde qui nous faisait bosser le mercredi et le samedi toute la journée, je n'étais jamais disponible pour l'emmener à la piscine. Adieu les bébés nageurs. Pas de piscine gonflable non plus pour la familiariser avec l'eau, puisque nous vivons en appartement. L'année dernière je l'ai emmenée dans une pataugeoire ; au plus profond elle avait de l'eau jusqu'aux genoux ; ses brassards ne lui ont servi à rien. J'ai essayé de la faire asseoir au bord mais elle a refusé. J'ai laissé tomber car je ne voulais pas la forcer.

Les signaux d'alerte se sont déclenchés début juillet, quand la directrice de son école nous a envoyé un message comme quoi tous les élèves de primaire iraient à la piscine dès le 12 septembre prochain. Alice entre en CP à la rentrée... Elle fera donc partie de la charrette partant bientôt pour l'échafaud la piscine.

Il y avait une piscine sur notre lieu de vacances cet été. Je me suis dit que ce serait l'occasion idéale pour la préparer aux cours de natation. Malheureusement cela a été un fiasco total. B. et moi avons tout essayé : la douceur, la fermeté, la négociation... La première fois Alice a carrément fait une colère et nous a mis la honte devant les autres utilisateurs. J'ai cherché sur internet des astuces pour aider les enfants aquaphobes, mais Alice refuse d'entrer dans l'eau donc impossible de mettre le moindre conseil en pratique. J'ai cherché s'il y avait des cours contre l'aquaphobie près de notre location puis près de notre domicile ; j'ai même pensé à l'emmener une fois pour qu'elle voie l'endroit et tenter au moins de la faire entrer dans le bassin ludique. Puis j'ai fini par capituler. J'ai déjà dépensé beaucoup trop d'énergie pour une cause perdue d'avance, et le délai est trop court de toute façon (le 12 septembre c'est quasi demain). Par ailleurs, je n'ai clairement pas les compétences pour apprendre à Alice à être à l'aise dans l'eau. En soi je m'en fous qu'elle ne sache pas nager ; il y a des gens qui sont à l'aise dans l'eau, d'autres dans les airs ; c'est comme ça et il faut de tout pour faire un monde et blablabla. Ça ok, je suis d'accord. Le problème, c'est l'école. Je ne veux pas qu'elle se retrouve comme moi, terrorisée à vomir au bord du bassin sans que personne ne lui vienne en aide. Je ne veux pas qu'elle ait la boule au ventre chaque lundi matin. Je ne veux pas qu'elle ait peur de mourir à 6 ans et demi. Je ne veux pas que tous les autres sachent nager sauf elle. Je ne veux pas qu'elle soit la cible de moqueries. C'est pour cela que j'ai essayé... et que j'ai malheureusement échoué.

Pour parachever ce tableau de merde, le mois dernier une petite fille de 4 ans s'est noyée dans une piscine à une centaine de kilomètres de chez moi. Elle portait des brassards... Ses parents l'avaient confiée à un centre de loisirs, et ils l'ont récupérée entre quatre planches. Alors je sais que c'est rarissime, je sais qu'on ignore pour l'instant ce qu'il s'est passé, mais preuve en est que ça peut arriver. Moi je ne suis peut-être pas morte en 1992, mais une petite fille est morte en 2022. C'est un fait.

Ce matin j'ai décidé d'emmener Alice devant la piscine où j'allais avec l'école. Je lui ai montré la porte latérale par laquelle je passais avec ma classe. Je lui ai montré la vitrine du restaurant qui existait déjà à l'époque (par contre ils ont enlevé la sirène blonde qui portait un plateau, ce que je trouve fort dommage). Je lui ai montré le grand bassin avec ses lignes de séparation rouges et blanches. Je lui ai montré les immenses vestiaires sur le côté qui m'impressionnaient tellement. Je lui ai décrit l'affiche avec le poisson « il faut réfléchir avant d'agir » qui était placardée quelque part dans ce vaste dédale de carrelage imbibé de chlore. Je lui ai tout expliqué. Je lui ai dit que j'avais peur à l'époque, probablement parce que ma mère m'avait transmis sa propre phobie, et qu'aujourd'hui je lui avais transmis ma phobie à mon tour. Que j'étais désolée car je ne voulais pas qu'elle hérite de ce fardeau. Que j'étais sûre qu'elle était capable de surmonter ça. Que si une fois à la piscine elle avait peur, elle devait impérativement le dire à quelqu'un. Que cela allait bien se passer. J'ignore si j'ai bien fait de lui partager tout cela, mais de toute façon vu le rejet complet qu'elle fait déjà, je me suis dit que ça ne pouvait pas être pire.

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Elle m'a répondu : « Si papa et toi vous m'avez transmis votre peur, je vous pardonne ».

Ce soir j'en pleure en écrivant ce post tellement j'ai la trouille. Bien sûr je vais écrire un mot à sa maîtresse pour la prévenir qu'Alice est aquaphobe, mais qui me dit que la piscine en aura quelque chose à foutre ? Ils n'en avaient rien à branler il y a trente ans, est ce que les choses ont vraiment changé aujourd'hui ?

Voilà désolée si cet article est (une nouvelle fois) décousu et très mal écrit mais je l'ai rédigé comme les mots me venaient, c'est à dire en vrac depuis mon cerveau d'ex-petite fille aquaphobe qui est furieuse (mais contre qui ??) que sa fille soit aquaphobe elle aussi.

PS : à la fin des vacances, alors que cette histoire de piscine me bouffait le cerveau, une ancienne collègue de boulot a posté une story instagram de ses deux aînés en train de marcher sur les mains, de faire des saltos sur la plage et de plonger en arrière dans la piscine. C'est complètement con mais pendant 5 minutes je l'ai haïe et j'ai haï ses enfants de me remuer ainsi le couteau dans la plaie avec leurs corps dégourdis que ma famille et moi n'aurons jamais (oui j'en suis là... allez-y jugez-moi).

PS 2 : cet après-midi j'ai ENFIN pris rendez-vous avec une thérapeute qui fait de l'EDMR. Il est évident que ma peur de la mort est liée à un SPT et loin de se calmer, mon anxiété ne cesse de s'aggraver en vieillissant. Si je la laisse me bouffer, je vais finir par me foutre en l'air. Il est donc grand temps de faire quelque chose, même si aller chercher la cause profonde de mon SPT me terrorise. La séance n'aura lieu que début octobre donc je vous fais bientôt un article sur le sujet.

PS 3 : à une rue de la piscine se trouve le dojo de Rennes où j'allais faire du judo, et là par contre je m'éclatais. C'est incroyable comme ces deux lieux, si proches géographiquement, me procurent des sentiments aussi différents...

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