Pour ceux qui n'ont pas lu et/ou souhaitent lire ce livre, ne lisez pas la suite car je vais spoiler à fond. Pour les autres, vous allez très vite constater que j'ai été déçue par cette suite du Diable s'habille en Prada (mais je suis allée jusqu'au bout quand même).
Revenons en 2005 : cette année-là ta gueule Claude François, Lauren Weisberger a sorti son premier livre, intitulé "Le Diable s'habille en Prada". Ce livre a fait l'objet d'un film l'année suivante, avec Meryl Streep (excellente comme d'habitude).
Dans "Le Diable", on suit l'histoire d'Andrea Sachs, une jeune femme de 23 ans fraîchement diplômée, parachutée à New York en tant qu'assistante de Miranda Priestly, rédactrice en chef de Runway, THE magazine de mode qui surpasse tous les autres en matière de renommée et de prestige. Andrea est l'assistante junior de Miranda, c'est à dire tout en bas de l'échelle. Elle doit satisfaire toutes les demandes de Miranda, nombreuses, expéditives et quelquefois très difficiles à réaliser, tout cela au milieu de collègues qui ont toutes l'air de mannequins faméliques. Tout ce monde rase les murs devant Miranda, qui règne en tyran sur le magazine. La plus proche collaboratrice d'Andrea, Emily, promue assistante senior, ne manque pas de la traiter avec sarcasme.
Andrea, bien loin de ses rêves de journalisme, se donne pourtant à fond dans ce travail. En effet, elle sait qu'un an au service de Miranda lui fera gagner des années sur le plan professionnel. Mais, après avoir vu son couple partir à vau l'eau et sa meilleure amie sombrer dans l'alcool, elle envoie bouler Miranda en pleine Fashion Week, quelques jours seulement avant de finir son contrat. Grillée dans le milieu de la mode, elle tente de rebondir grâce à l'écriture.
Ce livre est, en version romancée of course, le récit de l'auteur lorsqu'elle était l'assistante d'Anna Wintour (bien qu'elle l'ait toujours nié). Il a été salué par la critique à l'époque. J'ai, pour ma part, bien aimé également. J'attendais donc avec impatience la suite de l'histoire, sortie en 2013 (nous y voilàààààà ! ^^).
A l'époque de la sortie de "Vengeance en Prada", j'avais vu que les critiques étaient plus que mitigées. Après l'avoir lu, je comprends mieux pourquoi...
Déjà, dès le début de la lecture, j'ai eu la surprise de constater que le récit était à la troisième personne. Non pas que je sois fan de la narration à la première personne (je n'aime pas trop ça, en fait), mais étant donné que Le Diable était à la première personne, ce changement, qui peut sembler un détail pour vous ta gueule France Gall, m'a vraiment déroutée. Ce détail, en fait, confirme mon avis général sur le livre : il manque cruellement d'authenticité.
Pour résumer ces 550 pages en quelques lignes (et spoiler je le rappelle, si vous continuez je vous aurai prévenus !) : dix ans après avoir quitté Runway et la diabolique Miranda Priestly, Andrea Sachs s'apprête à se marier avec le fils d'un grand magnat des médias (évidemment, j'aurais été surprise qu'elle épouse son plombier portugais), qui est accessoirement LE célibataire le plus convoité de New York (ben tiens). Elle a créé, avec sa meilleure amie, Emily (oui oui, sa meilleure amie Emily), un magazine consacré au mariage, intitulé The Plunge, qui marche du feu de dieu (pourquoi pas, j'y reviendrai). Cela fonctionne tellement bien que Miranda Priestly, son ancienne patronne donc, décide de mettre la main sur ce magazine et l'absorber dans son giron. Miranda Priestly, qui est, rappelons-le, la papesse de la mode internationale, souhaite très crédiblement s'emparer d'un magazine de mariage créé trois ans auparavant (comment il s'appelle déjà, The Plum ?).
Après avoir pondu un oeuf, Andrea, qui bien sûr concilie avec virtuosité sa vie de femme, de mère de famille et d'épouse comblée (Andrea est parfaite, elle ne fait pas caca non plus), doit à contrecoeur retourner au travailà la fin de son congé maternité. En retrouvant un vieux prospectus au-dessus de son frigo (t'sais, celui où il y a le numéro d'un électricien dispo 24/24 h pour 2000 balles de l'heure, juste à côté d'une pub pour Pizza Sprint). Bref elle déniche ce prospectus donc, et là en tapant "1" sur son clavier elle trouve LA baby-sitter parfaite, la perle rare. Et tout en allant au travail en chantonnant tellement elle a envie de se mettre un doigt tellement sa vie est parfaite, elle tombe sur... Alex, son ex d'il y a dix ans. Et bien sûr, ils retombent amoureux, même s'ils ne se le disent pas. Oui, ils sont énervants.
Branle con de baba, branle-bas de combat dans la vie Ricoré d'Andrea : sa meilleure amie et associée Emily, et son mari lui plantent un couteau dans le dos : par le truchement d'un machin juridique, ils revendent The Plouf à Miranda ! Oui, souvenez-vous, je vous disais que Miranda voulait mettre la patte sur leur magazine mondialement connu. Aveuglés par l'argent, ils ont donc signé sans son accord. Refusant de redevenir l'esclave de Miranda, Andrea largue tout : mari, boulot, meilleure amie, et elle s'en va. Un an plus tard, divorcée, elle retrouve Alex, qui a largué son ex future femme, et ils finissent ensemble, et gnagnagna.
Frédéric Beigbeder avait dit, en substance, que ce livre était une caricature de la upper class new-yorkaise. Ben carrément. L'une des choses qui m'a le plus gonflée, c'est que l'intègre Andrea, qui ne se sentait soi disant pas à l'aise au milieu des gravures de mode de chez Runway, a embauché, je cite, des "clones des filles de chez Runway" dans sa propre boîte... Et ça étale de la minceur, des Stiletto, et patati et patata. Andrea est donc une vendue qui crache sur Miranda, mais recrute ses employées d'après leur taille et leur IMC... comme Miranda. Connasse.
Ensuite : je me souviens, à la fin du "Diable", qu'elle était certaine de ne "plus jamais revoir Emily", tellement son ex collègue la méprisait et se moquait d'elle, tellement elles étaient différentes. Et là, on les retrouve dix ans après, super potes, mangeant du Haagen Dazs l'une chez l'autre et s'invitant à leurs mariages respectifs ? Pas crédible. Bon, évidemment je nuance sur ce point : les lecteurs (moi la première) adoraient Emily, il fallait la faire revenir. Et je me souviens de certaines scènes dans "Le Diable" où, finalement Emily semblait apprécier Andrea, même si elle ne le disait pas. Virée comme une malpropre par Miranda, il paraît plausible qu'elle se trouve au final des atomes crochus avec son ex collègue.
Après l'apparence, l'argent : alors bien sûr Emily est mariée avec un milliardaire, bien sûr Andrea va épouser un mec riche et célèbre (bien que sa boîte soit en perte de vitesse, mais pas au point qu'ils bouffent des patates quand même hein), bien sûr toutes les mères de famille qu'elle fréquente dans son groupe sont toutes riches et bien mariées, bien sûr Alex, qui pourtant claironnait à quel point il aimait enseigner à des petits pauvres d'Harlem, est revenu à New York pour devenir prof dans une super école méga prestigieuse où il n'y aura que des enfants d'émirs et de milliardaires asiatiques / américains / africains / tsoin tsoin (ben oui, vu qu'elle finit avec lui à la fin ça aurait été la loose qu'elle déménage dans le Bronx). Bien sûr elle fréquente Brad Pitt et Angelina Jolie, elle a le 06 de Victoria Beckham, Gwyneth Paltrow et de Barack Obama, bien sûr bien sûr. Bien sûr ça fait dix ans qu'elle n'a pas fichu les pieds dans un deux-pièces... BREF il n'y en a que pour les bourges là-dedans. Certes elle n'est pas d'un milieu modeste au départ, mais autant de débauche de luxe et de fric, au début ça me fait rêver, mais au bout de cinquante pages ça commence sérieusement à me gaver...
Le seul truc qui m'a fait rire dans ma barbe (oui, car j'ai une barbe), c'est que le mari d'Andrea s'appelle Maxwell. Je pensais à Maxwell Sheffield dans Une nounou d'enfer... Voilà c'est tout :D
Revenons à Fran Fine Andrea : donc vie parfaite + trop de luxe et de dollars + j'ai vite déchanté. Même si cela reste plaisant à lire. Mais j'ai oublié quand même le truc qui m'a suprêmement exaspérée. On est à New York, ville qui, d'après Viquipédia, compte plus de 8 millions d'habitants. Et au milieu de tant de monde, la Andrea arrive à nous dénicher en quinze jours son ex collègue, son ex tout court, l'écrivain qu'elle s'est tapée, et son ancienne patronne ? Ben putain, si elle ne sait pas quoi faire plus tard, elle n'aura qu'à chercher les sources dans les montagnes, elle sera sûrement très douée.
Enfin, l'auteur a très maladroitement fait revenir les personnages du premier livre, ça manque cruellement d'imagination... Le retour de Miranda, surtout, est loupé : elle s'intéresse au magazine d'Andrea mais on ne sait pas trop pourquoi, on la revoit deux fois en coup de vent (dont une où elle se pavane avec Rafael Nadal... non mais là les mots me manquent...), elle finit par montrer son vrai visage et obtenir ce qu'elle veut, et... c'est TOUT ! Le moment du coup de pute de Maxwell et d'Emily est quasiment à la fin du livre ! Pourquoi elle n'a pas raconté le retour (éphémère certes, mais quand même) d'Emily sous les ordres du Diable ? Ce que le magazine est devenu après ? Non non, elle fait son petit effet de surprise, et hop merci messieurs dames mais là faut que j'aille bouffer... La fin est bâclée, Andrea retourne avec son ex... C'est pourri.
Je ne sais pas si Lauren Weisberger a écrit ce livre juste pour faire une suite (et s'assurer de bonnes ventes), ou alors pour dire aux gens qui prétendent que "Le Diable" était inspiré d'une histoire vraie : "Ben non vous voyez, j'écris un truc totalement farfelu et pas crédible pour montrer que tout ceci n'est que fiction, et d'ailleurs j'ai mis ça à la troisième personne pour encore plus de distance", mais en tout cas j'ai trouvé ce livre... un peu facile.
Mais il n'est pas non plus déplaisant à lire. Juste un peu décevant, mais j'ai quand même passé un bon moment :)