Parce que les RS ont (parfois) quelques (petits) avantages
Dans mon dernier post, je vous indiquais vouloir prendre de la distance avec Instagram, cette application à laquelle je suis accro et qui me prend beaucoup trop de temps et d'énergie. Les réseaux sociaux ont cependant de bons côtés, et Instagram peut parfois servir à autre chose qu'à scroller dès le réveil (achevez-moi ^^).
La semaine dernière, il y a eu un matin où ça n'allait pas. Je m'étais réveillée à 4 heures, j'étais fatiguée, déprimée, la pensée de ma mère m'oppressait énormément. Je n'avais pas la force de me remettre à mon texte, alors j'ai juste écrit une petite bafouille pour la partager avec des gens ; peut-être avais-je besoin de l'avis extérieur de personnes qui ne connaissaient ni moi ni ma mère. J'ai envoyé mon témoignage en message privé à l'administratrice d'une page, qui m'a répondu avec beaucoup de bienveillance. Trois heures plus tard, mon texte (anonyme) était en ligne :
Bien sûr il n'y a que 2% de mon histoire là-dedans ; ce témoignage reflète uniquement ce que j'avais envie de partager à ce moment précis. N'empêche que ça fait quelque chose de le voir publié, et ça fait quelque chose de voir tous les commentaires de soutien en-dessous. Je pensais que j'allais être jugée, qu'on allait me dire ce que dirait ma mère, à savoir que je suis une ingrate qui abandonne la personne qui a tout sacrifié pour moi. Mais pas du tout : la majorité des commentaires m'a conseillé de couper les ponts avec elle. Quelqu'un m'a même suggéré de la faire hospitaliser contre son gré. Le syndrome de Diogène a été évoqué. Deux commentaires ont particulièrement retenu mon attention :
Il est vrai que j'arrive au bout de ce que je peux tolérer. Depuis des semaines, ma mère n'imprime pas ce que je lui dis : je lui parle d'un truc et le lendemain elle a tout oublié. Elle a une voix bizarre. Récemment j'ai pris deux rendez-vous médicaux pour elle telle une putain d'assistante personnelle (ce qui inclut du stress et une charge mentale supplémentaire pour moi), je lui ai tout noté noir sur blanc avec l'endroit, la date, le motif etc ; et bien elle a trouvé le moyen de faire de la merde.....
J'en ai ras le bol. Je ne veux plus être sa secrétaire, sa psy, son infirmière. Je veux que ça s'arrête. Parfois j'ai envie qu'elle meure pour qu'on en finisse. Elle disait que ses parents étaient pesants, et bien elle est exactement comme eux : pesante. Un fardeau. Mon fardeau.
Pour autant, je n'ai pas le courage de couper les ponts. Pas le courage de lui dire que je n'en peux plus. Pas le courage de lui dire que je ne supporte plus sa voix bizarre, son appartement-déchetterie, sa voiture pourrie et sa vie de merde. Pas le courage de lui dire que je veux remonter à la surface de l'eau sans elle. Pas le courage de lui dire que je serai soulagée qua nd elle sera morte. Pas le courage de lui dire qu'elle n'est que noirceur et tristesse. Pas le courage de lui dire que je m'énerve toute seule d'être encore là à la protéger, alors qu'elle m'a maltraitée et qu'elle me met encore la tête sous l'eau depuis tant d'années. J'ai encore moins le courage de la faire hospitaliser contre son gré ou d'alerter les services sociaux dans son dos.
Quand ma mère buvait, ma cousine m'avait conseillé d'alerter la préfecture pour l'empêcher de prendre le volant. Je n'ai jamais pu le faire. Les gens ne se rendent pas compte à quel point c'est difficile de dénoncer ses propres parents.
Je n'ai pas le courage.
J'ai cependant fait un progrès notable depuis quelques mois : j'arrive à prendre un peu de recul et à poser des limites. Pas beaucoup, pas assez, mais un peu quand même. Je peux le démontrer par deux exemples très précis. Le premier, c'est lorsque ma mère m'a demandé de lui offrir un sex toy pour son anniversaire (pour rééduquer son périnée m'a-t-elle dit, et non pour des raisons sexuelles mais bon bref), je lui ai dit que cela me posait problème. Qu'on peut offrir un sex toy à une amie ou à une collègue de travail à la rigueur, mais pas à sa mère. Et quand elle m'a répondu, très étonnée de ma réaction : "Non mais je t'ai expliqué pourquoi, de toute façon je n'ai plus de libido depuis quinze ans", je l'ai arrêtée direct en lui disant : "Non mais stop, je ne veux pas évoquer ce sujet-là avec toi. Je suis ta fille". Je pense que je n'aurais pas eu le courage de lui dire cela il y a quelques années, donc je suis plutôt contente d'avoir réussi à le faire.
Autre exemple : avant d'être complètement à l'ouest au téléphone comme c'est le cas ces dernières semaines, elle commençait déjà à yoyotter en ramenant toujours la conversation à elle quand je lui parlais de quelque chose. Et bien quand elle se lançait dans son monologue que je connaissais déjà par coeur et que je n'avais aucune envie d'entendre pour la millième fois, j'éloignais le téléphone de mon oreille et je la laissais débiter sa loghorrée verbale au plafond du salon. J'en ai parlé à ma thérapeute EMDR, qui m'a dit : "D'une certaine façon, en éloignant le téléphone de votre oreille vous éloignez votre mère de vous".
Aujourd'hui je ressens le besoin d'aller voir mon médecin pour lui parler de ma mère, mais d'une je ne sais pas trop ce qu'elle va pouvoir faire pour moi, elle n'est pas psy. Et de deux, je suis épuisée. Epuisée de pleurer. Epuisée de souhaiter la mort de ma mère puis d'avoir honte ensuite de penser ça, parce que sa voix est à nouveau normale et qu'au fond elle est juste malade. Je suis épuisée de ce yo-yo permanent entre angoisse et soulagement. Epuisée de ressasser sa maladie. Epuisée de voir que pendant que je vois des psys, que j'écris, que je fais ce gros travail sur moi pour essayer de ne pas transmettre le boulet familial à Alice, ma mère n'a jamais vu un psy de sa vie et préfère consulter sa copine "médium" qui s'empoche 60 euros pour lui dire ce qu'elle a envie d'entendre. Je suis épuisée d'être triste. J'ai la flemme de parler de ma mère. J'ai la flemme de pleurer. Tout ce que je veux, c'est que ça s'arrête.