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Le blog de Dawn Girl
10 juillet 2022

Violence(s) - dernière partie

C'est une énième "boutade" de ma mère, ainsi qu'un post Instagram d'une personne victime de grossophobie, qui m'ont poussée à prendre la plume aujourd'hui. Ce post, je l'ai depuis longtemps en moi. Il ne demande qu'à être écrit, il a besoin d'être écrit. Je le fais pour moi, je le fais pour ma fille. Je le repousse depuis trop longtemps. L'appréhension de cet article m'a fait procrastiner, car je savais que ce serait la partie la plus difficile à écrire sur toute ma série consacrée à la violence. Mais le moment est venu de mettre fin à cette procrastination. Alors allons-y : parlons de ma mère. De ses névroses. De ses problèmes qu'elle ne regardera jamais en face. De notre relation dysfonctionnelle. De sa toxicité. Pour la première fois aujourd'hui, je l'ai formulé mentalement : ma mère est toxique.

Comme vous le savez déjà, elle m'a élevée seule à partir de l'âge de 22 mois. Elle a fait ce qu'elle a pu, avec les moyens qu'elle avait. Elle a fait des erreurs, mais elle ne les admet pas car comme elle trimait à faire des boulots de merde pendant que mon père était barré quelque part entre la Dordogne et la Martinique, elle estime que cela lui donne l'immunité diplomatique. Je t'ai élevée seule, donc tu fermes ta gueule. Ton père, tu lui dis quelque chose, à lui ? Il est bien tranquille depuis 30 ans et il n'a jamais payé un rond pour t'élever. Moi j'ai tout sacrifié pour toi. Je t'ai donné toutes les clés pour réussir. Donc tais-toi.

Voilà en résumé, la mode de fonctionnement de ma mère : culpabilisation, victimisation, invalidation de mon ressenti. Je n'ai pas le droit d'être blessée. Je n'ai pas le droit de lui dire qu'elle a fait de la merde parfois, sinon je vais me prendre un : "et ton père alors ?" Alors que ça n'a strictement RIEN A VOIR putain de bordel à queue. Ce n'est pas parce qu'il a été maltraitant que cela la dédouane de ses torts à elle. Ce n'est pas parce qu'elle a fait ce qu'elle a pu pour m'élever, qu'elle n'a rien à se reprocher. Je ne lui ai jamais demandé de "tout sacrifier" pour moi ; au contraire cela m'a étouffée plus qu'autre chose. On a été pendant 25 ans en vase clos, elle, sa dépression, son alcoolisme et moi-même. J'étais asphyxiée là-dedans. Et les rares fois où j'ai essayé d'en parler à mon père, il m'a claqué dans la gueule un : "C'est de ta faute, tu parles mal à ta mère." BIM.

Quand je lui disais qu'elle m'étouffait, elle me rétorquait : "Bah moi j'avais des parents qui n'en avaient rien à foutre, c'est ça que tu veux ?" Et je pense que cette réponse résume à elle seule un gros noeud du problème : elle ramène toujours tout à elle. Un jour où j'ai osé lui dire (très maladroitement je l'admets) qu'elle avait gâché mon enfance et mon adolescence, elle m'a répliqué qu'à 14 ans je lui jetais des regards noirs et que j'avais des mots très durs envers elle, et qu'elle avait l'impression que je ne l'aimais pas. (quand je pense qu'Anne-Sophie Faucheur a tenu les mêmes propos concernant la pauvre petite Typhaine Taton qu'elle a maltraitée jusqu'à ce que mort s'ensuive, ça fait froid dans le dos). Bref de l'insécurité, encore et toujours, alors que j'étais une adolescente victime de harcèlement scolaire et de maltraitances paternelles. Plutôt que se poser en victime de sa méchante fille, est ce que ce n'est pas le rôle d'un parent de chercher pourquoi un tel mal-être et de se demander si on n'a pas une part de responsabilité là-dedans ? C'est aussi ça que j'ai beaucoup de mal à accepter et qui me met encore en colère aujourd'hui : j'avais besoin d'un pilier. J'avais DROIT à un pilier. A la place j'avais une pleureuse.

Un autre jour où j'ai prononcé le mot "maltraitances" en parlant de mon père, elle m'a dit : "Bah oui, il faisait ça pour me faire chier". NON. J'ai été maltraitée. Reconnais mes maltraitances, et arrête de te les approprier. On parlera de toi après si tu veux, mais c'est un autre sujet.

Ma mère, tout comme moi et comme une immense majorité de personnes ici-bas, avons été élevées dans la masculinité toxique ambiante. Dans la violence banalisée. Dans les moqueries sur le physique qu'on finit par accepter parce que bon, c'est de l'humour quoi. On a été élevé au milieu d'hommes à qui on n'a pas posé de limites dans leur manière de traiter leurs femmes et leurs filles, et de femmes qui se sont habituées à cette violence ordinaire au point de l'approuver et de la reproduire.

Ma mère et l'une de ses soeurs se sont mises dans une rivalité malsaine dont j'ai payé les pots cassés (j'en ai parlé précédemment). Ma mère s'est ensuite mise en couple avec mon père, qui lui-même était un névrosé de première et dont j'ai également payé les pots cassés. J'ai passé ma vie à subir des moqueries et des remarques sur mon prétendu surpoids, sur ma prétendue maladresse physique, tout ça pourquoi ? Parce que mes parents étaient en fait un petit garçon blessé et une petite fille blessée qui ont engendré un enfant sans avoir au préalable réglé leur Oedipe. Ils ont déversé leurs problèmes d'enfance sur leur enfant qui n'avait rien demandé. Et comme ils ne demanderont jamais pardon à leur enfant, cet enfant blessé (moi) essaie lui-même de limiter les dégâts pour ne pas transmettre cet "héritage" à son propre enfant (Alice), qui n'a rien demandé non plus.

Ma mère trouve tout à fait normal que mon père lui ait mis une claque quand elle était enceinte de moi, parce qu'elle était soi-disant insupportable pendant la grossesse. Elle trouve tout à fait normal que son paternel lui ait mis des gifles, parce qu' "une claque ça n'a jamais tué personne". Ma mère rigole quand elle raconte que les bonnes soeurs de son école lui couraient après pour lui en coller une. Elle arrive à comprendre Jonathan Daval ou Bertrand Cantat, parce que "quand quelqu'un te pousse à bout et que t'as juste envie qu'il se taise, tu peux péter les plombs et avoir un geste malheureux. En plus Alexia Daval avait l'air d'être une sacrée c**** et Marie Trintignant avait un pète au casque". Bref elle légitime les féminicides, et après elle se dit féministe... Ma mère refuse d'entendre que ses hurlements au téléphone avec mon père m'ont traumatisée quand j'étais petite, parce que mon père la "poussait à bout" et que je ne me rends pas compte de ce que c'était. Quand j'avais 2 ans et qu'elle m'emmenait au parc, elle se cachait derrière un arbre pour voir mon petit visage paniqué la chercher et appeler "maman" (elle a même pris une photo de ma peur un jour tellement c'était drôle). Elle trouve tout à fait normal que je me sois pris des remarques grossophobes quand j'étais petite ; elle les encourageait même parce que c'était "pour mon bien". D'ailleurs ma mère m'appelait "ma grosse" quand j'étais enceinte. Par humour bien sûr.

Ma mère n'est pas choquée par le fait que mon père ait laissé son meilleur ami m'agresser physiquement quand j'avais 6 ans et qu'il était bourré (il m'a forcée à lui faire un bisou, j'en avais parlé dans un post), parce que "bah ton père surveillait dans le rétroviseur si ça ne dérapait pas" (LOL). Ma mère m'a obligée à porter l'une de ses broches de luxe à l'âge de 9 ans afin que la compagne de mon père constate qu'elle avait de beaux bijoux, puis m'a ensuite engueulée comme du poisson pourri quand la broche a été perdue. Elle m'a obligée pendant des années à faire des bisous pour dire bonjour à des inconnus, pulvérisant ainsi chez moi toute notion de consentement et me rendant plus vulnérable face à d'éventuelles agressions sexuelles. Elle m'a incitée à porter une de ses bagues à 1500 euros devant mes anciens patrons, avant de la reprendre sans rien me dire quand elle l'a retrouvée dans la poche de mon manteau et me laisser ainsi me taper une nuit d'insomnie parce que je pensais avoir égaré sa putain de bague. Quand j'ai accouché, j'ai été contrainte d'envoyer plusieurs faire-part à des amies à elle, comme si Alice était son bébé et non le mien. Aujourd'hui encore je m'en veux de ne pas l'avoir envoyée paître à l'époque.

Un jour où j'avais environ 2 ou 3 ans, elle m'a prise en photo juste après m'avoir collé une baffe (sur la photo je me tiens la joue et j'ai un regard de détresse). Mon visage me cuisait tellement que je l'ai appuyé contre le cuir frais du canapé, et hop photo numéro 2 prise par ma mère, avec sa bambine frappée qui rafraîchit sa joue comme elle le peut. Je me suis jurée une chose : quand ma mère sera morte, je cèderai les droits de cette photo et elle sera placardée sur tous les panneaux d'affichage de France et de Navarre dans le cadre d'une campagne contre les VEO. Si je meurs avant, c'est Alice qui le fera. Et si Alice meurt avant, je demanderai à une autre personne de le faire. Je m'en suis fait le serment et je m'y tiendrai, d'une façon ou d'une autre. Comment ma mère a-t-elle pu ne pas culpabiliser en voyant ce regard ? Comment a-t-elle pu continuer à dire qu'une claque "ça fait circuler le sang ?" Comment a-t-elle pu ne jamais me demander pardon ? Elle n'a aucune conscience des marques indélébiles qu'elle m'a laissées, au même titre que mon père m'a laissé des marques indélébiles avec ses mensonges et ses moqueries. En plus, tout cela n'a même pas servi à guérir leurs névroses puisqu'ils sont tout aussi névrosés qu'avant. Ils ont juste fragilisé une vie supplémentaire.

Evidemment tout ceci n'est pas sans conséquence sur Alice. Ma pauvre Alice sur qui j'ai hurlé parfois, Alice à qui il m'arrive encore de sortir des expressions que me sortait ma mère quand j'étais petite alors qu'elles m'ont tellement blessée : "Tu m'énerves"... "T'es fatigante" ou encore "Tais-toi !". Alice qui paye malgré elle (et malgré moi) un peu du fardeau familial que je porte sur mes épaules. Alice avec qui j'essaye de compenser en lui apprenant à exprimer ses émotions et à refuser les contacts physiques dont elle n'a pas envie, et à qui je commence déjà à inculquer le fait que les filles sont aussi fortes que les garçons. Je ne veux pas que son patron lui pose la main sur la cuisse sans son consentement. Je ne veux pas que son mari lui demande d'arrêter de travailler. Je ne veux pas qu'elle se sente obligée de s'épiler ou de porter un soutien-gorge si elle n'en a pas envie. Je ne veux pas qu'on lui demande de se cacher si elle souhaite allaiter son bébé. Et surtout, je ne veux pas qu'elle porte le poids des névroses de ses ancêtres comme moi je les porte. J'ai déjà réussi à ne pas reproduire le schéma des parents toxiques pour elle, et ça c'est déjà une grande victoire dont je suis fière.

end with me

Je la vois, si petite et si rayonnante, et je ne comprends pas comment on peut maltraiter son enfant et ensuite dormir sur ses deux oreilles. Je ne comprends pas comment on peut gifler sa fille de 3 ans et la prendre en photo. Je ne comprends pas comment on peut faire croire à sa fille de 2 ans qu'elle est perdue dans un parc, (même si "c'était juste pendant quelques secondes rholala"), puis la prendre en photo et lui raconter cette anecdote plus tard comme si c'était quelque chose de trop choupi. Je ne comprends pas comment on peut parler de régime à sa fille alors qu'elle est en pleine construction identitaire.

Je ne doute pas un seul instant que ma mère m'aimait (ce qui n'était pas le cas de mon père ; il ne sait pas ce que le mot "aimer" veut dire). Elle m'a maltraitée parce qu'elle était dépressive, parce qu'elle avait un mal-être profond dû à un manque d'amour de ses parents. Ca, je peux l'entendre. Par contre, ce que je ne peux pas entendre ; ce que je refuse catégoriquement d'entendre, c'est qu'elle n'est responsable de rien. Je refuse d'entendre que seul mon père est méchant et que je n'ai pas souffert à cause d'elle. Je refuse d'entendre que j'avais tout pour réussir. Je refuse d'entendre que je n'ai pas le droit de me plaindre et que je dois juste fermer ma gueule. Je refuse d'entendre qu'elle s'enfermait dans sa chambre pour boire sa piquette parce qu'elle avait l'impression que je ne l'aimais pas. Ce que je veux entendre, c'est : "Je suis désolée. J'ai fait ce que j'ai pu. J'ai fait des erreurs. Je sais que je t'ai fait du mal et que je n'ai pas été le pilier dont tu avais besoin. Je regrette de t'avoir frappée. Je regrette de t'avoir crié dessus. Je regrette de t'avoir laissée me chercher dans le parc, tu étais si petite. Je n'aurais jamais dû prendre ces photos. Je suis désolée pour les remarques grossophobes que tu as reçues dans ton enfance. Tu n'es pas responsable de la jalousie de ma soeur envers moi, ni de mes problèmes, ni de ma dépression ni de mon alcoolisme. Tout ça, ce sont des histoires entre moi, mes parents et ton père. Toi tu n'as rien à voir là-dedans. Je suis désolée de t'avoir laissé entendre le contraire. Je suis fière que tu aies réussi à construire une vie équilibrée malgré tout cela. Tu es très forte. Ta capacité de résilience est admirable. Je suis fière de toi". Malheureusement, ces mots-là, je crains de ne jamais les entendre. Peut-être qu'elle les pense, mais elle ne les verbalisera jamais. Il faut savoir que ma mère ne s'est jamais excusée pour quoi que ce soit depuis 38 ans, même pour un truc à la con. Jamais. Alors qu'elle le fasse un jour pour des choses aussi intimes et aussi douloureuses, relève clairement de la science fiction. Et si j'aborde le sujet un jour, elle me rétorquera certainement que c'est plutôt à moi de m'excuser pour lui avoir mal parlé le 27 mai 1997. Or je n'ai pas envie de gaspiller mon temps et mon énergie pour un dialogue de sourds qui ne mènera à rien. Je tente donc moi-même de tenir ces propos maternels à mon propre enfant intérieur. Une tâche douloureuse et moins efficace que si c'était ma mère qui le faisait, mais c'est mieux que rien.

Le point de vue de ma mère est totalement différent. Pour elle, je n'ai pas le droit de me plaindre, parce que ELLE a été en couple avec mon père qui était con. ELLE a fait une très longue dépression. ELLE m'a élevée seule et elle n'a reçu aucune médaille pour cela, ce qu'elle trouve profondément injuste. Elle ne comprend pas pourquoi tout le monde trouve normal qu'elle m'ait élevée seule, et que personne (surtout moi) n'ait crucifié mon père parce que LUI, il s'en est sorti les mains propres sans jamais débourser un seul centime pour sa pension alimentaire. Elle ne comprend pas pourquoi j'aurais quoi que ce soit à lui reprocher alors qu'elle a tout fait pour que je ne manque de rien. Elle nie que j'ai été maltraitée. Elle nie qu'elle a fait des erreurs. Elle nie mon statut de victime co-dépendante de son alcoolisme. Elle nie le fait que c'était impossible de réussir mes études en vivant en vase clos avec une mère alcoolique couchée dans son lit la plupart du temps et qui m'étouffait avec son inquiétude permanente et sa putain d'immaturité affective. Elle ne comprend pas que j'avais besoin d'un PARENT, et non d'une petite fille blessée pour m'éduquer. Elle ne comprend pas que mon père c'est une chose, et qu'elle c'en est une autre. Elle ne comprend pas que les fautes de l'un n'effacent pas les fautes de l'autre. Elle ne comprend pas que couper les ponts avec mon père a été ma première décision d'adulte pour sauver ma peau (cela ne l'a pas satisfaite, elle aurait préféré que je le fasse jeter en prison à sa place ou que je le bute). Elle ne comprend pas que NON, m'occuper d'elle n'était pas dans mes attributions. C'est elle qui devait s'occuper de moi, et non pas m'exposer ses relations dysfonctionnelles avec ses parents ou ses mecs successifs, ou encore ses problèmes d'argent. Elle ne comprend pas que j'ai le droit de m'en foutre de ses histoires de pension alimentaire ou d'histoire d'amour ratée avec mon père. Tout cela ne me regardait pas. Elle ne comprend pas qu'elle n'avait pas le droit de se servir de moi comme d'un instrument de vengeance. Elle ne comprend pas qu'elle m'a privé du droit d'être une enfant et que ce n'est pas normal.

Bref, elle a tellement baigné dans la violence qu'elle m'a élevée dedans aussi. Tout le monde a droit à l'erreur, mais non seulement mes parents-bourreaux ne me demanderont jamais pardon, mais en plus le fait qu'elle nie ce que je ressens me donne envie de crier dans un oreiller jusqu'à m'en péter les cordes vocales. Aujourd'hui encore elle m'a traitée de "nigaude" (sur le ton de la plaisanterie bien sûr), parce que je n'arrivais pas à faire un truc. Si je prends mal cet "humour", c'est parce que je suis susceptible ; jamais elle n'admettra qu'elle est blessante et qu'elle n'a pas à dire cela, que ce n'est pas ça l'humour. Cette voie sans issue est à devenir fou.

J'en suis donc arrivée à cette conclusion : ma mère est toxique. Et quand elle mourra, même si je serai très triste, même si je pleurerai des hectolitres de larmes sur toute cette vie gâchée, même si c'est un moment que je redoute, je serai soulagée. Je n'aurai plus ce poison insidieux qui menace de se déverser si elle décide de me partager ses pensées négatives ou de faire de l' "humour".

B. serait horrifié de lire tout cela. Je sais que je vais choquer des gens ici. Mais c'est la vérité. Ma mère dit elle-même que ses parents étaient pesants et que leur mort a été une libération ; ce sera pareil pour moi.

Bien entendu je ne peux m'empêcher de culpabiliser en écrivant cet article, car je sais que ma mère a des circonstances atténuantes ; que la dépression et l'alcoolisme sont des maladies et qu'au final, elle est responsable mais pas coupable. D'autre part, il y a des jours où elle est normale, où on peut discuter normalement et où elle me soutient dans mes choix ; et ces jours-là me font presque regretter de retenir ceux où cela se passe mal. Ceci étant, ce n'est pas normal de souligner que ma mère est parfois normale, tout comme ce n'était pas normal dans mon enfance de calculer qu'elle ne m'avait pas mis de claque depuis tant de jours / semaines / mois. La normalité ne doit pas se remarquer, c'est la norme et puis c'est tout. Il était de sa responsabilité de parent de faire en sorte que son passif ne me retombe pas sur la gueule façon mur de briques. J'en voudrai toujours à mes parents de m'avoir privée de l'insouciance à laquelle j'avais droit en tant qu'enfant. Je leur en voudrai toujours de m'avoir traitée comme une mini-adulte ; j'avais bien le temps d'être une adulte plus tard. Je leur en voudrai toujours pour ce regard triste que j'ai sur les photos à partir de l'âge de 3-4 ans. Voir une telle différence avec les photos plus anciennes me saute à la figure et me brise le coeur à chaque fois que je les regarde. Je leur en voudrai toujours pour ces troubles du comportement alimentaire que je traîne encore aujourd'hui à presque quarante ans, et que je traînerai jusqu'à ma tombe. Je leur en voudrai toujours de ne pas m'avoir aimée de manière inconditionnelle. Quand on aime son enfant, il n'y a pas de "mais". Jamais. Pas de "oui mais si tu perds quelques kilos". NON. Tu t'en branles que ton enfant pèse 50 ou 150 kilos, tu l'aimes point. Tu fais bloc face à l'adversité. Tu envoies chier les grossophobes, les validistes et tous les comportements toxiques. Tu fais ton job de parent et tu gardes tes blessures narcissiques pour ton psy. Ton enfant est étranger à tout cela.

 

moi

Ce que j'aimerais dire aujourd'hui à cette petite fille sur la photo, c'est qu'elle n'a rien fait de mal. Qu'elle n'est ni grosse, ni moche, ni empotée, ni susceptible. Qu'elle est juste entourée d'adultes qui ont des problèmes d'adultes. Que c'est normal qu'elle ne comprenne rien à ce qu'ils disent, parce qu'ils lui parlent de choses d'adultes et qu'elle n'est pas une adulte. Que ces adultes devraient aller voir un docteur parce qu'ils sont malades. Que c'est normal d'être triste si un adulte dit une chose méchante, même si c'est "pour rire". Qu'on ne traite personne de gros ou de moche pour rire. Que quand on gifle son enfant ou qu'on lui dit qu'il devrait maigrir, c'est de la maltraitance. Que rien n'est de sa faute. Qu'elle est forte. Qu'elle va y arriver. Que tous ces adultes seront punis pour avoir été méchants avec elle, même si c'est dans très longtemps. Qu'elle aura aussi une petite fille un jour, et qu'elle lui apprendra à dire non à la violence. Qu'elle brisera le cycle. Qu'elle cessera un jour d'occuper la place de "grosse" que son propre entourage lui a assignée ; qu'elle occupera la place qui est la sienne même si cela doit lui prendre toute la vie.

S'il faut tirer du positif à tout cela, c'est que toute cette violence m'a fait devenir la personne que je suis aujourd'hui, à savoir une personne empathique à l'extrême et qui essaye toujours de voir le bien chez les autres. Je me dis souvent que si j'avais été aimée d'une manière normale, j'aurais été une connasse sans coeur. Que les coups que je me suis pris dans la gueule m'ont rendue meilleure. Il n'est bien sûr pas question de remercier mes bourreaux, mais simplement de constater que leurs violences ne m'ont pas rendue maltraitante. Au contraire, plutôt que faire payer aux autres le mal qu'on m'a fait, je préfère faire du bien aux personnes qui le méritent (bon quelquefois je me plante comme avec ma traîtresse de collègue Mylène mais ce n'est pas grave, c'est en faisant des erreurs qu'on apprend à ne plus les faire).

Désolée si cet article est décousu et répétitif, je l'ai écrit quasiment d'une traite. J'avais besoin de poser ces mots-là ici et maintenant. Je ne veux plus que quiconque minimise les violences intrafamiliales, et surtout pas celles que j'ai subies. Je suis une victime, même si ma mère refuse de l'admettre. Et même si elle a fait comme elle a pu, moi je fais également comme je peux avec mon autisme et ces violences multiples que des adultes malades m'ont fait subir ; ces mêmes adultes qui étaient censés me protéger et m'aimer de manière inconditionelle.

J'ai aussi écrit cet article pour Alice, pour qu'elle le lise un jour et qu'elle comprenne par quoi je suis passée avant de devenir sa maman. J'espère que la maman a réussi à prendre le pas sur la petite fille blessée, car c'est la première et non la deuxième qui doit élever Alice.

Je termine en vous partageant le texte d'une personne que je suis sur Instagram, qui a le même âge que moi et qui est malheureusement toujours victime de son père abusif. Ses mots résonnent en moi à un point que vous ne pouvez imaginer.

PS : après avoir écrit les dernières lignes de cet article, la chanson "Les dingues et les paumés" de Hubert-Félix Thiéfaine est venue spontanément me trotter dans la tête alors que je ne l'ai pas écoutée depuis plusieurs mois. Et non seulement le thème de la chanson se prête au sujet, mais en plus c'est la deuxième femme de mon père qui m'a fait découvrir Thiéfaine. Il n'y a pas de hasard :-)

a nos etoiles

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Commentaires
Z
Waouh cet article est... les mots sont impuissants à réconforter parfois mais cet article est rempli de mots justes et le travail que tu as fait sur toi pour dépasser cette condition est juste incroyable. Tu es quelqu'un de bien et tu ne t'es pas contentée de reproduire. Tu t'es posée des questions, tu as cherché, tu as travaillé sur toi et tu as avancé. Tu es meilleure que tes parents, sois-en certaine. Tu as eu beaucoup de courage d'être différente car c'est tellement plus facile de reproduire.<br /> <br /> Tu peux être fière de toi. Et même si tu fais des erreurs avec Alice (ce qui au fond est normal), Alice sera quelqu'un de bien grâce à toi. <br /> <br /> Pour ta maman, elle est dans un tel déni qu'elle ne peut pas s'excuser car tout simplement pour elle, il n'y a rien n'a pardonner. Pour pardonner, il faut accepter d'avoir fait du mal à l'autre...<br /> <br /> Tes mots sont si terribles mais on y lit aussi une telle force, une telle résilience.
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