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Le blog de Dawn Girl
5 septembre 2022

Noyée par la peur

Quand j'étais en CP, mon école m'a fait découvrir un endroit qui m'était alors totalement étranger : la piscine. A l'époque je n'avais jamais mis les pieds dans une piscine, je crois même que j'ignorais ce qu'était une piscine. J'ai appris bien plus tard que ma mère ne savait pas nager et avait la phobie de l'eau ; rien d'étonnant donc à ce qu'elle ne m'ait jamais emmenée là-bas. Vêtue d'un maillot à rayures roses et noires et d'un bonnet de bain vert pomme, j'ai découvert un nouveau terrain de jeux, ou plutôt devrais-je dire un nouveau terrain de terreur.

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Car le moins que l'on puisse dire, c'est que ce lieu m'a immédiatement inspiré de la peur. Et pas une gentille petite peur de bébé. Non, une peur gigantesque, une peur bien trop grande pour moi. Cette eau anormalement bleue, ce n'était pas naturel. Le chlore m'agressait la gorge et les yeux. Les voix des maîtres-nageurs résonnaient trop fort, se répercutaient sur les murs comme des balles de fusil et faisaient accélérer mon cœur. Je sentais que je n'étais pas à ma place là-dedans. Je ne savais pas pourquoi, mais j'avais des nœuds au ventre, mes jambes tremblaient et je n'avais qu'une seule envie : partir en courant.

« J'ai peur », ai-je déclaré à une camarade de classe blonde assise devant moi. « Pourquoi ? » m'a-t-elle demandé. Je n'ai jamais répondu à sa question. Je ne savais pas pourquoi j'avais peur, c'était complètement irrationnel. Je savais juste que j'étais terrorisée.

Il y a trente ans, on ne jetait plus les enfants à l'eau pour les repêcher avec une perche et ainsi les obliger à flotter tous seuls. Pour autant, la bienveillance n'était pas de mise. J'aurais voulu que ce soit ma maîtresse qui s'occupe de nous, mais elle a préféré gérer les enfants qui savaient déjà nager (soit quasiment l'intégralité de la classe ; j'avais d'ailleurs honte d'être l'une des seules à ne pas savoir nager et à avoir peur). Nous autres non-nageurs, nous avons eu droit à un maître-nageur avec un prénom italien, des petites lunettes rondes et une grosse voix. Pas de pédagogie, pas d'accompagnement. Je n'ai pas su nager avec lui, j'ai juste su avoir la trouille d'avoir de l'eau dans le nez et dans les poumons et de mourir. Un jour, j'étais tellement stressée que j'en ai vomi. Une fille de CE1 est restée à côté de moi (elle n'était pas émétophobe, elle ^^), mais mon institutrice n'a jamais rien su de l'incident. Je fermais ma gueule ; je me faisais violence et j'allais dans l'eau même si j'avais envie de hurler. Et quand on quittait la piscine avec nos cheveux mouillés qui sentaient le chlore, j'étais soulagée de ne pas être morte.

Car je croyais réellement que j'allais mourir. Je me revois en train de me regarder dans le grand miroir du couloir chez moi, d'observer ces fossettes en haut de mes joues (vestiges de l'enfance aujourd'hui envolés), et de me dire que j'allais mourir. J'imaginais ma mère venir me chercher le soir à l'école, et qu'on lui annonçait que j'étais morte noyée à la piscine. Un jour j'ai verbalisé cette pensée ; on avait piscine le lendemain et j'ai déclaré : «Peut-être que demain je vais mourir ». Ma grand-mère a été la seule à réagir ; elle a répété à ma mère : « Elle dit qu'elle va peut-être mourir ». Et ça a été tout. On ne m'a pas demandé pourquoi je disais des choses pareilles. Avec le recul c'est hallucinant. Une petite fille de 8 ans qui dit qu'elle va peut-être mourir, ce n'est pas normal. C'est même franchement alarmant. Mais non, rien. On a laissé couler (ah ah). J'imagine que ma mère devait déjà être trop tournée vers son propre nombril pour se demander pourquoi sa fille pensait à la mort tandis que les autres enfants pensaient juste à boire du Banga.

Le calvaire a duré trois années. En CE1 j'ai eu des verrues plantaires, ce qui m'a dispensée de piscine pendant des semaines entières (je vous laisse imaginer le soulagement...). En CE2 une mère d'élève s'est occupée presque exclusivement de moi à chaque séance. Bon elle ne m'a pas appris à nager et j'avais toujours aussi peur, mais au moins j'ai réussi à parcourir la longueur du petit bassin en m'accrochant au bord sans hurler de panique. J'ai également réussi à passer sous une ligne d'eau en me bouchant le nez. Mon instit avait beau être une vieille fille qui ressemblait à une sorcière, pour la piscine elle était davantage bienveillante que sa collègue de CP-CE1.

J'ai fini par réussir à nager à l'âge de 10 ans, dans la mer et en prenant les brassards de mon cousin (qui avait 3 ans...). Une fois ce blocage passé, j'ai pu retourner à la piscine. J'ai consenti à m'éloigner du bord et à nager sur une largeur en étant accompagnée de ma cousine, mais j'ai eu beaucoup de mal au début.

J'ai souvent nagé très loin dans la mer, parfois même jusqu'aux bouées. Pour autant, je ne sais nager que la brasse (et encore, je pense que je me fatigue à cause de mauvais mouvements). Aujourd'hui encore, je suis incapable de mettre la tête sous l'eau. Je suis incapable de sauter dans l'eau et encore moins de plonger. Au lycée, je me suis retrouvée paralysée parce qu'il fallait sauter dans le grand bassin. Blocage complet. TOUS les autres élèves l'ont fait sauf moi. Quand j'ai dit à mon prof de sport que j'avais peur, il a haussé les épaules l'air de dire « bah tant pis ». Ensuite ils ont annoncé qu'on allait devoir aller chercher un mannequin au fond de l'eau pour l'épreuve du bac, et là, la même panique qu'en CP est revenue m'envahir. Je ne pouvais pas. C'était tout simplement impossible qu'ils me demandent une chose pareille. Je me suis tétanisée sur le bord du bassin, redevenant la petite fille au maillot à rayures roses et noires et au bonnet de bain vert pomme.

A mon grand soulagement, ils ont finalement laissé tomber le mannequin et nous ont demandé d'aller chercher un camarade de classe au milieu du grand bain et de le ramener au bord en mode sauvetage. Je l'ai fait sans problème, mais une fois sortie de l'eau j'avais tellement hyperventilé que j'ai fait un malaise.

Une fois remise de mes émotions, j'ai vu une classe de primaire qui passait dans les douches à quelques mètres de moi. Il y avait deux institutrices dont l'une ressemblait énormément à ma maîtresse de CP-CE1. Je me suis demandée si c'était elle. J'ai demandé à l'une des petites filles comment s'appelait sa maîtresse, mais avec le bruit je n'ai pas entendu sa réponse. Je ne saurai jamais si c'était elle ou non.

Aujourd'hui encore, il m'arrive d'avoir des pensées intrusives de noyade. Je suis complètement traumatisée par l'eau. J'aimerais bien réussir à plonger, mais je ne veux pas mourir. Après cinquante ans à dire « je sais nager », ma mère a fini par reconnaître qu'elle n'a jamais su nager de sa vie. J'ai trouvé ça complètement débile qu'elle prétende le contraire pendant tant d'années. Son orgueil ne m'a pas aidée. Je pense qu'inconsciemment, elle m'a refilé son aquaphobie. Elle ne l'a pas fait exprès, évidemment. Peut-être a-t-elle eu des paroles malheureuses qui m'ont marquée au fer rouge quand j'étais petite. Ou pas. Je n'en sais rien. En tout état de cause elle n'aurait pas dû mentir, ça ne sert à rien.

Ce qui m'ennuie à présent, c'est qu'Alice est également aquaphobe. Pourtant elle n'a jamais mis les pieds dans une piscine, et B. et moi ne lui avons jamais dit que petits nous avions peur de l'eau, mais c'est ainsi : elle refuse d'y aller. Elle est terrifiée. Et je suis en colère parce que je ne sais pas pourquoi, ou plutôt j'ai peur d'être à l'origine de cette peur irrationnelle alors que je voulais exactement le contraire pour elle. Je ne voulais pas qu'elle soit comme moi. Quand les choses se déroulent exactement à l'inverse de ce qu'on voulait, ça met dans une rage folle. Une rage contre soi, contre la vie, contre le putain de schéma qui se répète inlassablement de génération en génération. Contre la fatalité.

Quand Alice était bébé, j'avais pensé à l'inscrire aux bébés nageurs. Mais à cause de mon connard de patron de merde qui nous faisait bosser le mercredi et le samedi toute la journée, je n'étais jamais disponible pour l'emmener à la piscine. Adieu les bébés nageurs. Pas de piscine gonflable non plus pour la familiariser avec l'eau, puisque nous vivons en appartement. L'année dernière je l'ai emmenée dans une pataugeoire ; au plus profond elle avait de l'eau jusqu'aux genoux ; ses brassards ne lui ont servi à rien. J'ai essayé de la faire asseoir au bord mais elle a refusé. J'ai laissé tomber car je ne voulais pas la forcer.

Les signaux d'alerte se sont déclenchés début juillet, quand la directrice de son école nous a envoyé un message comme quoi tous les élèves de primaire iraient à la piscine dès le 12 septembre prochain. Alice entre en CP à la rentrée... Elle fera donc partie de la charrette partant bientôt pour l'échafaud la piscine.

Il y avait une piscine sur notre lieu de vacances cet été. Je me suis dit que ce serait l'occasion idéale pour la préparer aux cours de natation. Malheureusement cela a été un fiasco total. B. et moi avons tout essayé : la douceur, la fermeté, la négociation... La première fois Alice a carrément fait une colère et nous a mis la honte devant les autres utilisateurs. J'ai cherché sur internet des astuces pour aider les enfants aquaphobes, mais Alice refuse d'entrer dans l'eau donc impossible de mettre le moindre conseil en pratique. J'ai cherché s'il y avait des cours contre l'aquaphobie près de notre location puis près de notre domicile ; j'ai même pensé à l'emmener une fois pour qu'elle voie l'endroit et tenter au moins de la faire entrer dans le bassin ludique. Puis j'ai fini par capituler. J'ai déjà dépensé beaucoup trop d'énergie pour une cause perdue d'avance, et le délai est trop court de toute façon (le 12 septembre c'est quasi demain). Par ailleurs, je n'ai clairement pas les compétences pour apprendre à Alice à être à l'aise dans l'eau. En soi je m'en fous qu'elle ne sache pas nager ; il y a des gens qui sont à l'aise dans l'eau, d'autres dans les airs ; c'est comme ça et il faut de tout pour faire un monde et blablabla. Ça ok, je suis d'accord. Le problème, c'est l'école. Je ne veux pas qu'elle se retrouve comme moi, terrorisée à vomir au bord du bassin sans que personne ne lui vienne en aide. Je ne veux pas qu'elle ait la boule au ventre chaque lundi matin. Je ne veux pas qu'elle ait peur de mourir à 6 ans et demi. Je ne veux pas que tous les autres sachent nager sauf elle. Je ne veux pas qu'elle soit la cible de moqueries. C'est pour cela que j'ai essayé... et que j'ai malheureusement échoué.

Pour parachever ce tableau de merde, le mois dernier une petite fille de 4 ans s'est noyée dans une piscine à une centaine de kilomètres de chez moi. Elle portait des brassards... Ses parents l'avaient confiée à un centre de loisirs, et ils l'ont récupérée entre quatre planches. Alors je sais que c'est rarissime, je sais qu'on ignore pour l'instant ce qu'il s'est passé, mais preuve en est que ça peut arriver. Moi je ne suis peut-être pas morte en 1992, mais une petite fille est morte en 2022. C'est un fait.

Ce matin j'ai décidé d'emmener Alice devant la piscine où j'allais avec l'école. Je lui ai montré la porte latérale par laquelle je passais avec ma classe. Je lui ai montré la vitrine du restaurant qui existait déjà à l'époque (par contre ils ont enlevé la sirène blonde qui portait un plateau, ce que je trouve fort dommage). Je lui ai montré le grand bassin avec ses lignes de séparation rouges et blanches. Je lui ai montré les immenses vestiaires sur le côté qui m'impressionnaient tellement. Je lui ai décrit l'affiche avec le poisson « il faut réfléchir avant d'agir » qui était placardée quelque part dans ce vaste dédale de carrelage imbibé de chlore. Je lui ai tout expliqué. Je lui ai dit que j'avais peur à l'époque, probablement parce que ma mère m'avait transmis sa propre phobie, et qu'aujourd'hui je lui avais transmis ma phobie à mon tour. Que j'étais désolée car je ne voulais pas qu'elle hérite de ce fardeau. Que j'étais sûre qu'elle était capable de surmonter ça. Que si une fois à la piscine elle avait peur, elle devait impérativement le dire à quelqu'un. Que cela allait bien se passer. J'ignore si j'ai bien fait de lui partager tout cela, mais de toute façon vu le rejet complet qu'elle fait déjà, je me suis dit que ça ne pouvait pas être pire.

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Elle m'a répondu : « Si papa et toi vous m'avez transmis votre peur, je vous pardonne ».

Ce soir j'en pleure en écrivant ce post tellement j'ai la trouille. Bien sûr je vais écrire un mot à sa maîtresse pour la prévenir qu'Alice est aquaphobe, mais qui me dit que la piscine en aura quelque chose à foutre ? Ils n'en avaient rien à branler il y a trente ans, est ce que les choses ont vraiment changé aujourd'hui ?

Voilà désolée si cet article est (une nouvelle fois) décousu et très mal écrit mais je l'ai rédigé comme les mots me venaient, c'est à dire en vrac depuis mon cerveau d'ex-petite fille aquaphobe qui est furieuse (mais contre qui ??) que sa fille soit aquaphobe elle aussi.

PS : à la fin des vacances, alors que cette histoire de piscine me bouffait le cerveau, une ancienne collègue de boulot a posté une story instagram de ses deux aînés en train de marcher sur les mains, de faire des saltos sur la plage et de plonger en arrière dans la piscine. C'est complètement con mais pendant 5 minutes je l'ai haïe et j'ai haï ses enfants de me remuer ainsi le couteau dans la plaie avec leurs corps dégourdis que ma famille et moi n'aurons jamais (oui j'en suis là... allez-y jugez-moi).

PS 2 : cet après-midi j'ai ENFIN pris rendez-vous avec une thérapeute qui fait de l'EDMR. Il est évident que ma peur de la mort est liée à un SPT et loin de se calmer, mon anxiété ne cesse de s'aggraver en vieillissant. Si je la laisse me bouffer, je vais finir par me foutre en l'air. Il est donc grand temps de faire quelque chose, même si aller chercher la cause profonde de mon SPT me terrorise. La séance n'aura lieu que début octobre donc je vous fais bientôt un article sur le sujet.

PS 3 : à une rue de la piscine se trouve le dojo de Rennes où j'allais faire du judo, et là par contre je m'éclatais. C'est incroyable comme ces deux lieux, si proches géographiquement, me procurent des sentiments aussi différents...

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6 juin 2022

Origine(s), la suite

(j'ai essayé de ne pas être trop redondante avec mon article du 17 novembre ^^)

Je suis née à Rennes et j’y ai grandi (je suis un pur produit du quartier Sainte Thérèse / Sud Gare). Toute mon enfance et toute mon adolescence, j’ai marché des kilomètres dans les rues et le centre ville rennais ; j’ai écumé toutes les lignes de bus, tous les parcs et tous les centres commerciaux de la ville. J'ai également fait toute ma scolarité à Rennes, de la maternelle jusqu'à la fac. Je suis donc une citadine rennaise pur jus. Conséquence : ayant toujours vécu en ville jusqu’à l’âge de 28 ans, j’ai quasiment tout le temps résidé en appartement. De même pour mes camarades de classe : à part quelques exceptions, ils vivaient tous en appartement, quels que soient les moyens financiers de leurs parents. On n’avait pas de jardin mais cela ne choquait personne ; en ce qui me concerne, aller jouer dehors m’a toujours prodigieusement emmerdée.

Depuis 2012, je vis à la campagne. Pas par volonté au départ, mais pour des raisons professionnelles : à l'époque j'avais en effet trouvé un job à la campagne et le fait de quitter la grande ville me permettait d'avoir moins de route à faire. Etant célibataire et smicarde j'ai loué un T2 dans lequel je suis restée quatre ans. Ensuite Alice est arrivée ; j'étais alors en intérim et B. s'est fait licencier ; on a donc déménagé dans un logement social plus grand où nous vivons toujours actuellement. A un moment donné on aurait peut-être pu acheter, mais B. ayant décidé d’aller vivre dans la maison de ses parents à moyen terme on ne l’a pas fait (et quand je vois la gueule du marché immobilier en Ille et Vilaine depuis le Covid je me dis qu’on aurait peut-être dû, mais bon bref ce n’est pas le sujet).

Il se trouve que depuis quelques années, les couples de 30-40 ans veulent tous un pavillon avec jardin pour leurs enfants ; les lotissements poussent donc comme du chiendent des champignons un peu partout. Dans la mesure où tout augmente sauf les salaires (cette phrase de vieux con vous est offerte par la maison ^^), les gens achètent des maisons de plus en plus petites et de plus en plus collées les unes sur les autres. J’en ai déjà parlé ici, mais bien qu’étant locataire dans le parc social je ne suis pas DU TOUT jalouse de ce type de bien. J’ai eu l’occasion d’emmener Alice à plusieurs reprises chez une copine qui habite dans ce genre de quartier triste et sans âme, et rien que de marcher dans sa rue, avec les gamins sur leur vélo qui te matent comme une bête curieuse pendant que leur père passe sa 3008 au Karcher devant le garage, je me sens très mal à l’aise. J’ai parfaitement conscience que mes propos peuvent laisser croire que je suis jalouse, mais je vous jure que non. Me promener là-dedans m'angoisse profondément. Mais bon bref je ne vais pas répéter ce que j'ai déjà dit dans un autre article.

Ce qui m’ennuie, c’est que depuis quelques temps Alice a l’air gênée par cette différence avec ses camarades de classe. Comme je l’ai déjà dit ici, il m’est arrivé d’entendre des copines lui dire « j’aime pas les appartements, c’est nul », ou encore « pourquoi t’habites dans un appartement, vous n’avez pas trouvé de maison ? » Inutile de dire que ce ne sont pas des enfants de 5-6 ans qui ont inventé ces phrases et que ces propos sont vraisemblablement la retranscription de ce que disent leurs parents. Un enfant de maternelle n’en a rien à battre que ses potes aient un jardin ; tout ce qui compte pour lui c’est d’avoir suffisamment de jouets pour s’amuser. Les seuls qui comparent, ce sont les adultes. On compare sa voiture, sa maison, son boulot, son mari… C’est fatigant.

Bref la pauvre Alice se retrouve prise en étau là-dedans ; je me dis qu’elle n’a que 6 ans et que la mentalité des gamins ne va pas s’arranger en grandissant… Le pire, c’est que cette comparaison permanente a fini par déteindre aussi sur moi : en effet, je me suis récemment surprise à me dire qu’on va inviter des copains d’Alice chez nous en hiver uniquement, comme ça personne ne viendra nous emmerder à nous parler d’extérieur. Je me suis également vue, à plusieurs reprises, parler aux mamans de « notre future maison », aka celle de mes beaux-parents, en mode : « ouais je sais c’est petit ici, mais vous verrez après on aura une grande maison avec un terrain aussi grand qu'un terrain de football». Dimanche dernier je tondais la pelouse dans le champ, et je me disais « putain c’est super grand quand même, si on creuse une piscine ou qu’on installe une tyrolienne ce sera un plaisir d’inviter des gens ici, car ils se sentiront complexés avec leur jardin Polly Pocket collé sur les voisins et regretteront d’avoir critiqué mon appartement ». Et puis après je m’en suis voulue de penser ça, parce que 1. on n’habite pas là-bas et il ne faut pas vendre la peau des bœufs avant d’avoir tué la charrue (on ne sait pas de quoi demain sera fait, l’un de nous peut mourir ou larguer l’autre), et 2. NON MAIS QU’EST-CE QUE J’EN AI A FOUTRE DE CE QUE PENSENT LES GENS EN FAIT ? Qu’est ce que j’ai besoin de me vanter en parlant d’une maison dans laquelle je n’habite pas ? J'ai l'impression d'être comme ma mère qui n'assume pas qui elle est et d'où elle vient, et cela m'insupporte. Comme disait mon grand-père, je compte les œufs dans le cul de la poule. Et 3. de toute façon B. ne veut plus creuser de piscine, il dit que ça coûte trop cher et qu’on paiera des impôts dessus :-D

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Une partie du champ de la maison où je vivrai (peut-être) un jour


Bref je ne sais pas si c’est la mentalité des petites communes résidentielles, mais en tout cas je sais qu’en ville ce n’est pas comme ça. Bien évidemment je ne mets pas tout le monde dans le même panier et je sais que toutes les familles n’ont pas cet état d'esprit, mais d’une manière générale, j’ai l’impression qu’ici les gens aiment bien fourrer leur nez chez leurs voisins pour voir si l’herbe y est plus verte. Les gens aiment bien constater qu’ils ont un truc plus grand que toi (ta maison, ton véhicule, ta bite). Ils croient qu’en appelant leurs gamins Pacôme ou Marie-Angélique, en leur payant des cours de violoncelle et en les mettant à l’école privée, ils font partie du dessus du panier. Sauf que ça ne marche pas comme ça. Quand tu fais partie du dessus du panier, tu n’habites pas dans un bled à 30 bornes de la grande ville. Ton gamin ne va pas au collège de Trifouillis les Oies, quand bien même ce collège est privé. Et ta maison n’est pas un truc en carton-pâte semblable aux autres cartons du coin. Perso je ne fais peut-être pas partie du sérail, mais au moins je le sais et je ne cherche pas à enfiler un costume trop grand pour moi (même si parfois je suis complexée comme je l'expliquais dans mon post du 19 janvier).

Quelque part, je pense que beaucoup de ces gens sont comme moi. Je pense que beaucoup de personnes qui vivent ici me ressemblent finalement, en dépit d'un mode de vie en apparence complètement différent. C’est juste que moi j’intériorise et je fais un travail sur moi tous les jours pour me contenter de ce que j’ai. Mais je vous jure qu’avec cette société qui ne cesse de comparer les enfants entre eux et les adultes entre eux, c’est un travail laborieux. On n'empêchera jamais les gens d'être cons et je ne veux pas qu'Alice souffre d'exclusion pour cette raison.

PAR CONTRE, il y a la maison d'une personne que je suis sur Instagram, qui clairement représente la maison de mes rêves. J'ai galéré à trouver des photos de l'intérieur car généralement elle se filme en story chez elle ; et je n'en ai retrouvé aucune de l'extérieur. Là oui, je suis très très jalouse :-D

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Elle a eu un coup de coeur quand elle l'a visitée... Tu m'étonnes ! 

3 avril 2022

Le ciel t'aidera

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A l'heure où j'écris ces lignes, nous sommes le 27 mars 2022. Il faisait beau cet après-midi, alors j'ai proposé à Alice de dessiner à la craie devant notre maison (nous sommes confinées pour cause de Covid). Je n'aime pas dessiner (j'ai même horreur de ça, je suis incapable de dessiner quoi que ce soit ; je l'ai déjà évoqué ici lors de mon coming-out autistique), mais malgré cela, depuis un moment j'avais envie de dessiner Baby Shark devant ma maison. Pourquoi ? Parce qu'il y a deux ans presque jour pour jour j'étais également confinée ; j'étais assise sur les marches devant ma porte d'entrée, il faisait une chaleur à crever, j'avais la chanson de Baby Shark dans la tête et je pensais à Myriam jusqu'à en devenir folle. Et je crois qu'aujourd'hui, j'ai eu besoin de faire ressortir tout cela en le dessinant.

Le premier confinement, en mars-avril 2020, a été une période bizarre pour tout le monde. Inédite. Exceptionnelle. Pour la première fois de notre vie (et espérons-le, la dernière), nous avons été assignés à résidence. Obligés d'avoir une raison valable pour sortir. Obligés de remplir une attestation. Obligés d'avoir notre carte d'identité sur nous en permanence. Obligés de se limiter à 1 kilomètre de distance et à une heure de temps quand on voulait aller se promener. Personnellement j'ai tout respecté à la lettre. Je ne suis jamais allée à plus d'un kilomètre de mon domicile et jamais plus d'une heure. J'ai toujours rempli scrupuleusement mon attestation. J'ai toujours eu ma carte d'identité sur moi. J'ai toujours été un bon petit soldat.

J'imaginais des voitures de flics patrouiller près de chez moi, à la recherche d'un délinquant qui sortirait s'aérer trop longtemps. J'imaginais les rues de Rennes complètement vides malgré la chaleur écrasante. J'imaginais le contraste schizophrénique entre le silence des villes et l'effervescence des hôpitaux, avec des médecins et des infirmiers courant partout au rythme des bips résonnant tous azimuts dans les couloirs. J'imaginais ce virus de merde en train de circuler partout et je me demandais s'il allait m'épargner. Je me demandais quels seraient ses effets sur moi : légers, ou avec le package réanimation ? Et dans cette hypothèse, est ce qu'il resterait encore de l'oxygène pour moi ? J'avais vraiment peur.

Avec le recul, je suis sûre qu'il n'y avait aucune voiture de flics dans ma commune, pour la simple et bonne raison que je vis dans une commune de 3000 habitants où les flics ne viennent jamais. J'aurais pu sortir plus loin et plus longtemps sans me prendre une amende ni me faire contaminer. J'aurais même pu aller au bord de la mer comme certains l'ont fait. Ce n'est pas grave ; j'ai découvert des coins de ma commune que je ne connaissais pas, ce qui n'a fait que confirmer à quel point je la kiffe. J'ai bouffé du « Thomas le petit train » et du «Vintage mecanic» pendant deux mois, j'ai fait des œuvres d'art en perles à repasser, et j'ai pensé à Myriam, plus que jamais. Je pensais à elle tout le temps.

Je vous ai parlé d'elle en 2019 (voir article). Je ne me suis pas appesantie sur le sujet depuis ; de toute façon il n'y a pas grand-chose à raconter si ce n'est que rien n'a changé de mon côté : je suis toujours folle d'elle. Pour la première fois de ma vie, je ne me suis pas lassée. La flamme est toujours là, bien vivante et elle ne demande qu'à être attisée davantage. Bien entendu, Myriam n'en sait rien et n'en saura jamais rien. Pas question de perturber sa vie, et par-dessus tout, pas question de perdre le peu d'elle que je glane tous les jours, même si ce ne sont que des miettes.

Je pense que le nœud du problème, c'est que je suis obligée de la voir tous les matins (paradoxe bonjour). Si je ne la voyais plus ce serait plus facile : loin des yeux loin du cœur et basta. Mais je n'ai pas le choix : même si elle n'est pas la maîtresse d'Alice elle travaille quand même à l'école. Tous les matins elle est là, fidèle au poste. Tous les matins elle demande à Alice où elle mange le midi, et tous les matins Alice lui répond d'un air blasé qu'elle mange à la cantine. Il y a trois semaines, elle s'est approchée de moi en tendant une main (elle est tactile avec tout le monde ; je me suis déjà fait la réflexion qu'elle avait tendance à tripoter les gens). Bref elle a donc tendu une main, et d'un geste purement spontané, j'ai attrapé le haut de ses doigts et j'ai caressé l'un d'eux avec mon pouce. Cela a duré une seconde ; c'était tellement fugace que je ne sais même pas si elle s'en est rendue compte (j'espère je pense que oui). J'ai très vite lâché sa main. J'ai pensé à mon paternel qui m'a dit un jour, en me parlant d'un mec du collège sur lequel j'étais bloquée depuis des années : « Alors ça y est, vous vous êtes serré la main ? » J'ai ri jaune. Je pense que le majeur droit de Myriam restera la seule partie de son corps que je caresserai jamais, et cela me rend très malheureuse.

Je pourrais (devrais?) sauter dans le vide et lui avouer ce que je ressens, qu'on en finisse. Peut-être qu'elle n'a personne dans sa vie, peut-être qu'elle ne dirait pas non, peut-être qu'elle me dirait gentiment qu'elle est flattée mais pas intéressée, peut-être qu'elle tomberait de sa chaise car elle n'aurait jamais imaginé cela (en dépit du caressage de doigts), peut-être qu'elle me dirait que son cœur est déjà pris, peut-être qu'elle rougirait et qu'elle partirait en courant, peut-être que machin truc chouette bidule (avec des si, hein...) Ce qui est sûr en revanche, c'est que je serais fixée.

Le problème, c'est que la seule fois de ma vie où je me suis risquée à déclarer ma flamme à quelqu'un (Benjamin), je me suis pris une sulfateuse en retour. Alors certes, cela a été une très bonne chose au final : seule ma fierté a été blessée et il s'est avéré que je ne tenais pas tant que cela à ce garçon. Son stop m'a fait passer à autre chose ; de toute manière il ne m'a pas laissé le choix.

Mais ça m'a vaccinée. Je ne veux pas revivre ça. Je ne veux pas ENCORE me sentir honteuse de déclarer mes sentiments. Je ne veux pas ENCORE me prendre un râteau. Et surtout, je ne veux pas qu'après coup il y ait un malaise, qu'elle me fuie ou je ne sais quoi. Au moins Benjamin, il habitait à 600 bornes donc je ne l'ai jamais recroisé et je ne le recroiserai jamais, et c'est très bien comme ça. Mais Myriam, je suis condamnée à la voir quotidiennement, au mieux jusqu'à la fin de l'année scolaire et au pire jusqu'en juillet 2023. C'est très dur. Je suis fatiguée de me demander si elle partage la vie de quelqu'un. Je suis fatiguée de me demander pourquoi sa voiture n'est pas là tel matin ou tel soir. Je suis fatiguée de me demander pourquoi elle déménage, de me demander pourquoi certains soirs elle part dans telle direction et non pas dans telle autre, parce que tout cela ne me regarde pas en fait. Je suis fatiguée de me dire que ce coup de cœur est sans doute la conséquence de l'usure de mon couple avec B. (j'ai toujours des sentiments pour lui mais différents, par moments je me sens étouffer et je ne sais pas si tous les vieux couples passent par là. C'est peut-être normal). Je suis fatiguée de culpabiliser.

C'est pour cette raison que je ferme ma gueule et que j'attends que ça se passe.

Pour ceux qui me lisent depuis longtemps, je ne sais pas si vous vous rappelez mais avec B. j'ai souffert en silence aussi : je suis tombée amoureuse de lui début 2006, et on est sorti ensemble en mars 2007. Un an. Cela me paraît tellement dérisoire aujourd'hui. Au final le destin nous a donné un coup de pouce inespéré : B. est venu travailler dans l'auto-école juste à côté de mon travail, dans une autre commune que celle où nous nous sommes rencontrés. Un hasard de ouf. C'est ce hasard qui nous a permis de sortir ensemble.

Et bien quelquefois je me surprends à espérer la même chose avec Myriam. Que le destin nous donne un coup de pouce aussi. Mon histoire avec B. m'a donné envie de croire que les personnes destinées à faire un bout de chemin ensemble finissent par se retrouver malgré les obstacles. Vous allez penser que c'est une ode à la passivité, une excuse pour ne pas bouger mon cul, et vous aurez sans doute raison. Mais quand on a eu droit à un tel cadeau une fois, on espère que cela se reproduise encore une fois. C'est humain.

Il y a quelques mois, j'ai vu une émission où le témoignage d'une personne m'a rendue terriblement jalouse, même si son histoire est complètement différente de la mienne : en juillet 2019 elle était en road trip en Sicile, et elle hésitait entre retourner voir des amis dans je ne sais plus quel bled et gravir le volcan Stromboli. Elle a donc demandé au ciel de lui faire un signe pour l'aider à prendre sa décision. Ni une ni deux, le ciel lui a apporté ce signe sur un plateau, en la personne d'un vieillard sorti de nulle part, qui, avant même que Martine ouvre la bouche, lui a sorti qu'elle devait aller à Trifouillis les Oies et laisser tomber le Stromboli. Ni une ni deux, notre amie s'est donc exécutée. Et bien, croyez-le ou non, le Stromboli est entré en éruption ce jour-là et le pote avec qui elle devait l'escalader est mort. Elle l'a échappé belle.

Alors bien sûr je suis ravie qu'elle ait échappé à la mort, mais quand son interlocutrice lui dit, les yeux brillants : « comme quoi il faut savoir écouter son intuition», j'ai envie de lui répondre : « Oui enfin excuse-moi Brigitte mais là c'est plus qu'une intuition, c'est carrément un mec qui tombe du ciel et qui lui dit ce qu'elle doit faire, juste au moment où elle le souhaite en plus ! Il aurait vraiment fallu être cruche pour choisir le volcan !» Bref je suis jalouse, même si dans mon cas il ne s'agit pas de vie ou de mort. Moi aussi je veux une vieille gitane qui apparaisse entre la boulangerie et le bureau de tabac pour me dire : « Oublie-la, elle n'est pas faite pour toi. Elle a trouvé l'amour de sa vie et elle est heureuse. N'as-tu pas envie qu'elle soit heureuse ? »

Bien sûr que j'ai envie qu'elle soit heureuse, même si ce n'est pas avec moi. J'ai déjà demandé un signe au ciel, je ne l'ai jamais eu. J'ai même déjà pensé que je m'aveuglais volontairement ; que je refusais de voir. Le problème c'est je ne sais même pas ce que je suis censée voir.

L'autre jour, j'ai vu un magnifique arc-en-ciel derrière chez moi. Les couleurs étaient très marquées, et (pour la première fois je crois), je pouvais le voir en entier, jusqu'aux « pieds ». Je l'ai regardé et j'ai réitéré à voix haute mon vœu par rapport à Myriam. Quand on est paumé, on se raccroche à n'importe quoi, même à un arc-en-ciel. Même à son gâteau d'anniversaire. Même à une épluchure de clémentine. A n'importe quoi, à défaut d'avoir une apparition céleste comme Martine en Sicile.

Bref, cette année l'arrivée du printemps a fait remonter à la surface le souvenir du confinement de 2020. J'avais 36 ans, je détestais mon boulot, on était confiné, il faisait très chaud, je devais apprendre la chorégraphie de Baby Shark à Alice et j'avais envie de serrer Myriam dans mes bras. Deux ans plus tard j'ai 38 ans, j'ai quitté mon boulot, je suis confinée, j'ai dessiné Baby Shark avec Alice et j'ai toujours envie de serrer Myriam dans mes bras.

1 juin 2021

Dites-le avec des fleurs

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Dans mon post consacré à Olga, je vous parlais d'un "petit truc" sur lequel je n'arrivais pas à mettre de mot ; une sorte de petite voix qui me soufflait que cette femme était déplaisante et que j'aurais des ennuis avec elle. Comme vous avez pu le constater, la suite des événements m'a donné raison. Quinze ans après, la même chose s'est produite avec une collègue de travail : dès que je l'ai vue elle m'a filé des boutons, et là encore, mon pressentiment s'est avéré vrai puisque cette collègue m'a harcelée moralement pendant des mois. Cela m'arrive régulièrement de ne pas sentir quelqu'un, comme si j'arrivais à détecter chez certaines personnes un truc pourri que les autres ne voient pas. Et en règle générale, mon intuition ne me trompe pas.

A une moindre échelle, il y a une autre personne que je ne sens pas. Je dis "à une moindre échelle" car ce n'est ni quelqu'un de ma famille, ni une collègue de travail, ni une personne de l'école d'Alice ni même une connaissance. C'est une personne que je suis libre de ne pas fréquenter si je ne le souhaite pas (et c'est ce que je fais d'ailleurs ^^). Cette personne s'appelle Jacinthe.

Je ne sais pas si c'est parce qu'elle s'est fait charrier à l'école à cause de son prénom, mais Jacinthe est devenue fleuriste, et par-dessus le marché elle a épousé un Monsieur Rose (véridique). Depuis une vingtaine d'années, elle est la fleuriste attitrée de la commune où j'habite, et sa boutique tourne à plein régime.

Il faut dire que Jacinthe ne ménage pas ses efforts : son magasin est ouvert 7 jours sur 7. En plus de son activité de fleuriste, Jacinthe vend également du vin, du whisky, des chocolats et des produits d'épicerie fine ; une annexe de son magasin assure également un service de pompes funèbres. Pour bien faire les choses, elle travaille avec des producteurs locaux uniquement ; elle organise régulièrement des concours et des tombolas pour faire découvrir leurs produits. De plus, elle est très active au sein de l'association des artisans de la commune. Bref Jacinthe s'est donné les moyens de réussir, et on ne peut qu'admirer le résultat : elle a réussi. Tout le monde connaît Jacinthe. Tout le monde achète ses fleurs chez elle. Quand la nounou d'Alice a offert des roses à toutes les mamans des enfants qu'elle gardait, elle les a prises chez Jacinthe (pourtant elle n'habite pas la commune). Quand des parents donnent un bouquet de fleurs à la maîtresse d'école, ce bouquet porte à coup sûr l'étiquette de Jacinthe. Quand un copain apporte des oeillets à Alice pour son anniversaire, ils viennent aussi de chez Jacinthe. Bref, cette fleuriste fait l'unanimité ici (d'ailleurs elle n'a que des commentaires positifs sur Google, sur les Pages Jaunes et probablement dans Gault et Millau aussi).

Et bien figurez-vous qu'au milieu de tous ces avis dithyrambiques, il y a moi, la rebelle qui boycotte Jacinthe :-p. Deux raisons à cela. La première, c'est à cause du jour où B. m'a offert un bouquet de roses pour mon anniversaire : ce jour-là on est allé chez Jacinthe en famille, et niveau prestation sincèrement je n'ai rien à redire : les fleurs étaient jolies, bien présentées ; Jacinthe nous a donné des conseils pour les conserver ; elle a offert à Alice un ballon en forme de coeur (c'était la Saint Valentin) ; sa fille m'a souhaité un joyeux anniversaire et elle m'a même ouvert la porte sur le côté du magasin pour que la poussette passe plus facilement. Bref, niveau commercial, franchement 20/20.

Mais. Sa façon de parler, son sourire de façade, son amabilité feinte... ça m'a tellement sauté aux yeux que j'en étais mal à l'aise. Je lisais le mépris dans son regard comme dans un livre ouvert, et sa fille pareil. Jacinthe n'est pas sympathique, elle est professionnelle. Elle est commerçante. Je l'imagine très bien baisser son rideau le soir en s'exclamant qu'aujourd'hui c'était vraiment un défilé de blaireaux. Je sais qu'elle n'est pas la seule à être comme ça, mais là ça crève tellement la rétine que je ne comprends pas comment je peux être la seule à l'avoir remarqué. Les gens ont de la merde dans les yeux ou c'est comment ?

Deuxième raison : le mari de Jacinthe. Un matin de juillet 2018, Monsieur Rose téléphone au cabinet dentaire où je travaille et m'explique qu'il a quelque chose de décollé. Je consulte sa fiche patient et je m'aperçois qu'il a fait transférer son traitement chez un autre praticien (ce qui est son droit le plus strict, mais je trouve quand même gonflé de rappeler l'ancien docteur comme si de rien n'était parce que le nouveau est en congés d'été... Faute de grives on mange des merles ? Le culot des gens me sidère).

BREF Monsieur Rose se garde donc bien de me préciser qu'il est suivi ailleurs, mais il ronchonne quand même quand je lui propose un rendez-vous d'urgence le lendemain : "Vous pourriez faire un petit effort et me recevoir aujourd'hui". Devant tant d'amabilité (ironie), je négocie avec mon patron et j'obtiens un rendez-vous deux heures plus tard (bien sûr je magouille en cachant à mon patron que Monsieur Rose est suivi par un autre docteur, donc merci le petit personnel quand même, hein). Bien évidemment j'ai pu m'asseoir sur un quelconque mot de remerciement de Monsieur Rose, qui m'a à peine saluée quand il est venu et qui n'a rien proposé de payer pour le recollage. Bref Monsieur Rose est un connard, et cet élément ajouté à la fausse amabilité de Madame, j'ai décidé que je ne donnerai jamais un seul centime pour leur boutique de merde. Même si leurs compositions florales pour la Fête des Mères sont magnifiques. Même s'ils vendent des chocolats démentiels en forme d'animaux trop mignons pour Pâques. Je reste admirative du travail de Jacinthe et de la beauté de sa vitrine quand je passe devant, mais je ne franchirai plus jamais le seuil de son magasin.

 Il y a trois semaines, j'ai acheté une rose pour l'anniversaire de la maîtresse d'Alice. Fidèle à mes principes, je suis allée chez une fleuriste de la commune voisine (et je ne regrette pas d'ailleurs car non seulement la rose était magnifique et sentait bon, mais en plus la personne qui m'a servie était charmante). Si je dois marier, enterrer quelqu'un ou m'enterrer moi-même, je préfère parcourir trente bornes pour commander la couronne funéraire plutôt que d'acheter ne serait-ce qu'une ortie chez Jacinthe (note pour plus tard : mettre sur mon testament que J'INTERDIS FORMELLEMENT à B. de mettre des fleurs de chez Jacinthe sur ma tombe, même en 2056).

Je sais que Jacinthe s'en tamponne royalement que j'achète mes fleurs chez un concurrent ; je sais que mon boycott ne changera pas la face du monde mais je suis fière de m'y tenir. Alors vous allez me dire "Non mais t'es grave ma fille, c'est juste un mec qui t'a mal parlé comme ça arrive chaque jour, qu'est ce que t'en as à battre passe à autre chose". Je vous rassure je n'y pense pas tous les jours quand même ^^. Mais c'est ma sensibilité qui est comme ça ; je sais distinguer quelqu'un qui est de mauvais poil de quelqu'un qui est foncièrement con. Je n'aime pas les gens qui méprisent les secrétaires ; je n'aime pas les gens méprisants tout court, surtout quand ils sont mariés avec une femme qui m'inspire le malaise quand je suis en face d'elle. Donc j'agis à mon petit niveau. ^^

16 mai 2021

Torpeur

loto

 

Quand j'ai quitté mon CDI fin octobre, j'ai d'abord été très triste. Triste d'être partie avec si peu de cérémonie. Triste de m'être acharnée, d'avoir fait des heures sup et d'avoir refusé que mon médecin m'arrête, tout ça pour obtenir zéro gratitude en retour. Triste de constater que tout le monde continuait sa petite vie bien tranquillou (je n'ai même pas eu droit à un SMS pour mon anniversaire donc inutile de dire que si je crève ce sera dans l'indifférence générale), et que tout ce que j'avais fait pendant 4 ans pour ce cabinet avait eu le même résultat que celui de pisser dans un violon.

Triste de constater qu'une fois encore, dans le milieu professionnel on est considéré comme moins que rien tellement il y en a qui attendent derrière la porte. Même pour se faire traiter comme de la merde. Même pour venir bosser à la carte et s'asseoir sur sa vie privée. Elles sont des dizaines prêtes à mettre un mouchoir sur leur amour-propre, du moment que ça rembourse le crédit de leur maison. C'est de bonne guerre, je ne leur en veux pas.

Et puis je me suis sentie libre. J'en ai profité pour buller, pour savourer ces journées où Alice était à l'école, Benoit au boulot et moi tranquille chez moi à regarder "Ca peut vous arriver". Je ne me suis même pas inscrite à Pôle Emploi ; j'ai vécu pendant 3 mois sur ma prime de départ. J'étais bien comme ça.

Et puis je suis entrée dans un cercle vicieux : plus on a de temps libre, plus on a l'impression d'en manquer. Je n'ai plus rien fait du tout. J'ai commencé à me sentir fatiguée, à avoir des maux de dos, des maux de ventre. Ma peur de mourir est revenue plus forte que jamais (bon, le fait qu'on ait diagnostiqué au mari de ma cousine, âgé de 43 ans seulement un cancer du côlon métastasé stade IV n'a pas dû aider non plus). J'étais déjà accro à mon téléphone, mais là je suis entrée dans une phase réellement pathologique, où je ne pouvais plus m'en passer. Dès que je m'asseyais sur mon canapé, hop le téléphone était dans ma main. Même si je n'avais aucun mail non lu. Même si je n'avais aucune notification Instagram. C'était comme une drogue. Peu importe que mon mec ou Alice se trouvaient dans la même pièce que moi ; je passais tellement de temps sur mon téléphone que j'en ai développé une fatigue des yeux, une fatigue tout court et même des nausées. Pendant presque deux mois, je n'ai lu aucun livre. Il y en avait un posé sur la table de mon salon mais je n'arrivais pas à aller au-delà de la page 27. J'avais la flemme de lire.

 (je parle au passé mais je suis loin d'en être sortie...)

 Bref, j'ai plongé dans les ténèbres. Et quand on est dedans c'est dur d'en sortir. Dur de s'inscrire à Pôle Emploi. Dur de passer outre son syndrome de l'imposteur. Dur d'arrêter de se dire qu'il y aura toujours plus mince, plus souriante, moins fatiguée, moins autiste que moi pour se faire embaucher quelque part. Dur d'oublier ma terreur de recommencer un boulot inconnu dans un endroit inconnu. Dur de me dire que plus le temps passe, plus un recruteur va se demander pourquoi je n'ai pas bossé depuis 6 mois (oh bah rien monsieur, j'avais juste pas envie de travailler ^^). Ce n'est pas de la mauvaise volonté, mais juste une monumentale grosse flemme de sortir de mon cocon pour aller affronter le monde extérieur. Un état de torpeur ou de sidération, je ne sais pas trop.

Et puis un matin, quelque chose m'a fortement contrariée (j'en reparlerai ultérieurement, mais pas tout de suite). Je venais de déposer Alice à l'école et je me suis dit que ce n'était plus possible, que j'allais crever si je continuais comme ça. Alors je suis allée sur le site de Pôle Emploi et j'ai postulé à quatre annonces. Quelques jours plus tard, je me suis connectée et j'ai vu cette mention sur l'une de mes candidatures :

 

non retenu

Comme ça, BIM sans aucune explication. J'ai trouvé ça d'une violence... ^^ Mais sérieusement... Tu te crèves le cul à refaire un joli CV, une belle photo, et on te balance dans la gueule ce dessin rouge avec une croix. Du coup je n'ai pas envie de me reconnecter pour voir le "résultat" des autres candidatures ; de toute façon si les recruteurs sont intéressés ils ont mon numéro de téléphone.

Il y a un autre truc qui fait mal aussi : sur certaines annonces du site Indeed, il y a une mention "nombre élevé de candidats". Je ne sais pas trop à quoi sert cette mention : dissuader / voir qui postule malgré tout pour voir la motivation des gens ? Je suis perplexe. En effet, comment ne pas perdre espoir quand on voit que 34 personnes postulent pour un CDD de 3 mois ?

J'ai trouvé deux articles assez intéressants, qui disent en substance "pourquoi ne faut-il pas postuler à des annonces ?", et j'ai trouvé certains arguments très pertinents :

1- quelquefois, il est déjà trop tard quand on voit l'annonce. On peut arriver au bon moment, mais en tout cas on est jamais en avance.

2- répondre à des annonces est déprimant. Je cite une phrase de l'article que j'ai beaucoup aimée : "postuler à des annonces c'est comme être invité à des soirées où l'hôte invite 100 personnes et en laisse 95 dehors sous la pluie".

3- c'est un exercice d'une violence énorme car on se prend des murs de silence de plein fouet, et à chaque mur, la confiance en soi et l'énergie diminuent. Cette perte de confiance finit par se voir physiquement ; le recruteur a encore moins envie de nous recruter, ce qui accentue la perte de confiance. Cercle vicieux.

4- c'est une loterie. Les recruteurs sont débordés et on est quinze mille à postuler. Un peu comme dans un concours. Je me souviendrai toujours de cette fois où je me suis retrouvée dans une salle d'attente avec deux autres candidates ; un quart d'heure plus tard deux autres sont arrivées... Un vrai défilé de viande fraîche. J'avais exactement le profil et l'expérience pour le poste ; je m'y voyais déjà mais je n'ai pas été prise, et je l'ai très mal vécu.

5- on se retrouve en concurrence directe avec les autres candidats, et si on n'est pas pris on en vient à les détester. Expérience vécue. ^^

6- postuler à une annonce permet d'alléger artificiellement sa conscience (putain qu'est ce que c'est vrai, ça...)

En conclusion : je vais bien sûr continuer à postuler à des annonces, mais je ne dois pas me cantonner à ça. Je vais aussi envoyer des candidatures spontanées (bon il ne faut pas se leurrer hein, le spontané ça finit 90 % du temps à la poubelle, mais mon premier poste d'assistante dentaire je l'avais trouvé comme ça donc ça peut marcher). Après ils me font marrer avec leurs "tablez sur le réseautage" ; ils croient sérieusement qu'on a tous des relations ? Je ne connais personne mec, je suis Asperger en plus donc asociale. Donc mes réseaux, comment te dire... ^^

 

En résumé c'est la merde.

 

 

 

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14 août 2020

Je me dis que je suis folle

La rupture conventionnelle est signée, je quitterai mon travail le 30 octobre. Par moments, je me dis que je suis folle de faire ça. Je me dis que je suis folle de partir en pleine crise sanitaire. Je me dis que je suis folle de quitter un CDI pour me retrouver ENCORE dans la précarité. Pas de CDI, ça veut dire pas de possibilité de louer un logement. Pas de possibilité d'emprunter de l'argent si jamais je dois changer de voiture. Bref c'est l'insécurité qui m'attend. Par ailleurs, ce boulot était à dix minutes de chez moi, sans embouteillages et avec des horaires qui me permettaient d'emmener Alice à l'école tous les matins. Ces éléments sont purement pragmatiques, mais ce confort va me manquer. Certains parents vont me manquer aussi : la mère de Léna qui m'a tellement fait rire le jour où elle m'a raconté comment sa cigarette électronique a bu la tasse pendant qu'elle poursuivait son chien dans les vagues. La mère de Gwendal qui m'a dit « Dommage que vous partiez, je vous aimais bien. Mais je vous comprends». Le père de Nicolas qui m'a regardée avec un air tellement bienveillant lorsque j'ai fondu en larmes devant lui à cause de mon patron. Tous les parents qui, grâce à un sourire ou un mot gentil, me redonnaient de l'élan lorsque j'étais démotivée. J'avais aussi le confort de connaître le taff par cœur, d'avoir mes habitudes, mon ordinateur personnel, mes post-it collés au-dessus de mon bureau et ma pause déjeuner peinard à regarder le replay de « Ça commence aujourd'hui ». Renoncer à tout ça, c'est quitter une paire de charentaises pour enfiler des talons aiguilles. Le changement m'angoisse. Ne pas savoir ce que je vais devenir m'angoisse. Ne pas savoir si mon compte en banque va se retrouver dans le rouge m'angoisse. Ne pas savoir si je vais pouvoir offrir à Alice des vacances à Oléron m'angoisse (elle veut voir Fort Boyard) (oui bon moi aussi ^^)

 

Et puis... Je repense à cette réunion durant laquelle mon patron m'a humiliée en sous-entendant que j'étais responsable des mauvaises finances de son cabinet, sans citer mon nom et alors que j'étais assise en face de lui. Je repense aux larmes de désespoir que ses paroles ont provoqué chez moi tellement je trouvais ça dégueulasse, et au fait que AUCUNE de mes collègues ne m'a soutenue à ce moment-là alors que j'en avais besoin putain. Je repense au jour où mon patron a dit dans mon dos : « même ma petite-fille de 3 ans est capable de comprendre ça ». Je repense à toutes ces fois où il m'a demandé de déplacer des journées entières de rendez-vous parce qu'il prenait l'avion / il avait oublié qu'il était invité à un mariage / il partait en week-end / il avait finalement décidé de faire telle intervention à la place d'une autre / il avait simplement changé d'avis (ne pas rayer la mention inutile ; elles sont toutes authentiques). Je repense au fait que je dois refouler les patients qui ont plus de dix minutes de retard ; que je dois leur dire « déso les gars, mais vous êtes venus pour rien. Vous avez des choses à dire au Docteur ? Bah je vais lui en parler et vous rappeler puisque vous ne pouvez pas entrer avec votre enfant dans la salle de soin. Niééé».

Je repense au fait que le Docteur ne recolle pas d'appareil décollé sur les rendez-vous de contrôle, même si le patient habite à 50 kilomètres. Bien sûr il ne le lui dira jamais en face ; c'est moi qui dois passer les messages pourris. Je sers de paratonnerre. Et j'en ai marre de faire tampon.

 

Je repense à tous ces patients que mon patron a fait pleurer parce qu'il leur a mal parlé. A tous ces parents stressés qui me disent que leur enfant angoisse à l'idée de venir au cabinet. Il y en a eu des dizaines. Je ne peux même pas les compter.

 

Je repense à certains parents qui exigent de venir le samedi uniquement, parce que EUX, ils travaillent (bah oui moi je glande 39 heures par semaine c'est bien connu). A ceux qui annulent leur rendez-vous la veille parce qu'ils partent en vacances, et qui râlent parce que je ne leur retrouve pas de place avant 2 mois (et un samedi tant qu'à faire). A ceux qui trouvent tout à fait normal que j'appelle dix personnes pour voir si l'une d'entre elles peut échanger son rendez-vous avec le leur. Ils n'oseraient jamais en demander le dixième à la secrétaire de leur médecin traitant ou de leur gynéco. Ah oui mais le gynéco c'est IMPORTANT. L'orthodontiste par contre, ça passe après le séjour au Parc Astérix et les vacances chez les grands-parents.

 

Je repense à ce nombre incalculable de fois où j'ai trafiqué le planning, où j'ai joué à Tetris avec les rendez-vous pour que mon patron accepte de voir un patient arrivé en retard ; où j'ai arrondi les angles lors de situations conflictuelles. Je repense à ce jour où Mylène m'a plantée toute seule au milieu de gens que je connaissais pas durant notre séminaire au Touquet. Je repense à toutes les fois où mes collègues m'ont reproché des choses qui étaient en fait imputables à mon patron (mais c'est tellement plus facile de tout me coller sur le dos, hein). Je repense à toutes ces fois où elles sont venues au boulot le cœur léger parce qu'elles savaient que c'était moi qui étais dans le collimateur du Grand Docteur, et non elles. Je repense à la mère de Lionel qui m'a hurlé plusieurs fois au téléphone « vous vous foutez de ma gueule » mais qui a souri à mon patron quand elle s'est retrouvée en face de lui, et qui ne s'est JAMAIS excusée pour m'avoir parlé de cette manière. A la mère de Julie qui m'a crié dessus parce qu'elle ne voulait pas payer ses honoraires, qui avait une occasion en or d'expliquer son mécontentement à mon patron mais qui s'est exclamée « Ah non surtout pas !!!! Je ne veux plus jamais le voir, je ne peux pas le sentir » Mais c'est TELLEMENT plus facile de pourrir la tête de la secrétaire, n'est ce pas. Jamais d'excuses non plus. Je repense à la mère d'Alphonse, pour qui je m'étais décarcassée pour arranger l'horaire du rendez-vous et qui m'a balancé dans la gueule « Ah NON pas le vendredi ça ne m'arrange pas ! Moi c'est que le mercredi et le jeudi ». (le « merci » j'ai pu me le carrer où je pense). Je repense à la mère de Romuald qui a téléphoné 10 minutes avant la fermeture du cabinet parce qu'il fallait attendre son fils qui avait un truc de décollé. Je vous passe le ton dédaigneux sur lequel elle m'a parlé. Ce fut la seule fois de ma « carrière » où j'ai raccroché au nez de quelqu'un. A un moment donné l'ingratitude des gens finit par m'insupporter.

 

Je repense à mes collègues qui plaignent déjà « la pauvre Mélanie » qui va reprendre mon poste quand je vais partir. La pauvre Mélanie qui « va en chier ». LOL. Moi ça fait juste 2 ans que j'en chie à ce poste, mais moi c'est pas grave tout le monde s'en branle. Mélanie par contre, il faut lui tenir la main parce qu'elle vient d'avoir un joli bébé à paillettes. Mais allez tous vous faire foutre putain.

Je repense au fait que je suis censée faire des radios tout en répondant au téléphone. (c'est super facile de gérer une urgence ou un problème administratif tout en disant à Boris de mordre sur le machin jaune et de bien tenir le guidon)... Je repense au fait qu'une autiste Asperger dyspraxique n'aura jamais la dextérité suffisante pour travailler au fauteuil avec un praticien sans stresser en permanence. Je repense au fait qu'aucun salaire ne justifie de se faire mépriser, surtout quand le mépris émane à la fois du patron, des collègues et de certains patients. Je repense à toutes ces vacances qui m'ont été imposées par mon patron (dont cette semaine de congés payés en janvier qui ne sert strictement à RIEN), au fait qu'on bosse durant toutes les vacances scolaires et presque tous les samedis jusqu'à 18 heures. Au fait que c'est impensable de demander une journée de RTT. Chez nous ça n'existe pas.

Ah si pardon, il y a eu une exception : le jour où mon patron a accordé une après-midi à une collègue pour qu'elle aille à la FETE DE L'ECOLE de sa fille... J'ai tellement été estomaquée devant un tel passe-droit, ET devant le fait que les autres semblaient trouver cela tout à fait normal, que j'ai aussitôt pris mon téléphone et que j'ai demandé à mon patron de pouvoir bénéficier du même passe-droit. Il a râlé, mais il n'a pas eu le choix.

Je repense à toutes ces primes qu'il a filées à mes collègues dans mon dos (200 euros à l'une et 700 à l'autre, tranquillou bilou), après avoir claironné la semaine précédente que les finances étaient au plus bas et qu'il allait mettre la clé sous la porte à cause de mon incompétence. LOL.

 

Je repense à toute cette charge mentale que mon patron me fait porter depuis 4 ans, à toutes ces choses « urgentes » et « prioritaires », qui m'empêchent de faire ce que j'avais prévu et qui me font prendre du retard. Je repense à toute cette fatigue qui s'est accumulée depuis tous ces mois à turbiner comme une cinglée. Fatigue physique, fatigue nerveuse. J'en deviens agressive avec Alice. J'en deviens méchante avec B.

 

Je repense au fait que ce travail se trouve dans la ville où habite Myriam. Malgré les messages que nous avons échangés durant le confinement, elle a semblé prendre peur et a repris ses distances. Ce que je respecte tout à fait. J'ai donc renoncé à elle, mais putain je dérouille. Il va me falloir du temps. Je vais malheureusement la voir tous les jours à la rentrée (pas le choix)... Je vais devoir rester distante, ne pas lui parler quitte à passer pour quelqu'un de froid et de mal-aimable alors que je rêve de la serrer dans mes bras et de la faire rire comme lors de notre dernier échange. Je vais devoir morfler en silence, serrer les dents et fermer ma gueule. Donc si je peux au moins éviter de retourner bosser là où elle habite, ben je me dis que ce sera une bonne chose. Ne dit-on pas : « loin des yeux loin du coeur » ?

 

Bref, il y a nettement plus d'éléments dans la colonne « négatif » que dans la colonne « positif ». J'en déduis que j'ai pris la bonne décision. Qu'un autre poste m'attend ailleurs, même si c'est en 2031. Que je vais leur laisser se lécher la pomme et s'empocher des primes de 700 balles derrière mon dos pour mieux se faire sodomiser ensuite. Grand bien leur fasse ; au moins ELLES seront solidaires toutes les trois, sans moi.

 

Quand je vais partir, je vais laisser à « la pauvre Mélanie » un poste parfaitement à jour, avec des honoraires et des dossiers gérés au carré. Tout sera clair et rangé. Je m'en fais un point d'honneur. Je ne veux pas qu'on me reproche quoi que ce soit après mon départ. Je sais que beaucoup de parents vont me regretter : quoi qu'en disent les personnes avec qui je bosse, je sais que je fais très bien mon travail et que je suis appréciée par beaucoup de patients. Moi aussi je vais les regretter. Pas les cons, mais tous les autres. La majorité. Ceux qui acceptent que leur enfant loupe un cours d'histoire-géo ou une leçon de tennis pour venir nous voir. Ceux qui savent que j'en chie et qui me disent que je suis courageuse de supporter un patron comme le mien. Ceux qui ont su s'excuser après s'être emportés, parce qu'ils savent que je ne suis pas responsable du caractère de mon patron. C'était un plaisir d'échanger avec eux. Ils auront été mon moteur pendant toutes ces années de secrétariat et d'assistanat en orthodontie.

 

La suite est floue. Je ne sais pas ce que je vais devenir. Continuer dans le secrétariat médical ? (8 ans d'expérience ça compte quand même). Faire une formation ? Un BTS assistante de gestion ? Un bilan de compétences ? Reprendre un bar à cocktails sur les Iles Vierges ? Je suis paumée.

4 février 2020

The taste of her cherry chapstick

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(la longueur de cet article n'a rien à envier à ceux de l'Averse. Si vous voulez aller pisser, c'est le moment ; après ce sera trop tard ^^)

Cela fait longtemps que cet article me trotte dans la tête. Nous sommes le 4 novembre 2019 ; je commence à le rédiger ce matin mais je ne sais pas quand je le publierai, ni même si je le publierai un jour. D'une part parce que je ne me sens pas prête à le publier, et d'autre part parce que je devrai certainement le retravailler, effacer des phrases voire des paragraphes entiers, en rajouter d'autres, modifier des concordances de temps, reformuler encore et encore, avant d'être satisfaite du résultat. Je ne sais pas à quoi ressemblera cet article quand il sera fini, mais je vois déjà l'Averse me dire : "Je savais que tu l'écrirais un jour !" ;-)

Il y a quelques mois, je vous ai parlé de quelqu'un qui m'obsédait. Quelqu'un qui occupait mes pensées jour et nuit, du matin jusqu'au soir au point d'en souffrir. Je vous ai parlé de cette personne au masculin, mais en réalité j'aurais dû en parler au féminin. Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas pu écrire le bon pronom personnel ; pas envie d'assumer cette fois-ci. Peut-être parce que c'était tellement profond et que ça me faisait tellement mal, que j'ai eu besoin de prendre de la distance en lui mettant des testicules là où il n'y en avait pas. J'étais surtout complètement paumée en fait. Ce n'est pourtant pas la première fois que je suis attirée par une fille ; pour ceux qui s'en souviennent j'avais parlé sur mon blog d'une fille de la fac, il y a fort longtemps (c'était en 2005-2006... Damn j'étais jeune... c'est tellement loin).

Aussi longtemps que je m'en souvienne, j'ai toujours été attirée par des garçons ET par des filles. Un coup une fille, un coup un garçon, de manière alternative. Je sais que certaines personnes s'obligent à sortir avec quelqu'un du sexe opposé pour paraître "normales" (je mets vraiment le mot entre guillemets car je considère évidemment les gays / bi comme des personnes normales ; je pense que vous le savez mais je préfère le préciser). Mais bon bref, moi je ne me suis jamais forcée. Comme tout le monde, j'ai eu des émois à l'adolescence ; je ne plaisais pas aux mecs mais eux me plaisaient. Il y en a eu trois ou quatre, au collège, avec qui j'aurais accepté de sortir sans problème. Il y avait également une fille qui m'attirait en 4ème, mais de manière purement platonique. J'avais été charmée en entendant sa voix de soprano ; elle chantait divinement bien. Enfin bref tout cela restait de l'ordre du fantasme.

Et puis il y a eu cette fille à la fac, donc, en 2005. Comme c'est très vieux, je vais re-développer sur elle car personne ne doit s'en rappeler ici... Flora, 28 ans, Nantaise, chargée de TD (ça fait très CV dit comme ça, mais bon ça vous plante le décor). Elle avait beaucoup de charisme ; elle savait être autoritaire sans faire peur non plus, et elle avait de l'humour à revendre. Conséquence de toutes ces qualités : elle avait une véritable cour de prétendants autour d'elle, notamment un mec de ma classe avec un prénom à la con (Jean-Valentin ou Jean-Lucas je ne sais plus). Cela m'agaçait de le voir tourner autour de Flora comme une mouche. Moi je la regardais sans m'approcher ; j'étais intriguée, attirée. Si elle m'avait fait un signe, juste un signe, c'était où elle voulait et quand elle voulait. J'ai du mal à en être sûre, mais je crois que c'est la première fois qu'une fille m'attirait "complètement", c'est à dire physiquement. Je suis quasiment sûre que j'aurais pu coucher avec elle. Bien évidemment, je n'ai rien montré et je n'en ai parlé à personne, sauf sur mon blog.

Flora nous a fait cours jusqu'en janvier 2006 et puis elle est repartie à Nantes. Elle m'a manqué. Je crois que j'ai fini par l'oublier quand j'ai connu B. (pour rappel j'ai rencontré B. fin 2005 et je suis sortie avec lui en mars 2007).

Tout en rédigeant cet article, je viens de taper le nom de Flora sur Google. Elle vit toujours à Nantes où elle est devenue maître de conférences en droit privé ; elle écrit régulièrement des articles qui sont publiés dans des revues juridiques. Elle a 43 ans maintenant ; je ne sais pas si elle est mariée, si elle a des enfants ; si sa moitié s'appelle Stéphane ou Stéphanie. J'ai retrouvé la vidéo d'une conférence à laquelle elle a participé il y a quatre ans ; la revoir ne m'a rien fait de spécial. Elle a changé physiquement (logique), elle a les cheveux plus longs qu'il y a quatorze ans et elle n'a visiblement toujours pas arrêté la clope. Elle est toujours aussi brillante et concise (bon les juristes sont rarement des ânes), mais elle ne m'attire plus du tout. Par contre, c'est quelqu'un avec qui j'échangerais volontiers autour d'un café.

Comme je disais plus haut, c'est environ à la même époque que B. est entré dans ma vie et a tout emporté comme un tsunami. Je ne vais pas revenir sur les milliers de péripéties qui ont émaillé mon histoire avec lui, vous les connaissez déjà. Il est devenu le père de ma fille et je l'ai tellement aimé que je ne me suis plus posé de question sur mon orientation sexuelle. Flora me semblait loin à présent. J'ai interprété mon coup de coeur pour elle comme le fait que je me cherchais à l'époque, que j'étais perdue parce que je n'avais jamais été aimée par personne. A présent quelqu'un m'aimait de manière réciproque, un homme, donc plus besoin de chercher, je m'étais trouvée. Fin de l'histoire. Par ailleurs, quelqu'un m'a confortée dans ma présumée hétérosexualité : Benjamin (la première fois j'en avais parlé sur mon blog sous le nom de Gladiator). Un mec dont j'ai été folle pendant plusieurs mois. Il ne s'est rien passé avec lui parce qu'il avait des principes, mais il aurait pu me tringler sur la table quand il voulait, et plus si affinités. Cerise sur le gâteau lillois, on avait le même humour et le même goût pour les jeux vidéos. Bref, ce garçon restera pour toujours un acte manqué.

Je me suis remise avec B. en 2013, pour de bon cette fois. On se connaissait déjà intimement depuis 6 ans donc plus de passion comme au début, mais on baisait beaucoup tout de même. On l'a fait à peu près partout : sur la plage, au bord d'un étang, dans la forêt, dans un champ, dans le garage devant l'immeuble... C'était marrant.

Et puis, comme dans n'importe quel couple, la routine s'est installée progressivement. On a eu notre fille, les années ont passé. Nous étions toujours proches physiquement, mais ce n'était plus pareil. Je l'ai un peu délaissé, et je suppose que je me suis sentie délaissée aussi, car j'ai commencé à regarder ailleurs. Et au fil des mois, sans m'en rendre compte, je suis tombée amoureuse de quelqu'un d'autre : Laetitia, donc, celle dont j'ai parlé ici à mots couverts en la masculinisant. Un truc qui était tellement fort que ça me faisait mal, tellement mal que j'en pleurais. Tout me plaisait chez elle : son physique, sa voix, sa gentillesse, son sourire doux, son accent (mon dieu son accent ❤❤❤)...  Une petite douceur qu'on a juste envie de serrer contre soi et de câliner. Problème : cette fille c'est le Graal, elle est totalement inaccessible. D'abord, parce que je la côtoie dans le cadre professionnel. Ensuite, parce qu'elle a un mari et des enfants (son fils a le même handicap que ma fille d'ailleurs, sauf que lui ce sont les deux oreilles). Et pour finir, parce qu'elle est d'un statut social bien supérieur au mien (le pire des obstacles selon moi ; c'est d'ailleurs l'une des raisons qui ont fait que Benjamin m'a jetée). Je sais qu'elle m'apprécie, mais c'est tout, pas d'attirance de son côté, c'est impossible. A l'époque, cette voie sans issue me rendait dingue, je n'arrivais pas à raisonner mon cerveau. Et puis je culpabilisais vis à vis de B. Lui qui m'aimait, qui aimait sa vie avec moi ; B. pour qui j'avais remué ciel et terre, que j'avais attendu si longtemps ; B. qui avait divorcé pour moi. Comment pouvais-je fantasmer sur quelqu'un d'autre alors que l'homme pour qui j'avais tant souffert pendant des années partageait ma vie officiellement, conformément à ce que j'avais désiré le plus au monde ? A croire que je courais après les situations impossibles et que j'aimais souffrir. Je me détestais d'être comme ça.

J'ai écrit une lettre à Laetitia, un document Word que j'ai supprimé ensuite. Comme cette lettre n'était pas destinée à être lue par sa destinataire, je ne me suis pas censurée, j'y suis allée à fond. J'ai fait courir mes doigts sur le clavier, sans réfléchir, sans me relire. Je ne me suis jamais relue d'ailleurs : j'ai gardé le document Word quelques temps, puis je l'ai jeté dans la corbeille de l'ordinateur et j'ai vidé la corbeille.

Au bout de quelques semaines, ça a arrêté de me faire mal. J'appréciais toujours énormément Laetitia, je la trouvais toujours très jolie, j'éprouvais toujours une frustration en la voyant, mais plus rien de douloureux. Mon cerveau avait fini par accepter que rien n'était possible. Ouf.

Et puis juin ta gueule Rose. Juin 2019. Ma rencontre avec Myriam. Je ne me souviens pas de la première fois où je l'ai vue, mais par contre je me rappelle très bien de la première fois où je l'ai remarquée. Elle s'est levée pour venir me voir, et là je suis restée scotchée sur ses yeux. « Madre de dios, qu'ils sont beaux », me suis-je dit.

Myriam a les yeux verts. Un vert pur, sans aucun reflet marron. Il y a longtemps, j'avais décidé que je n'aimais pas les yeux verts, parce que cela m'évoquait des personnes que j'exécrais : ma tante hystérique a les yeux verts, et SURTOUT, l'ex de B. a les yeux verts. (enfin dans son cas je dirais plutôt qu'ils sont jaune pisse). Bref je claironnais à qui voulait l'entendre que les yeux verts c'était moche, que ça ne servait à rien et qu'il fallait abolir cette couleur d'iris de la surface de la Terre pour le bien-être de l'humanité. Yeux verts, yeux de vipère.

Mais les yeux de Myriam m'ont désarmée. Oubliée ma tante et son regard mauvais. Balayée l'ex de B. avec ses yeux jaune pisse. En un seul instant, les yeux verts ont retrouvé grâce à mes yeux.

Ensuite le temps a passé, et je me suis rendue compte qu'il n'y avait pas que les yeux de Myriam qui me plaisaient ; je m'intéressais à la personne toute entière. Par contre, rien de douloureux comme pour Laetitia, juste une attirance "normale". Elle me plaisait énormément, je pensais très souvent à elle, mais sans obsession. Je retrouvais ce que j'éprouvais quand j'ai connu B. : les papillons dans le ventre, l'envie de la voir, même deux secondes. Le fait de me lisser les cheveux, de me faire manucurer les ongles et de mettre des boucles d'oreilles pour être plus jolie quand je la voyais. Essayer de prendre une jolie voix quand je lui parlais. Changer de manteau parce que je ne voulais plus qu'elle me voie avec ce machin gris difforme que j'avais acheté quand j'étais enceinte. Avoir le coeur au bord des lèvres à chaque fois que mon téléphone vibrait,  puis soupirer en le consultant parce que c'était ENCORE une notif de l'application Rennes 24' pour me dire que le cortège de la manifestation anti-réforme des retraites était rendu sur l'esplanade Charles de Gaulle PUTAIN J'EN AI RIEN A FOUTRE. Désespérer quand elle ne me regardait pas et préférait palabrer avec Madame Trucmuche, parce que du coup je ne pouvais pas lui faire mon super sourire qui tue (bon en fait il ne tue pas tant que ça, mais bon j'ai bientôt 36 ans donc je ne peux plus compter sur ma fraîcheur). J'étais clairement dans une démarche de séduction ; je me retrouvais dans la peau d'une gamine de 16 ans qui ne savait pas comment s'y prendre. A un moment donné, certains regards et allusions m'ont fait penser qu'il y avait peut-être une ouverture avec elle ; ça ne durait jamais longtemps mais c'était très agréable. "Oh, tu travailles là-bas ? C'est marrant, c'est la ville où j'habite". Maaaaais on va chez toi quand tu veux. Et puis le lendemain, on s'apercevait juste de loin et on ne se saluait même pas. Un pas en avant, deux pas en arrière. Dans ces moments-là je passais limite une journée de merde.

C'est ça qui est terrible quand j'ai un gros coup de coeur pour quelqu'un : une entrevue avec lui / elle, aussi courte soit-elle, va devenir mon moteur pour avancer, et va donner le ton pour le reste de la journée. Or, il y a des journées, où tu te dis que tu aurais mieux fait de rester couchée. Ce genre de journée pourrie jusqu'au trognon où toute la loose du monde semble s'abattre sur tes épaules. A un moment donné, j'ai connu tellement de journées de merde que j'étais déprimée. J'avais juste envie de me terrer dans une grotte et de ne plus voir personne, jamais. Seules les discussions sympas que j'avais avec certains patients au boulot m'apportaient un peu de réconfort, et pourtant je n'aime pas mon boulot. Je sais qu'il y a plus grave dans la vie que mes petits soucis, du style se taper un cancer ou avoir les huissiers qui frappent à la porte, mais je n'étais vraiment pas bien. 

Contrairement à Laetitia, Myriam n'est pas une personne inaccessible : elle n'est pas mariée et n'a pas d'enfant (bon cela ne l'empêche pas d'avoir quelqu'un dans sa vie on est bien d'accord, mais je n'ai jamais osé lui poser la question ouvertement, donc à moins qu'elle fasse une allusion explicite du style "ah oui, c'est ce que me disait justement ma femme..." (oui je regarde Columbo) (oui c'est une série des années 70) (vos gueules :D)). Comme je disais plus haut, il y a eu certains signes qui auraient pu me faire penser que... Mais j'ai déjà eu la preuve dans le passé que les signes peuvent être trompeurs ; on voit parfois ce qu'on a envie de voir, on interprète les choses à notre sauce et on met des oeillères pour tout le reste. Donc...

Il y a longtemps, une ancienne copine d'école m'a raconté qu'un jour, elle a carrément mis un mot sous l'essuie-glace du mec qui lui plaisait ; cette stratégie a été payante car ils ont vécu une belle histoire ensemble et ont eu deux enfants. Mais JAMAIS je n'oserai jamais faire ça, ni avec Myriam ni avec qui que ce soit. Je suis plutôt du genre à rester passive et à attendre que ça se passe. Il se trouve qu'en 2006, le hasard m'a donné un énorme coup de pouce avec B. (pour rappel, il est venu bosser à quelques mètres de mon boulot, ce qui a provoqué nos retrouvailles et tout ce qui s'ensuit). Bref je repensais à tout cela, et je me disais naïvement : "si c'est déjà arrivé une fois, pourquoi cela ne se reproduirait-il pas avec Myriam ?"

Mais hélas, il y a eu ce Louis de funeste 13 janvier 2020 (encore une allusion aux années 70. Niééé). Ce jour-là, Laetitia a eu 40 ans. J'ai eu envie de lui envoyer un bouquet de fleurs à son bureau ; je voulais joindre une carte très sobre (et ANONYME surtout), avec juste un "joyeux anniversaire" tout simple. Jamais de la vie je ne lui aurais dit que c'était moi, mais j'ai cru comprendre que son mec n'était pas le roi des romantiques donc cette petite attention lui aurait certainement fait plaisir.

Finalement je me suis abstenue, et au vu de la suite des événements, j'ai rudement bien fait... En effet, quand une journée commence par une catastrophe comme celle qui va suivre, on sait déjà qu'elle va être bien moisie :

Je marchais donc tranquillement, je ne demandais rien à personne, et là, Myriam a déboulé à quelques mètres devant moi. Ca m'a troublée ; je me suis pris les pieds dans une putain de roue en plastique de merde qui traînait là, et je me suis rétamée. Mais alors RETAMEE de tout mon long... Le gadin absolu qui fait disparaître toute ta dignité en une demi-seconde. BAM.

 

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Ce moment divin où ta dignité s'en va. Définitivement.

 

 

J'ai vu le visage de Myriam changer en même temps que je tombais, c'était comme dans un film. J'ai alors obéi à mon premier instinct : j'ai éclaté de rire. Mais un rire vraiment pourri, le rire le plus ridicule que j'ai jamais fait de ma vie. J'ai touché le fond en direct live.

Petite parenthèse : la semaine suivante, j'ai lu « Dolores Claiborne » de Stephen King. Vers la fin du livre, l'héroïne évoque « le rire le plus artificiel qu'[elle] avai[t] jamais entendu sortir d'[elle] », qui faisait « Yar-yar-yar ». Cette phrase m'a rappelé ma gamelle du 13 janvier, et j'ai explosé de rire en m'imaginant faire « Yar-yar-yar » les quatre fers en l'air devant Myriam. J'en ai craché mon thé par le nez. Dommage qu'elle ne m'ait pas vue, elle a loupé un grand moment, vraiment.

Bref.

Myriam m'a demandé si ça allait ; elle a touché ma main à deux reprises quand je me suis relevée (❤❤❤❤) puis elle est repartie rapidement (elle était à la bourre). J'ai gardé le sourire (pouvais-je faire autrement ??), et là, comble de la honte, je suis passée devant sa collègue, qui n'avait pas loupé une seule miette du spectacle et qui me toisait du regard, l'air de dire "ma pauvre j'ai trop pitié de toi"...

PUTAIN.

La dernière fois que je m'étais pris une gamelle pareille, c'était il y a plus de quinze ans en repartant du bureau d'une auto-école. Je m'étais pris les pieds dans le métal d'une chaise et j'étais tombée tranquillou sur la moquette ; je n'ai pas compris ce qui se passait. La directrice de l'auto-école avait  rigolé gentiment : "Il faudra être plus adroite quand vous apprendrez à conduire, hin hin hin !"

Bien évidemment, je n'ai jamais remis les pieds dans cette auto-école, j'avais trop honte. Ce qui n'a pas été une chose négative finalement, puisque c'est dans l'auto-école suivante que j'ai rencontré B.

Bref.

Tout espoir venait donc d'être réduit à néant. Tous mes efforts pour séduire Myriam, pour qu'elle me trouve jolie, apprêtée et avec une bonne élocution... balayés d'un seul coup. Je venais de passer de Catherine Deneuve à Pierre Richard slash Thierry Roland en une fraction de seconde (encore une référence de vieux). Je me suis dit : "Ok meuf, donc là concrètement si tu as jamais eu la moindre minuscule chance avec elle, elle vient de s'envoler avec ta crédibilité, ton amour-propre, ta fierté et tout ce qui s'ensuit. Myriam fait un métier public, comment veux-tu qu'elle s'affiche avec Pouf le Cascadeur ? (référence de 1997, on progresse ^^) Cette chute est un message très clair : le Destin te dit que c'est mort avec elle. Donc au lieu de rêver ta vie, occupe-toi plutôt de sauver ton couple qui est en train de partir à vau-l'eau. Oublie cette fille. Fais du sport, une bonne cure de sommeil avant d'affronter la fin janvier qui va être difficile, et basta. Salut."

Je raconte cette anecdote sur le ton de l'humour, mais tout cela m'a en fait profondément déprimée. Ce jour-là j'ai senti Myriam m'échapper, un peu comme de l'eau qui m'aurait glissé entre les doigts. J'étais fatiguée aussi. Fatiguée de mon quotidien. Fatiguée de me dire que mon mec n'avait peut-être plus envie de moi. Fatiguée de l'ignorance de Myriam alors qu'on avait eu des échanges vraiment sympas avant cette putain de chute à la noix. Fatiguée de fantasmer sur des personnes avec qui il ne se passerait jamais rien. Fatiguée de me poser trop de questions. Fatiguée tout court.

J'ai officiellement renoncé. J'ai définitivement classé cette histoire dans la catégorie « Laetitia » (nouveau substantif inventé par moi-même pour désigner une relation impossible). Tu as affaire à une Laetitia ? C'est foutu, passe à autre chose. Myriam est une Laetitia. On passe à autre chose. 

Renoncer à Myriam n'a cependant pas empêché les interrogations existentielles : je suis quoi en fait, bisexuelle ? Je déteste ce mot, ça fait hermaphrodite. Quand je lis "bisexuel", je visualise un mec avec deux pénis. Je n'ai pas de pénis, mais je me sens obligée de me mettre dans une case parce que notre société aime bien mettre des étiquettes sur les gens. J'ai fait un test sur Internet (ça vaut ce que ça vaut je sais). J'ai obtenu le résultat suivant : "Vous êtes hétérosexuel(le) avec de fortes tendances homosexuelles". Ok, ça me va. Ca veut dire que je ne me suis pas trompée en me mettant en couple avec B. ; que ces treize  dernières années n'ont pas été bâties sur un mensonge. Je crois que c'est ça qui me faisait peur, en fait : j'avais peur de m'être plantée sur toute la ligne, de m'être battue pour quelque chose qui était voué à l'échec dès le départ. D'avoir construit une vie de couple factice ; un mirage. En réalité, j'ai juste évolué. Connais-toi toi-même. Je pense que ça va me prendre mille ans pour me connaître. Me comprendre, déjà, c'est compliqué...

 

Voilà, je vous remercie de votre attention ; prochaine étape : faire un post sur les violences parentales (celles que j'ai subies durant l'enfance et l'adolescence, et celles que j'ai peur de faire subir à ma fille). Dans la mesure où cet article sera plus "analytique" que le gros machin que vous venez de lire, ce n'est pas 3 mois qu'il va me falloir pour le rédiger, mais plutôt 3 ans... Rendez-vous à la maison de retraite ^^

 

2 décembre 2019

Bilan (provisoire) des séances avec la psy d'Alice

Trois nouvelles séances ont eu lieu avec la psy ; la dernière en date s'est déroulée en couple avec B. En effet, la psy souhaitait nous voir tous les deux sans Alice pour qu'on puisse discuter de la situation sans lui créer de stress supplémentaire. Il ressort pas mal de choses de toutes ces séances ; ce n'est pas forcément évident de classer tout cela de manière organisée et cohérente. Le plus simple, je pense, est de faire un paragraphe par idée générale :

 

-Mon histoire avec mes parents, l'histoire de B. avec son ex et leurs enfants, ainsi que notre histoire à B. et à moi ; tous ces éléments ont créé un gloubiboulga qui est sans aucun doute en partie responsable des symptômes qui posent problème dans notre famille : les colères d'Alice, les séparations difficiles, le fait qu'Alice s'inquiète sans cesse pour moi et a du mal à se détacher...

-Sur 4 séances, j'ai pleuré 3 fois. Lors de la séance d'aujourd'hui, quand les vannes se sont ouvertes j'ai demandé un verre d'eau tellement je me suis sentie mal. Les pleurs qui sortent me font mal physiquement ; c'est de la douleur à l'état pur. Tout ceci fait tellement écho à ma propre histoire... La psy m'a demandé (tout en se doutant de la réponse), si j'avais été victime de violences. Je lui ai répondu : "Oui, de violences verbales" en pensant à mon père, mais j'aurais pu aussi parler de violences physiques en pensant à ma mère. Je me rappelle très bien m'être dit plusieurs fois qu'elle ne m'avait pas mis de claque depuis X jours ou semaines. Ce n'est quand même pas normal de se dire ça.

-Alice s'inquiète sans cesse pour moi. Quand je pleure, elle vient me dire que ça va aller ; elle me donne un mouchoir ou un dessin. Elle ne s'autorise pas à jouer. Je lui ai pourtant dit à plusieurs reprises qu'elle n'avait pas à gérer mes émotions, qu'elle avait le droit de s'amuser sans moi, que tout allait bien pour moi. Ca me rend dingue parce qu'elle s'inquiète pour moi comme je m'inquiète pour ma mère. Je ne veux pas qu'elle me prenne en charge comme j'ai pris ma mère en charge ; je ne connais que trop bien la lourdeur de ce poids à porter.

-Concernant B., il se plaint qu'Alice le rejette par moments. Il a parlé de Maelle, sa fille aînée, qui le rejette depuis la naissance d'Alice, et le parallèle que cela engendre chez lui. Il a confessé avoir dit à Alice "Maelle ne veut pas me voir, et elle ne veut pas te voir non plus". Erreur, selon la psy (et je suis d'accord avec elle) : Alice risque de penser que c'est sa faute. Or Maelle ne rejette pas Alice personnellement, puisqu'elle ne la connaît pas. Elle rejette le concept, pas la personne. B. doit absolument dire à Alice que cette rupture est une histoire entre Maelle et lui, et qu'elle n'a rien à voir là-dedans. Elle a également dit (très subtilement, mais j'ai saisi le message et j'espère que B. aussi), que cette rupture avec Maelle et son rejet de la nouvelle famille de son père cachait peut-être autre chose du passé, quelque chose dans leur relation à eux, et/ou dans son lien conjugal à l'époque où il était  avec son ex-femme.

 -Alice risque de penser que ces ruptures familiales (B. avec Maelle et moi avec mon père) sont la norme puisqu'elle construit son image du monde sur ce qu'elle voit au quotidien. Elle risque de  reproduire le schéma une fois adulte, et de couper les ponts avec son père. Nous devons donc parler avec elle en lui expliquant que non, ce n'est pas la normalité d'être en rupture totale avec un membre de sa famille, et lui expliquer le pourquoi de ces ruptures, de façon à ce qu'elle ne comble pas les trous en se créant un scénario plus grave que la réalité.

 -On a également parlé des colères, des punitions, des terreurs nocturnes qu'on a pris (à tort) pour des colères. Du fait qu'à tout cela s'ajoute un facteur physiologique : sa surdité. Alice est une éponge. La psy l'a observée dans sa manière de bouger et de parler, et elle la trouve déjà pleine de tensions. Il faut dire que la pauvrette a hérité d'un terrain anxiogène pour se construire... A nous de lui donner un cadre aussi sécurisant que possible, en tenant compte de nos histoires personnelles et de nos vécus respectifs.

 -La maîtresse d'Alice m'a confirmé ce que la psy soupçonnait : quand elle a besoin d'aide, Alice ne la demande pas. Comme les adultes ne peuvent pas deviner ce dont elle a besoin, elle accumule les frustrations tout au long de la journée, ce qui peut expliquer qu'elle "explose" le soir pour évacuer tout ça. Je dois m'entretenir plus longuement avec la maîtresse jeudi prochain ; ce rendez-vous tombe plutôt bien.

 

En conclusion, on a déjà pas mal travaillé depuis le début des séances, fin octobre. Il y a encore beaucoup de travail, mais on constate déjà du changement : moins de colères, moins de cauchemars ; elle joue davantage dans sa chambre. Je suis heureuse qu'une personne extérieure ait confirmé à B. ce que je pensais par rapport à son ex et à Maelle et qu'il ait vu à quel point cela me faisait souffrir. J'espère qu'il va y réfléchir et faire ce qu'il faut par rapport à Alice. Moi je ne me sens pas du tout prête à lui parler de mon père, mais je sais que je vais devoir le faire :S 

19 août 2019

Mon énorme déprime de la rentrée

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Mon moyen de transport pour aller en Helvétie

 

Je vous préviens d'avance que ce post est plein de gros mots ; j'ai besoin de me défouler. Ce sera un post de la Tourette. Veuillez m'en excuser :-)  

 

Je suis rentrée de vacances aujourd'hui, et dès demain, je retourne au boulot. Je suis déprimée, je n'ai aucune envie d'y aller... J'en ai ras le bol de mon boulot, il me fatigue psychologiquement.

Je crois que je vous avais déjà expliqué brièvement le contexte dans lequel je travaille ; je vais détailler davantage pour que vous compreniez pourquoi j'en ai ras le bol. Je vais toutefois tâcher de faire concis pour ne pas vous barber.

Mon patron est quelqu'un qui peut être gentil quand il veut, mais qui a mauvaise réputation : il parle mal aux patients (qui sont des enfants et qui sortent donc parfois de leur rendez-vous en larmes... et  derrière on doit gérer l'énervement légitime des parents) ; il nous parle mal quand il est stressé (donc souvent). Il a la réputation de faire traîner les traitements. Son devis est très cher. Il refuse catégoriquement de recevoir les parents en salle de soins (il n'accepte de les voir que très rarement, il n'a pas le temps). Il refuse les patients qui ont plus de 10 minutes de retard (mais bien sûr ce n'est pas lui qui refuse hein, c'est moi qui suis chargée du sale boulot puisque je travaille à l'accueil. Lui pendant ce temps-là il est bien peinard dans sa salle de soins).

Travaillant au secrétariat, je fais donc paratonnerre. La majorité des parents sont très gentils, mais je dois gérer ceux qui ne sont pas contents, à tort ou à raison. Je dois justifier le fait qu'ils payent presque 800 euros pour deux rendez-vous (trois s'ils ont de la chance). Je dois leur donner une réponse quand ils demandent combien de temps il reste de traitement et que mon patron ne répond pas à la question parce que ça le fait chier. Je dois gérer les emmerdeurs qui ne veulent venir que le soir à 18h ou le samedi parce que "nous on travaille" et moi je fais quoi je tricote connard ? Je dois décaler des rendez-vous quasiment toutes les semaines parce que mon patron a décidé que finalement, ce jour-là il fera du collage ou des poses de minivis "Tous les rendez-vous là, vous me les virez et vous les déplacez au lendemain. C'est mercredi donc ils pourront venir". BAH VOYONS. Je dois gérer les parents qui veulent le voir alors que lui ne veut voir personne. Ils sont prévenus dès le début mais ça, ils l'oublient vite. Last but not least, je dois me taper des séminaires de merde où je dois prendre un cercueil volant pour partir 4 jours dans un endroit loin de ma fille, avec des gens que je n'aime pas pour suivre des cours qui ne m'intéressent pas et faire potiche dans des soirées qui m'emmerdent au plus haut point et dans lesquelles je suis mal à l'aise parce que je suis autiste.

Au mois d'avril, il y a une connasse (il n'y a pas d'autre mot) qui s'est littéralement défoulée sur moi au téléphone. Elle m'a dit plusieurs fois que je me foutais de sa gueule. Elle a clairement dépassé les bornes. D'aucuns auraient pris leur téléphone pour dire à cette hystérique qu'elle n'a pas à s'adresser aux assistantes de cette manière, mais non seulement mon patron n'a pas bougé le petit doigt, mais en plus il l'a eue en face de lui 3 semaines plus tard et ne lui a strictement rien dit. Rien. Nada. Walou. Et elle non plus d'ailleurs ; elle est soi disant énervée contre lui mais elle se chie dessus quand elle est devant lui donc voilà, tout le monde se fait des jolis sourires pendant que moi je m'en suis tellement pris plein la gueule que j'en ai pleuré. Mais bon c'est tellement plus facile de hurler sur la secrétaire hein salope. Le pire c'est que depuis ce jour, cette pute se paie le luxe de me faire la gueule. LOL.

Bref il résulte de ces conditions de travail des prises de tête régulières avec certains parents ; juste avant les vacances d'ailleurs la mère d'une patiente (qui m'emmerde parce qu'elle veut voir mon patron, tiens donc) m'a dit qu'il fallait "rester zen".... Mouahahaha mais prends donc mon poste pendant 3 mois ma jolie et on verra si tu restes zen, Zazie.

Du coup je me sens con, parce que cette personne revient mardi et qu'elle va encore me gonfler parce que je me suis énervée. Et que quelque part je me sens coupable parce que je n'arrive pas à faire comme toutes ces secrétaires qui parlent doucement, ne s'emportent jamais et restent calmes en toute circonstance. La secrétaire de mon médecin est hallucinante : sa voix ne dépasse jamais 20 décibels. Bon cela dit, je pense que si elle se fait agresser verbalement, mon médecin est du genre à sortir de son bureau. Pourtant elle fait 1,60 m à peine et quarante kilos toute mouillée. Paradoxalement, mon patron qui a la carrure de Philippe Etchebest fuit les conflits comme la peste et laisse ses assistantes se démerder toutes seules. Va comprendre Charles.

Alors vous allez me demander ce que j'attends pour me barrer si c'est tellement horrible de bosser là-bas. Quelque part je suis comme dans une charentaise : c'est moche mais c'est confortable. J'ai un CDI, je commence à 10h le matin sans me taper d'embouteillages, je suis payée 1500 euros net ; ça me permet de ne pas trop regarder les prix quand je fais les courses. Je connais le logiciel, je connais le cabinet. J'ai mes habitudes. Il me faudrait une bonne dose de courage pour tout recommencer ailleurs, et je dois manquer de courage.

Mais. Je me sentais vraiment fatiguée psychologiquement au mois de juillet, et je sais que cette fatigue va revenir très vite, surtout que dans 15 jours c'est la rentrée en maternelle de ma fille et que l'amplitude horaire de ses journées m'angoisse beaucoup. Par ailleurs, dans 1 mois on part en Suisse pour LE séminaire annuel où je vais crever dans l'avion. Pas de vol direct donc on va prendre 4 cercueils volants (youpi) ; la fille avec qui je m'étais bien entendue à Lyon ne sera pas là donc je vais passer beaucoup de temps toute seule (je ne compte pas sur Mylène-planche-pourrie pour me tenir compagnie). Bref c'est la merde ; je peux espérer me reposer un peu au mois de novembre car mon boss se barre 4 semaines aux Antilles. Je suis déjà fatiguée d'avance...

Or, ma santé vaut plus que 1500 euros. Je dirais bien à mon patron d'aller se faire mettre avec son planning, sa copine hystérique et tout le reste mais mon mec étant smicard, je ne peux absolument pas me le permettre. Je ne peux pas partir sans rien. Les CDI sont rares dans ma branche. J'hésite donc entre chercher un poste de secrétaire à mi-temps (genre dans un labo par exemple), ou alors faire carrément un bilan de compétences pour changer de boulot et arrêter de me taper des connards qui ne veulent venir que le samedi et font passer la journée à Disneyland avant le rendez-vous chez l'orthodontiste. Je manque de temps ; mon boulot me bouffe mon temps et mon énergie. Ma mère me dit de me mettre au yoga mais je vois mal comment je pourrais soulever mon gros cul en plomb pour faire le poirier (sérieux, comment elles font toutes pour se mettre la tête en bas et les jambes en ciseaux telles des Nadia Comaneci en herbe ???)

 

5 juillet 2019

...

brain-switch

Mettre mon cerveau sur OFF, mon rêve...

J'en ai marre. Ca me gave. Je me soûle toute seule. Je voudrais que ça s'arrête...

Il y a quelques temps, je vous ai dit que j'avais quelqu'un dans la tête. Ca ne va pas mieux. C'est même de pire en pire. Ca a commencé insidieusement il y a 2 ans, et c'est allé crescendo, de plus en plus fort. Il occupe mes pensées du matin au soir. Le matin je pense à lui. Dans la voiture je pense à lui. Au boulot je pense à lui. Quand je vais au sport je pense à lui. Le soir je pense à lui. Je crois que c'était pareil quand j'avais B. dans la tête : je vivais B., je respirais B., je mangeais B. (ça fait 12 ans maintenant mais ça devait y ressembler). Là c'est pareil mais ça a changé de personne. L'éternel recommencement.

Je me déteste. J'ai pleuré des hectolitres de larmes pour être avec B., et maintenant que j'ai ce que je voulais, quelqu'un d'autre occupe mon esprit. Quel est donc mon problème ?? Je me dis que ma relation avec B. ne doit plus me satisfaire, sinon je n'aurais pas besoin de divaguer. Pourtant je suis sûre de l'aimer encore.

Je sais que rien n'est possible avec l'autre, donc il n'est même pas question d'essayer quoi que ce soit. Sa situation est encore plus compliquée que celle de B. lorsque je l'ai connu. Je me dis que la meilleure solution serait de ne plus le voir du tout. Mais ce n'est pas possible car je le vois dans le cadre professionnel. Et puis putain qu'est ce que je serais malheureuse si on me disait là, tout de suite maintenant, que je ne le reverrais plus jamais...

Alors que faire ? Voir une psychologue ? J'en ai vu une, à deux reprises au mois d'avril-mai, mais elle ne me convenait pas. C'est dur de trouver quelqu'un avec qui on se sente suffisamment en confiance pour parler de sentiments amoureux. Autant pour une phobie on peut faire de l'hypnose ou de l'EMDR, mais pour oublier quelqu'un je ne sais même pas s'il y a un remède à part la lobotomie. A part le temps... (qui prend bien son temps bordel)...

Je voudrais juste qu'il SORTE DE MA TETE...

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