Mon coming out autistique - phase 1
Moi qui me demandais il y a quelques semaines comment j'allais faire mon coming out... Et bien, ma mère m'y a aidée. Dans d'autres circonstances je l'aurais maudite de se mêler de mes affaires, mais là je dois reconnaître qu'elle m'a rendu service en me mettant le pied à l'étrier.
Je vous explique : avant-hier, elle me parle d'une émission qu'elle a vue sur les autistes Asperger, et elle me dit que les enfants atteints du syndrome ont tendance à crier et à faire des colères. Elle a donc fait le lien avec ma fille (qui crie et fait beaucoup de colères) et m'a déclaré très naturellement : "Je me demande si Alice n'est pas Asperger".
J'ai coupé court en lui rappelant que ma fille a 2 ans (un cap difficile chez les petits) ; qu'elle a commencé à aller chez la nounou, qu'elle est dotée d'un caractère de merde ; bref tout cela donne un cocktail pas très glop pour ses parents ; en-dehors de ça elle ne présente pas de trouble inquiétant au niveau du développement. On verra quand elle sera plus grande ; à 2 ans c'est beaucoup trop tôt pour parler de ces choses-là. On a suffisamment à faire avec sa surdité et son petit problème de motricité globale.
Par contre, je lui ai dit que je pensais depuis longtemps avoir "ça" (je n'ai pas prononcé le mot "autisme") que j'avais commencé à me renseigner mais qu'il fallait attendre 3 ans pour un diagnostic, que le dossier de demande d'évaluation était d'un simplisme à pleurer, que j'allais devoir trouver un psychiatre qui accepterait de me prendre (ce qui équivaut à trouver un ophtalmo ou un orthophoniste dans la région), et que ça me gonflait que ce soit aussi compliqué.
Comme je m'y attendais, elle n'a pas été étonnée du tout. Elle m'a redit que je me tapais la tête contre le matelas quand j'étais petite. Elle a pris l'initiative d'en parler au médecin lors d'une consultation (on a le même médecin traitant) ; le médecin lui a demandé si elle pouvait m'en parler. La prochaine fois que j'irai la voir (sans doute d'ici 2 mois pour mon renouvellement de pilule), elle abordera donc le sujet avec moi. Il va falloir que je prépare ça sérieusement, que je liste mes symptômes et que je me dégonfle pas. Il y en a dont je parle facilement, et d'autres beaucoup moins.
La réaction de B. a également été à la hauteur de ce que j'attendais : il n'y croit pas. Il ne croit pas à ce truc-là ; il ne voit pas ce que ça changera dans ma vie d'avoir un diagnostic. Mon hypermnésie des chiffres, des dates et des numéros de téléphone ? "T'as une bonne mémoire, c'est tout". Le fait qu'un bruit m'insupporte au point de péter un câble ? "T'es sensible aux bruits, c'est tout". Ma lubie des lignes de bus et des préfectures quand j'étais petite ? "Ca t'intéressait, c'est tout". Le fait que j'associe des mots avec une couleur, un goût ou une odeur ? "Bah je sais pas".
Putain il m'éneeeeeeerve quand il est buté comme ça. Cela fait très longtemps que je lui dis qu'il a des oeillères. Il s'en tient à ce qu'il voit juste devant lui, sans jamais essayer de voir les choses au-delà de l'horizon, ou au moins avec un regard différent. Et encore, il a évolué sur beaucoup de points depuis qu'il est avec moi. Je n'ose imaginer ce que c'était avant, avec l'état d'esprit étriqué de Madame B qui est restée bloquée en 1964.
BREF inutile de dire que je ne me suis pas fatiguée à lui développer le volet "relations sociales très difficiles malgré les apparences", parce que ça m'aurait encore plus énervée. Je lui ai dit : "Voilà pourquoi je ne t'en ai jamais parlé ; je savais que tu réagirais comme ça. Je n'aborderai plus ce sujet avec toi".
Donc voilà, je ne pourrai aucunement compter sur le soutien de mon conjoint à ce niveau-là, vu que d'après lui je me fais des films. C'est bien triste.
Peut-être que je n'ai pas d'Asperger. Peut-être que je n'ai même pas de TSA. Mais j'ai besoin d'avoir des réponses à mes questions, j'ai besoin que quelqu'un d'extérieur donne son avis sur mes symptômes. Mon mal-être est trop ancien et trop profond pour que je mette un mouchoir dessus. Je suis persuadée que je me sentirai mieux après.
C'est là que je me dis que ça va être très difficile de convaincre les professionnels de santé qui vont examiner mon dossier, et que j'ai intérêt à tourner mille fois mon stylo dans ma main avant d'écrire les raisons qui m'incitent à demander un diagnostic. J'ai une vie en apparence normale, et même en matière d'autisme, ce sont les apparences qui comptent. La France a tellement de retard concernant la prise en charge, ça fait vraiment peur.
Bref prochaine étape : en parler avec mon médecin traitant ; là pour le coup j'ai le dos au mur ! ^^