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Le blog de Dawn Girl
17 février 2020

Violence(s) - Partie 2

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Après avoir traité de la violence de mon père dans la première partie, je vais maintenant parler de la violence que j'ai subie à l'école maternelle. Dans la troisième partie, je parlerai du harcèlement scolaire dont j'ai été victime, et la quatrième et dernière partie sera consacrée à la violence de ma mère et aux violences éducatives ordinaires (de loin la partie la plus difficile et la plus longue à écrire...).

Avant de commencer, je tiens à préciser que l'objectif de cette série d'articles n'est nullement de me faire plaindre et /ou de prétendre que j'ai eu une enfance horrible. J'ai conscience qu'il y a des enfants qui sont battus, violés, placés en foyer, qui ne mangent pas à leur faim etc, et qu'à côté de ces enfants-là j'ai eu de la chance. Mais comme je l'expliquais dans la première partie, j'ai eu récemment une réelle prise de conscience ; j'ai réalisé que la violence avait toujours été présente dans ma vie et continuait de m'influencer dans ma vie de maman. C'est pour cette raison que j'ai ressenti le besoin de remonter le fil de l'histoire, afin de réconforter l'enfant en moi (qui a grandi, mais qui est toujours là) (et c'est aussi pour cela que je mets beaucoup de photos de moi petite). Il y a 2 ans, pendant une séance d'hypnose, la thérapeute m'a demandé de me visualiser bébé, avec quelqu'un de bienveillant qui me prenait dans ses bras. Cela a ouvert la première porte vers tout le travail que je suis en train de faire.

1986, j'ai 2 ans et demi. Je vis avec ma mère chez mes grands-parents ; nous occupons le premier étage de la maison. Elle fait des petits boulots pour subvenir à mes besoins. En opposition avec sa propre scolarité qui s'est presque intégralement déroulée dans des écoles privées tenues par des sœurs et par des prêtres, elle a décidé de m'inscrire à l'école publique, histoire que je ne me fasse pas tripoter par le Père Machin comme ce fut le cas pour certaines de ses copines.

Autant le dire tout de suite ; mon école n'avait rien de maternel. J'en garde globalement un très mauvais souvenir, et aujourd'hui, trente ans après l'avoir quittée, je ressens encore un certain malaise quand il m'arrive de passer devant. L'affreux dessin gris sur la façade pourrait être baptisé « Angoisse ». Ce n'était pas une école maternelle. C'était une école de merde.

Je me rappelle très bien de la tête de la directrice, des institutrices et des ATSEM. Je me rappelle même de leurs prénoms. Des vieilles chouettes mauvaises comme des teignes qui, Dieu merci, n'ont plus rien à voir avec les institutrices d'aujourd'hui. Elles n'avaient aucune bienveillance, aucune empathie. Aucune patience. Aucune compétence pour s'occuper d'enfants en bas âge. Une seule personne était gentille dans cette école : Alice. La femme de ménage de l'école, qui, accessoirement, avait également été la nourrice de ma mère. Un rayon de soleil.

Alice. Rien que son prénom respirait la douceur. Elle portait une blouse rose ; je crois que c'est pour cette raison que le prénom Alice m'a toujours évoqué la couleur rose. Elle avait toujours le sourire, et toujours un mot gentil pour nous (j'ai les larmes qui coulent rien qu'à l'écrire, damn). Il me suffisait juste de la voir nettoyer les vitres pour que ma journée soit un peu plus gaie. Elle était juste là, pas loin, et cela me rassurait. Elle a malheureusement pris sa retraite quand j'étais en moyenne section ; j'ai été vraiment triste de ne plus la voir. Je pense qu'il y a un peu d'elle dans le fait que ma fille s'appelle Alice.

Rassembler de manière structurée des souvenirs qui remontent à plus de trente ans est une chose relativement compliquée. Je ne peux qu'évoquer des flashs plus ou moins nets, tels qu'ils me reviennent en mémoire : les deux cours de récréation avec leurs trois bancs pour s'asseoir (un vert, un bleu, un rouge). L'espèce de cage en fer ou certains enfants s'amusaient à se suspendre la tête en bas. Les institutrices qui tapaient dans leurs mains pour nous signifier que la récréation était terminée. Les cheveux blonds et courts de la directrice qui ont fait une magnifique raie au milieu à cause d'une rafale de vent qu'elle s'est prise un jour dans le dos. Son regard méchant et son visage qui ne souriait jamais. La tête de Maure collée à l'arrière de sa voiture. L'index qu'on devait laisser posé sur notre bouche quand on marchait en rang.

La cantine où cela s'est tellement mal passé... Un jour, ils étaient en train de servir des haricots verts ; je me suis sentie très mal et j'ai vomi sur la table. On m'a mise dehors. Cet endroit m'angoissait. Manger m'angoissait. Je suppliais ma mère de ne pas me laisser manger à la cantine. C'était viscéral. Au bout de quelques jours (qui m'ont semblé durer dix ans), j'ai fini par rentrer déjeuner chez moi tous les midis. Plus de cantine. Ouf.

Ce jour où une ATSEM m'a tapé violemment sur la main. Je n'ai pas compris. J'étais juste assise sur mon matelas de sieste. Je ne disais rien, je ne faisais rien, et elle m'a tapé sur la main. Elle passait son temps à m'engueuler parce que je ne dormais pas, mais est ce que j'y pouvais quelque chose si je n'avais pas sommeil ? Je ne faisais pas de bruit, mais il faut croire que cela la dérangeait quand même. Vlam. Une tape cinglante sur la main.

Il y a eu pire : mon institutrice de grande section qui a mis plusieurs baffes à un élève. Des vraies baffes, comme celles que ma mère me donnait. Quand elle le frappait, il rigolait; ce qui me fait penser que hélas, le pauvre garçon devait recevoir des gifles chez lui aussi.

Un autre jour, je me suis arraché le menton en tombant dans la cour. Bien entendu, personne n'est venu m'aider (les maîtresses devaient être occupées à boire leur café je suppose). Je suis entrée seule dans l'école pour chercher de l'aide. Et bien tout ce que j'ai récolté, c'est de me faire littéralement incendier par mon ancienne instit qui était en train de danser avec ses élèves sur « Gugusse avec son violon » (cette chanson me fera toujours penser à ce jour-là). Je n'oublierai jamais son : « BON, ça va durer longtemps ??? » parce que j'étais passée au milieu de ses élèves avec mon menton en sang. Elle m'a dégagée manu militari en hurlant « Allez, du balai ! », sans se soucier de rien, à part de sa chorégraphie de merde.

Inutile de dire que j'ai passé l'après-midi en classe sans que personne ne me soigne le menton. J'avais atrocement mal ; je ressentais un mélange de brûlure et de fourmillements. Le soir, ma grand-mère m'a acheté un Kinder Circus orange avec des petits œufs en chocolat. Par la suite, j'ai toujours associé les Kinder Circus avec mon menton arraché.

Les journées à l'école étaient interminables. Je m'ennuyais et je ne me sentais pas « maternée ». Pourtant j'en avais besoin. Je garde une répulsion absolue pour le pain-compote, le beurre de cacao et les pommes cuites ; le goût et l'odeur me rappellent l'école maternelle. Jamais je n'en remangerai. Je préfère crever de faim que de manger ça.

Je pense que ce genre de situation ne pourrait plus se produire aujourd'hui. Les parents auraient porté plainte, les instits se seraient fait muter à Trifouillis les Oies, la directrice à l'hospice et cela aurait été bien fait pour elles. Je sais qu'à notre époque il y a des parents casse-bonbons qui s'énervent parfois à tort alors que les instits font bien leur boulot, mais dans le cas de mon école maternelle il y avait clairement maltraitance.

Ma mère savait que cela se passait mal. Elle regrette aujourd'hui de m'avoir mise là-bas ; elle se justifie en disant : « C'était l'école la plus proche de chez papy et mamie » ; « J'étais très jeune, je ne me rendais pas compte », etc etc... Je ne lui en veux pas. Elle n'y est pour rien si cette école était pourrie.

Evidemment, tout cela est remonté inconsciemment quand Alice est entrée à l'école maternelle. Tous les enfants angoissent, tous les parents angoissent, mais moi j'ai angoissé deux fois plus. Vingt fois plus. Parce qu'en voyant Alice à l'école maternelle, je me revoyais à l'école maternelle. J'avais peur (et j'ai toujours peur) que l'école maternelle et la garderie lui évoquent des souvenirs d'angoisse quand elle sera plus grande. Je sais que c'est ridicule, mais je n'y peux rien.

Les premiers jours, quand la séparation était un peu compliquée le matin, j'ai raconté à Alice : « J'étais dans une école où les maîtresses étaient méchantes. Cela se passait mal. Mais toi, tu es dans une école où les maîtresses sont gentilles. Tout va bien se passer. Maman dans son école c'est une chose ; toi dans ton école c'est autre chose. Tu n'as pas à gérer les émotions de maman ». Avec le recul je me dis que j'ai peut-être eu tort ; que j'ai peut-être créé une angoisse là où il n'y en avait pas, mais le fait est que Alice aime bien aller à l'école.

Quand je dépose Alice à l'école le matin, je vois sa maîtresse commencer sa journée dans la classe, et je suis bluffée par la différence entre elle et les instits que j'ai connues. Quand un enfant pleure, elle lui parle doucement, elle le prend dans ses bras quand il y a besoin. Elle prend le temps. Elle a un côté autoritaire, mais elle sait être bienveillante quand c'est nécessaire. Et cela fait toute la différence.

A la fin de l'année, je compte lui offrir un dessin pour la remercier (que je ferai faire par une illustratrice étant donné que je ne sais rien dessiner). Je n'ai pas encore réfléchi au contenu exact de ce dessin (j'espère que l'illustratrice me guidera), mais je sais déjà que le mot « merci » y figurera. Ce "merci" contiendra beaucoup d'autres choses, même si elle ne le saura jamais. Merci d'avoir été douce et ferme à la fois. Merci d'avoir été bienveillante. Merci d'avoir pris ma fille dans vos bras quand elle était triste. Merci d'avoir redonné un sens aux mots "école maternelle". Merci de ne pas lui avoir demandé si ça allait durer longtemps. Merci de ne pas lui avoir tapé violemment sur la main. Merci d'avoir pris en compte les émotions des enfants. Merci pour tout.

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Commentaires
A
C'est "marrant" parce que j'ai connu quelque chose de similaire, pour ce qui est d'angoisser pour quelqu'un en se refaisant le film de sa propre vie. Quand ma sœur est entrée au collège, j'ai été hyper angoissée pour elle mais à un point horrible (nous avons 5 ans de différence)... tout ça parce que mon collège a été une épreuve de A à Z. Échec scolaire, moqueries quotidiennes des élèves de mon âge et des classes supérieures (on faisait des bruits d'animaux sur mon passage, on me piquait mon sac de cours pour aller le cacher ailleurs, des trucs du genre)... j'étais certaine que ma soeur allait vivre l'enfer alors que pour elle, tout était nickel (enfin, autant que l'époque du collège peut l'être). Mais avec un enfant, ce doit être décuplé ^^ <br /> <br /> <br /> <br /> L'école maternelle où tu étais était très très particulière...Poser l'index sur sa bouche, se faire engueuler parce qu'on ne dort pas... N'importe quoi ces gens ! C'est triste d'avoir eu de tels souvenirs ! A mon avis, en plus de tout cela, tu devais également être d'une sensibilité extrême de par ton caractère, raison de plus pour laquelle on aurait dû prendre soin de toi x1000.
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A
C'est suffoquant à lire. Heureusement qu'il y a eu (et qu'il y a toujours) des instits dont il s'agit d'une vocation. Taper sur un enfant qui n'arrive pas à dormir...mais quelle horreur.
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Z
C'est clair trop mignonne sur ces photos !! <br /> <br /> <br /> <br /> Mais mon dieu quelle horrible école... et je me suis faite la réflexion en arrivant sur ton blog que l'espèce de tag sur le mur sur la photo était profondément déprimant et angoissant pour une école...<br /> <br /> Ça explique parfaitement pourquoi tu as angoissé pour Alice et c'est carrément logique que tu aies ressenti ça.<br /> <br /> Très bonne idée le dessin comme cadeau de fin d'année pour la maîtresse :-)
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M
Qu'est ce que t'étais mignonne quand t'étais petite !!! (cette photo et celle d'avant, moua !!). On est à peu de choses prêt de la même génération, j'en ai bavé à l'école grave aussi (plutôt primaire pour moi), et comme toi je l'ai occulté ou on l'a minimisé pour moi pendant des année. J'ai 33 berges aujourd'hui et je suis en formation pour 8 mois (c'est bientôt fini !!!) dans le cadre de mon boulot de fonctionnaire à l'école de mon ministère. J'ai mis longtemps à comprendre que la boule au ventre que j'avais chaque matin en y allant sans comprendre pourquoi remontait à ces vieux souvenirs...étonnant, non ?
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