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Le blog de Dawn Girl
1 septembre 2021

Burn out autistique ?

J'ai toujours été dans l'introspection. J'ai toujours aimé réfléchir (beaucoup trop), analyser (beaucoup trop) et stresser (beaucoup trop). Je suis persuadée que quand j'ai commencé à bloguer fin 2005, j'étais déjà sans le savoir dans une démarche d'introspection (pourtant mon premier post parlait de ma mère qui s'était fait vandaliser sa voiture...). J'ai crié dans le désert bloguesque, j'ai raconté un peu tout et n'importe quoi pendant des années ; presque tous mes lecteurs sont partis mais quelques-uns sont restés (merci à vous d'ailleurs). La véritable introspection s'est dessinée avec la maturité, et notamment quand je suis devenue maman et que j'ai commencé à me poser des questions sur un éventuel TSA.

La confirmation médicale de mon autisme n'a pas été une surprise pour moi, mais elle ressemble à une lampe de poche braquée dans l'obscurité : je vois certaines choses mais je les distingue encore mal. Je n'arrive pas à visualiser tous les contours. Certaines formes inconnues me font peur, un peu comme un tas de vêtements qui ressemble à un monstre dans une pièce sombre. J'entends des sons que je n'arrive pas (encore ?) à identifier. A force d'analyser, de décortiquer, d'essayer de comprendre, je crois que je me connais un peu mieux. Je dénoue des fils. Je mets des points finaux. J'ai besoin de comprendre pour avancer. En tenant compte du facteur autisme, je cerne mieux mes difficultés. Je me documente. Je suis tombée sur des pages Instagram tenues par des autistes (notamment "l'oeil atypique" et "Autiste tout simplement"), et mon dieu ce que ça me parle. J'ai appris les notions de "small talk" (ce que ma psychologue nommait le "bavardage social"), d'hyperstimulation, de suradaptation. D'anxiété et de fatigue nerveuse extrêmes à force d'essayer de me camoufler socialement (tout le temps), et de ne pas y arriver (très souvent). Je comprends que je ne suis pas seule. Je comprends que je ne suis pas anormale. Je comprends que c'est normal d'avoir envie de pleurer quand une collègue me demande de parler moins fort. Qu'elle n'a pas à me dire de parler moins fort ou moins vite, parce que mon élocution très particulière EST un symptôme de mon autisme. Je comprends que ce n'est pas ma faute. Je comprends que je ne suis pas coupable. Je comprends que je n'ai rien fait de mal. Même quand j'ai mal parlé à Gertrude en 1999. Même quand j'ai eu l'air con en cours de sport en 1992. Même quand j'ai été méchante avec ma meilleure copine en CM2. J'aimerais écrire à tous ces gens-là. Leur dire que je suis désolée. Leur dire qu'il y a une explication. Leur dire que je ne voulais pas les blesser. Leur dire merci pour ne pas m'avoir jugée. (et pour certains leur dire a contrario d'arrêter de me juger). J'ai envie de faire un coming out général pour que tout le monde sache, juste une fois. Tous les gens que j'ai croisés et à qui j'ai envie de le dire. Des anciens profs. Des anciens camarades de classe. Des anciens collègues de travail. Des gens que j'ai l'occasion de croiser encore aujourd'hui. J'ai envie de leur révéler mon secret. De partager mon fardeau. De poser mes bagages. De leur dire que j'ai un putain de handicap invisible et que ça me pèse. De leur dire que mon anxiété est tellement forte qu'il m'est déjà arrivé d'avoir des pensées suicidaires. De leur dire qu'en plus je n'ai pas de bol car j'ai cumulé autisme / synesthésie / harcèlement scolaire et maltraitances familiales. De leur dire que je me sens inadaptée. Que je n'ose pas m'affirmer. Que je suis en colère après moi quand une collègue me parle mal et que je ne trouve rien à lui répondre (pour un peu je lui dirais "merci" tiens. Lol). Que je ne comprends pas POURQUOI les gens osent me parler mal ou me laisser de côté. J'ai les mots "vas-y agresse-moi" marqués sur le front ou c'est comment ? J'ai envie de leur dire que la vie quotidienne est une surcharge sensorielle permanente pour moi (je dirais même une overdose sensorielle) ; qu'il y a trop de bruits, trop de lumières, trop de vitesse, trop de méchanceté chez les gens, trop d'agressivité. Que mon voeu le plus cher serait de ne plus avoir à sortir de chez moi et d'aller affronter le monde, car le monde est trop hypocrite et violent pour moi. Que si je n'avais pas eu la chance de croiser B. sur ma route il y a quinze ans, j'aurais littéralement vrillé. Que B. est mon gouvernail dans la tempête. Que si j'ai pu mettre des gens mal à l'aise un jour, c'était totalement involontaire. Que je suis quelqu'un de profondément empathique et bienveillant mais que je n'arrive juste pas à le montrer. Que je n'y peux rien si certains physiques / voix / sons / odeurs m'insupportent jusqu'à m'en donner mal à la tête ou envie de vomir. Que je ne sais pas discuter de tout et de rien comme vous tous ; je vous observe pourtant mais je n'arrive pas à être naturelle comme vous. Que je ne sais plus par quel bout prendre ma vie. Que j'ai juste besoin qu'on me comprenne et qu'on arrête de me juger. Qu'on arrête de me prêter des sentiments ou des intentions. Vous vous plantez complètement les mecs. Laissez-moi vous expliquer. Après vous pourrez reprendre une activité normale.

Vous voyez le paradoxe ? Certaines pièces du puzzle ont l'air de s'emboîter, certaines questions trouvent des réponses, et pourtant c'est de plus en plus difficile. Peut-être un effet rebond du diagnostic ; apparemment je ne suis pas la seule à être complètement larguée après avoir été diagnostiquée :

 

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A la fois je suis soulagée d'avoir une explication, de me dire que je ne suis pas toute seule, et à la fois j'ai juste envie de dire MERDE à tout le monde et de me barrer sur une île déserte tellement j'en ai ras la casquette de mon handicap et tellement ce monde n'est pas fait pour moi. J'ai d'ores et déjà pris deux décisions qui vont au moins me préserver de deux situations que je m'obligeais à supporter jusqu'ici :

-fini de faire la bise aux gens. J'en avais parlé dans un post précédent : je déteste ça et je ne vois pas pourquoi je continuerais à me faire violence. Donc même quand il n'y aura plus de covid, ce sera soit bonjour de loin, soit on se serrera la main. Seule ombre au tableau : je ne crois pas que j'oserai le dire aux gens de ma famille à qui je fais la bise depuis 37 ans. Ils ne vont pas comprendre. Ma mère leur a dit que j'avais été diagnostiquée Asperger mais je ne pense pas qu'ils aient réalisé la portée de ce diagnostic. Enfin je ne sais pas, on verra.

-fini d'emmener Alice à l'école à l'heure de l'ouverture, et fini d'aller la chercher à la sortie des classes. Je ne peux plus. Je ne peux plus voir trente autres parents d'élèves en même temps, c'est trop difficile. Si seulement il y en avait un à qui je pouvais parler ; j'ai bien pensé à la mère du meilleur copain d'Alice (en plus elle fait partie de l'association des parents d'élèves), mais on n'a pas d'affinité et je ne me sens pas assez en confiance avec elle pour me livrer comme ça (cette putain de culpabilité / honte d'être différente alors que je n'y suis pour rien...). J'ai aussi envisagé d'en parler à la directrice de l'école (sans forcément rentrer dans les détails), mais je ne sais pas, je me dis que tout le monde s'en fout de mes névroses en fait. Que c'est à moi de trouver une solution. Alors j'en ai trouvé une : voir le moins de monde possible pour éviter trop de stimulations et donc, emmener Alice plus tôt à l'école et aller la chercher plus tard le soir. Je croiserai toujours des gens, mais en moins grand nombre. Ce n'est pas la panacée, mais c'est déjà ça.

Pour le travail, c'est plus compliqué : je conchie littéralement mon boulot actuel. J'aime bien ce que je fais, mais l'ambiance de faux-cul là-bas fait que le matin j'ai la boule au ventre quand je sors de ma voiture. Je ne les aime pas. Je ne me sens pas bien là-bas. L'odeur de la boulangerie à côté du laboratoire me donne envie de gerber. Le problème c'est que mon CDD se termine dans 2 mois, deux LONGS MOIS, et après je vais faire quoi ? Je vais ENCORE être dans la précarité et ENCORE me retrouver en concurrence avec cinquante personnes pour chaque putain de CDD de 3 mois publié sur Indeed, et ENCORE devoir me justifier de pourquoi j'ai quitté mon dernier poste, de pourquoi j'ai autant d'expériences différentes sur une période de dix ans, et de pourquoi j'ai un trou dans mon CV, et blablabla et blablabla, ça me gave. De toute manière à chaque fois que je commence un boulot quelque part, mon autisme finit par revenir au galop et je me sens rapidement mal à l'aise. J'ai l'impression de faire des efforts pour m'intégrer (coucou le camouflage social), mais malheureusement je ne fais pas illusion longtemps. J'en conclus que je m'y prends mal. En fait c'est la répétition du cycle qui est déprimante ; partout où je vais c'est pareil : au début j'arrive à donner le change, et puis après ça me fatigue et je n'y arrive plus. C'est lassant.

 

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Bref ce post est à l'image du bordel qui règne dans ma tête : d'un côté j'avance, j'essaie de voir le positif : j'ai quand même survécu à des violences multiples, j'ai construit une famille avec le bagage que j'avais, et ce n'est pas rien. Quand je veux quelque chose je l'obtiens toujours, même si c'est plus difficile que pour les autres : j'ai eu mon permis de conduire, j'ai eu une vie de couple avec l'homme que je voulais, j'ai eu un enfant, j'ai réussi à être secrétaire, puis assistante dentaire, puis j'ai réussi à travailler dans un laboratoire ; tout ça c'est ce que je voulais.

Et puis je vois tout le chemin qui me reste à parcourir et j'ai juste envie de m'asseoir par terre et de pleurer. Je n'ai pas trouvé ma place professionnellement et je ne sais pas si je la trouverai un jour. Je n'ai pas encore guéri toutes mes blessures liées à mes parents et je ne sais pas si j'y arriverai un jour. Je suis en plein questionnement sur mon orientation sexuelle ; c'est récurrent depuis l'adolescence et je ne sais pas si j'y verrai plus clair un jour (pour rappel je suis amoureuse d'une femme de mon entourage professionnel depuis DEUX ANS (putain deux ans...) et je n'arrive pas à la zapper (je vous avais parlé d'elle il y a longtemps. Bien entendu elle ignore totalement ce que je ressens pour elle et elle ne le saura jamais. Mais je l'aime aussi fort que j'aimais B. quand je l'ai rencontré, et c'est tellement dur de garder ça pour moi ; j'en souffre énormément. Je culpabilise beaucoup et je ne sais pas comment faire pour l'oublier)).

 

Peut-être que mon diagnostic a remué la fange. Peut-être que le fait d'avoir posé le mot "autisme" sur mes maux, fait que je ne peux plus tolérer tout ce que je me suis obligée à tolérer pendant tant d'années. Peut-être que l'approche de la quarantaine fait que je me pose encore plus de questions qu'à l'ordinaire. Peut-être que ce boulot que je déteste noircit le tableau. Peut-être que j'ai peur que mon autisme s'aggrave en vieillissant. Peut-être que, comme je l'ai lu sur une page consacrée à l'autisme, je suis "juste" épuisée à force d'être en mode survie depuis des années (phénomène courant chez les autistes). Je ne sais pas. J'essaye de m'organiser pour éviter la surcharge mentale et le pétage de plomb mais je crois que c'est trop tard. Il y a longtemps, je m'étais inscrite sur un forum de personnes autistes mais je ne m'étais pas sentie écoutée là-bas. Peut-être réessayer sur un autre site ? Lire des livres sur le sujet pour tenter de trouver des clés ? Je vais sûrement aller voir mon médecin aussi (cette femme est un bonbon et elle connaît très bien mon dossier. Elle m'a déjà dit que je pouvais venir la voir juste pour discuter. Je risque une nouvelle fois de me transformer en paquet de larmes quand je vais lui parler, mais aucune psychologue ne m'inspire la confiance qu'elle m'inspire. Je souhaite à tout le monde d'avoir un médecin traitant comme elle <3).

Hier en tondant la pelouse (activité très médidative, je vous la conseille ^^), je repensais à ma prof de maths de 6ème : lors du tout premier cours de l'année, elle nous a expliqué qu'elle avait un problème de santé. Que son pancréas ne fonctionnait pas, et que cela provoquait des crises d'hypoglycémie très graves. Que si jamais un jour on voyait qu'elle se mettait à tenir des propos incohérents, il fallait regarder s'il y avait du sucre dans son sac et le lui donner. Cela devait être super pénible pour elle de devoir réexpliquer son souci de santé à chaque rentrée scolaire, à chaque classe de 6ème, et cela ne devait pas être facile non plus de confier quelque chose d'aussi personnel à des pré-ados boutonneux qui pensent juste à leur Game Boy et à leurs bouquins Chair de Poule (oui c'était en 1995 ^^). Mais elle n'avait pas le choix : il fallait bien que ses élèves sachent comment réagir si elle se trouvait en situation de crise et dans l'incapacité de gérer ça toute seule. Et bien peut-être que je devrais faire comme elle : dire à chaque personne que je rencontre que je suis autiste. Ce serait pénible mais je n'aurai peut-être pas le choix. Après il faudra gérer la réaction des gens derrière (c'est surtout ça qui me fait peur en fait ; les gens pensent que Asperger c'est anecdotique, que ce n'est pas grave. "Autisme léger" mon cul).

Pour terminer je vous mets les extraits d'une BD que j'ai trouvée sur Instagram par rapport au bavardage social (ou small talk), et qui me parle énormément, ainsi qu'une lecture vidéo d'un livre sur le handicap qui m'a bouleversée le jour où je l'ai découvert (j'espère moi aussi un jour rencontrer une personne avec une casserole plus petite :-)

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