C'est tout sauf un coup de tête. C'est le fruit d'une très longue réflexion, après de multiples interrogations et plusieurs changements d'avis : bientôt (inch'allah) j'aurai un tatouage.
Comme toutes les personnes réfractaires au tatouage, le côté définitif me fait peur : une fois le tatouage fait, adieu la jolie peau immaculée de bébé. Tu gardes le tatouage jusqu'à la mort, et même si tu le fais effacer, ta peau ne sera plus jamais comme avant. Plus jamais. Pour moi c'est un deuil à faire (moquez-vous si vous voulez, c'est ce que je ressens ^^)
Quand j'avais 5 ans et que j'ai demandé à ma mère de me faire percer les oreilles, je me souviens m'être dit exactement la même chose : que je ne reverrais plus jamais mes lobes sans trou. On était dans un magasin du centre ville de Rennes, j'ai regardé mes lobes de bébé dans un miroir, et du haut de mes 5 ans, je leur ai dit adieu.
Une fois la décision prise de me faire tatouer, il a fallu choisir le motif. Je voulais un symbole fort. Quelque chose qui me représente, qui me rappelle tous les jours qui je suis et d'où je viens. J'ai d'abord pensé à l'autisme, puisque je suis en plein parcours pour me faire diagnostiquer. Pourquoi ne pas me faire tatouer le ruban de l'autisme, étant donné que je souhaite afficher ma différence avec fierté et enfin relever la tête face aux gens qui ne me comprennent pas, et face à cette société que ma différence dérange.
J'ai ensuite pensé à la résilience : comme j'ai déjà commencé à en parler ici (et je n'ai pas fini d'ailleurs ^^), j'ai été victime de violences. Mon père a été violent. Il m'a rabaissée et humiliée pendant des années. L'un de ses amis m'a agressée physiquement. Un mec m'a enserrée de force et m'a tripotée dans ma cage d'escalier quand j'avais 19 ans. Ma mère m'a frappée. Ma mère m'a dit « ta gueule ». Je l'ai vue s'alcooliser sous mes yeux pendant des années. Je l'ai vue cracher du sang, tomber dans les pommes et saigner du nez parce que ses varices oesophagiennes avaient éclaté à cause d'une cirrhose du foie. Certaines institutrices et ATSEM de mon école maternelle m'ont mal parlé et/ou m'ont tapé violemment sur la main parce que je ne dormais pas. J'ai été victime de harcèlement scolaire jusqu'à l'âge de 18 ans. J'ai dû encaisser des insultes, des cris de cochon, des bruits de flatulence et des sobriquets humiliants. Des camarades de lycée se sont moquées de moi parce que j'étais différente, entraînées par l'effet de groupe et par le fait que j'étais une cible facile.
Bref, j'ai grandi dans la violence. J'ai dû me construire dans la violence. Mais je suis toujours debout. Abîmée, fragilisée, avec une confiance en moi quasi nulle et perdant tous mes moyens dès que quelqu'un me déstabilise (il a fait du beau travail le paternel ♥), mais debout. Et c'est ça que je voudrais me faire encrer (ancrer?) dans la peau.
Le truc, c'est que je suis très difficile. Il y a des tatouages que je trouve jolis sur les autres, mais sur moi ce n'est pas possible. Je ne veux pas de tête de mort. Je ne veux pas de truc kitsch comme une fée, une libellule ou un machin de couleur moche. Je veux du joli et du sobre, un peu comme moi (en toute modestie :D).
J'ai cherché des tattoos sur le thème de la résilience, mais je n'aime ni les phénix, ni les abeilles, ni les marguerites, ni les arbres, ni les roseaux, ni les trucs en toutes lettres. J'ai cherché comment s'écrivait « résilience » en kanji (je suis attirée par l'Asie et par le Japon en particulier), mais vu la fiabilité de Google je me serais retrouvée avec le mot « vide-ordures » tatoué sur le bras.
J'ai fini par trouver un dessin celtique qui symbolisait la force, et là j'ai dit banco. J'ai imprimé le motif, j'ai cherché un salon de tatouage près de chez moi avec des avis positifs et un catalogue digne de ce nom (vive Instagram), et j'ai téléphoné hier pour prendre rendez-vous.
Bon, je sais que les délais sont très très longs, et le Covid n'a pas arrangé les choses. Pas sûr que le tatouage soit fait avant 2022. ^^
Une connaissance m'a dit « fais attention, quand on commence les tatouages on ne peut plus s'arrêter. Moi j'en ai quatorze ! » Et en effet je pense déjà au suivant. Il y a longtemps que je souhaite me faire tatouer le prénom de ma fille, mais je n'ai pas (encore?) trouvé l'endroit où le faire, ni le style d'écriture. J'ai pensé à un hommage à Alice Madness Returns mais cela va me demander une loooongue réflexion. Et l'idée du ruban de l'autisme me trotte toujours dans la tête ; par contre je pense le faire plutôt en noir et blanc. Bref ce ne sont pas les idées qui manquent. A suivre :-)